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Affichage des articles du 2016

La prima linea : Tu ne tueras point

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Renato De Maria. Reformulons le Camus du Mythe de Sisyphe  – il n’y a qu’un problème politique vraiment sérieux : c’est le terrorisme . Ce phénomène pérenne, global, nanti d’un vernis d’idéologie, mélange instable de « morale du ressentiment » nietzschéenne, d’utopie juvénile et de narcissisme suicidaire, sinon sacrificatoire, possède une mystique à part. Face au « forces de la réaction » en place, il vise toujours le spectaculaire, la sidération, l’absurde et le désastre. Film éminemment mélancolique, La prima linea illustre un désenchantement, une prise de conscience des conséquences réelles, intimes, de la violence. Dépourvu du moindre glamour , d’un romantisme complice, il humanise et démythifie les assassins très humains d’un groupe moult connu en Italie, dans le sillage de scission des Brigades rouges sang. Le scénario transpose l’autobiographie de Sergio Segio, l’un de ses dirigeants,

Black Coal : Nettoyage à sec

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Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur le titre de Diao Yi’nan. Polar polaire à l’humour noir comme le charbon, à l’intrigue aussi fine que la glace du titre international, Black Coal fusionne Gorky Park , où l’on patinait déjà mortellement sur « les eaux glacées du calcul égoïste », pour reprendre la métaphore célèbre, toujours de saison, de Marx & Engels dans leur Manifeste du Parti communiste (1848) et le « film noir » à « conscience sociale » de la Warner durant les années 30. Avec son privé alcoolisé, sa « femme fatale » surtout à elle-même, sa radiographie désenchantée d’un pays via le prisme euphorisant du cinéma, le film retravaille habilement et puissamment des motifs bien connus, en partie repris par Jia Zhangke dans A Touch of Sin , l’héroïne paraissant une petite sœur discrète de la « justicière » ensanglantée, elle-même tout droit sortie d’un wu xia pian moderne. Le macchabée, empaqueté puis déchargé sur un tas aux allures

El Dorado : Un chien andalou

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Dans la Cour des lions, dans les Jardins du Partal, dans les rues appauvries, religieuses, glissent des spectres mauresques, des figurants anonymes, inspirations pour Hugo, Debussy, Manuel de Falla, pour toi ou moi – et une femme admirable, inoubliable…   Mêmes joueurs, partie différente : Ève Francis, assistante de L’Herbier, compagne de Delluc, interprète de Claudel, bien plus tard aperçue chez Chéreau ( La Chair de l’orchidée ) ou Pierre Granier-Deferre ( Adieu poulet ) et Georges Paulais, acteur du Grand-Guignol à la filmographie étendue, dont quelques Gance, Lang, Duvivier, Grangier ou Ophuls, rejoignent les fidèles Marcelle Pradot, Claire Prélia, Jaque Catelain, Philippe Hériat en Espagne, restent à Paris pour les intérieurs. Le réalisateur aimait ce pays, qu’il découvrit par les écrits du nationaliste Maurice Barrès ; avec El Dorado , co-écrit par Dimitri Dragomir, il veut à la fois s’adresser à un public populaire, venu au cinéma, selon ses dires, pour s’y détendre, s

L’Homme du large : Un mauvais fils

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L’Homme du large brille par sa proximité, sa galerie de féminités contrariées, maltraitées, émancipées… Ressuscité par une restauration exemplaire due aux archivistes de Bois d’Arcy épaulés par ARTE, voici un mélodrame familial et religieux magnifié grâce au grand Antoine Duhamel . La bien nommée série Pax de Gaumont entendait, au sortir de la Grande Guerre, regrouper des œuvres à la fois populaires et raffinées. Dans un contexte d’essor théorique et pratique de la cinéphilie à la française, autour de Delluc, Moussinac, Epstein, Gance, Germaine Dulac et compagnie, L’Herbier adapte pour sa « marine » bretonne un « croquis » de Balzac classé en conte philosophique. Il conserve la structure au passé, nouveauté de cinéma d’alors, mais son retour en arrière narratif se débarrasse du récit dans le récit, corrige la triste fin réflexive et ose même le symbolisme. Du pêcheur au pécheur, il suffit d’un accent pour faire sens, pour orienter l’interprétation. Pareillement, Georges Luca