Le Grand Embouteillage : Dark Country


Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Luigi Comencini.


Ah, Stefania Sandrelli en sueur et enceinte… Belle présence des enfants, une caractéristique du réalisateur. Rappelons que Trafic sort en 1971 et Crash paraît en 1973 (Ballard ira plus loin dans la stase narrative). À rapprocher du Fanfaron, autre radiographie nationale en voiture ; Risi filmait la vitesse du renommé miracle économique, jusqu’à l’accident fatal, Comencini l’immobilité de la crise pétrolière, justement, avec ce klaxon italien typique en trait d’union. On ne compte plus les viols dans le cinéma des années 70, de Peckinpah à Winner, d’Enrico à Yannick Bellon, en passant par Rino Di Silvestro (La Louve sanguinaire) et Saura.

Que nous disent ces images, dans le contexte de la pornographie d’alors et du MLF ? La réponse se trouve peut-être dans Lames de Mo Hayder (auteur de Tokyo, grand livre en résonance, étrangement, avec City of Life and Death) : « Je n’ai plus rien entendu après. Jusqu’à ce qu’on la retrouve morte. Et violée, je suppose. C’est de ça qu’il s’agit presque toujours : les hommes et leur haine des femmes. » Ici, le viol devient historique et générationnel, ose la métaphore, puisque Ángela Molina – très attachante, revue récemment dans Blancanieves – subit les outrages d’Aryens dans leur char d’assaut, devant le quatuor des pères en chaleur (à l’inverse, dans La ciociara, Sophia Loren se débattait avec des « indigènes »). Dans un registre plus « ludique », on se souvient d’une agression similaire dans Street Trash, autre fable sur les épaves humaines, américaines, cette fois, cadrées avec un steadicam encore plus ostentatoire que dans Shining

L’humanisme de Comencini, très éloigné de Céline, disons, se révèle dans le geste du camionneur, qui ne fera pas sauter la Range Rover, et dans la prière finale du prêtre, toujours d’actualité, dans sa proximité avec les saines colères de Moretti (le personnage de Tognazzi fait d’ailleurs penser à l’intellectuel converti aux soaps dans Journal intime). Le dernier plan, un travelling panoramique perpendiculaire aux autos, qui vient contredire le message rassurant diffusé en hélicoptère sur la reprise de la circulation, signe la nature anxiogène du film. Quel autre pays sut donc se regarder avec autant d’acuité au miroir de son cinéma ?

Commentaires

  1. Vieux comme le monde romain :
    https://dailygeekshow.com/trafic-routier-rome-antique/
    Violences sexuelles et atteinte au corps dans le monde romain :
    Une anecdote montre Tibère en tyran incapable de maîtriser ses passions, en particulier son appétit sexuel :
    « On raconte (fertur) même qu’un jour, pendant qu’il faisait un sacrifice, séduit par la beauté du servant (captus facie ministri) qui présentait la boîte d’encens, il fut incapable de se retenir (nequisse abstinere) et qu’à peine la cérémonie religieuse terminée, sur place et tout de suite, il l’emmena à part (seductum) et le viola (construpraret), en même temps que son frère, qui était flûtiste ; et bientôt, parce qu’ils s’étaient reproché mutuellement leur déshonneur (quod mutuo flagitium exprobrarant), il leur fit briser les jambes à tous deux (crura fregisse
    https://books.openedition.org/pur/45417?lang=fr
    Certains textes le précisent, voir Tite-Live, XXIX, 17, 15 : un habitant de Locres décrit devant le sénat romain la conduite des soldats de Pléminius (en 204 av. J.-C., pendant la 2e guerre Punique) : « Omnes rapiunt, spoliant, uerberant, uulnerant, occidunt, construprant matronas, uirgines, ingenuos raptos ex complexu parentium. », « Tous volent, pillent, frappent, blessent, tuent, violent les matrones, les jeunes filles, les enfants libres arrachés aux bras de leurs parents. » Ingenui indique un statut, pas un âge, mais la jeunesse de ces victimes se déduit de l’indication finale.

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    Réponses
    1. https://www.youtube.com/watch?v=Pe1XuBsiVB8
      https://www.youtube.com/watch?v=AetzKTVdkig
      https://www.youtube.com/watch?v=aogdXDTGZtI

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    2. Merci pour le partage des liens
      Week-end est un film franco-italien réalisé par Jean-Luc Godard et sorti en 1967.
      "Un couple de Français moyens, Corinne et Roland, passe son week-end en voiture sur les routes d'Île-de-France et limitrophes, en circulant (quand c'est possible) entre embouteillages monstrueux et accidents sanglants"
      Bande Annonce VF [HD]
      https://www.youtube.com/watch?v=XGD8TSuTvu8

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    3. https://www.youtube.com/watch?v=s3H5jBRDkRc
      https://www.youtube.com/watch?v=1aoPGprM4RM&t=401s

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