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Affichage des articles du juillet, 2021

Chaînes conjugales

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  Un métrage, une image : Adorables créatures (1952) En découvrant en version restaurée ce divertissement d’un autre temps, on sourit et on rit souvent, à l’instar de son anti-héros guère miso, même un peu miro, « doudou Dédé » séducteur idéaliste dessinateur de soutifs façon Sueurs froides (Alfred Hitchcock, 1958), mec « moyen » auquel Daniel Gélin sait aussi accorder avec subtilité sa mélancolie au masculin. Co-écrit par Jacques Companéez, le scénariste du contemporain Casque d’or (Jacques Becker, 1952), d’accord, Adorables créatures aux dialogues de Charles Spaak carbure, par conséquent leur constante ironie ne possède l’acidité d’un Jeanson, le chaos d’un Clouzot ; on s’amuse plus que l’on ne se moque, on ne cède au cynisme ni ne succombe à l’anecdote. Précédé d’un prologue surprenant et pertinent, tant pis pour la « script-girl » qui dut tirer la gueule, muni d’un « commentaire » que déclame le malin Claude Dauphin, voix off tout sauf morose, quasi à la Guitry, le presque

Colombiana

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  Un métrage, une image : Les Oiseaux de passage (2018)  Prolongement de L’Étreinte du serpent (Ciro Guerra, 2015), l’herbe, le rêve, amen , Les Oiseaux de passage ressemble un brin (de marijuana pas made in USA ) à un ersatz d’ethnographe de Scarface (Brian De Palma, 1983), s’avère vite un western se souvenant du Django (1966) de Sergio (Corbucci, pardi), car le cercueil dissimule idem un fatal arsenal. Cette fois-ci co-dirigé par la fidèle productrice (+ épouse puis divorcée, olé) Cristina Gallego, il s’assortit d’un soupçon de farouche féminisme, cf. le personnage (im)pitoyable de la maudite matriarche. En vérité, il ne s’agit que d’un vernis, l’essentiel du massacre se passe entres mecs malhonnêtes, la demoiselle danse, jolie séquence, s’essouffle et ne moufte, fiancée sacrifiée, mère mortifère. À défaut donc de remaker Bloody Mama (Roger Corman, 1970), autre drame familial, mené par une Shelley Winters vénère et patibulaire, cet opus au demeurant plaisant, pas si lent,

The Voice of Love

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  Re-recording intrépide et curiosité d’été…   La vocaliste/violoniste valeureuse revisite quelques classiques et titres moins emblématiques. Descendante de jazzman , fille cinéphile, elle possède à l’évidence le sens du rythme, elle respecte les tempi, elle réussit en grande partie son périlleux pari. Jamais il ne s’agit d’une petite et pénible plaisanterie, d’une fantaisie narcissique de freak multipiste, plutôt d’un tour de force (au) féminin, car elle le vaut bien, l’impériale Petra, elle sait se servir de façon parfois superbe et toujours surprenante de sa voix. Démultipliée, elle se démène, elle déploie sa maestria sereine, non démunie d’humour, animée selon un constant amour. Mademoiselle Haden aime ce qu’elle fait, fait ce qu’elle aime, cela s’entend et se ressent. La dame ressuscite donc des thèmes de Leonard Rosenman, Bernard Herrmann (reprise en bis ), Lalo Schifrin, Ennio Morricone (diptyque idem ), John Barry, Nino Rota, Dave Grusin (à nouveau morceaux en stéréo), John

Violettes impériales

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  Un métrage, une image : Fandango (1949) Vous voulez un ouvrage estival ? À défaut du fandango de Bernard Herrmann ( La Mort aux trousses , Alfred Hitchcock, 1959), voici celui de Francis Lopez . Tourné à la Victorine, donc à Nice, Fandango (Emil-Edwin Reinert, 1949) ne se déroule pas au Pays basque, tant pis pour ce qui s’écrit en ligne, plutôt aux environs de Falicon (06), pourtant l’un des deux personnages principaux, prénommé Luis, amateur mécano, déclare venir d’Irun : double détail autobio de Mariano, né au même endroit, au garagiste papa. Deux ans avant L’Auberge rouge (Claude Autant-Lara, 1951), un « pont d’or » n’y sème la mort mais y détourne idem les touristes sudistes en direction d’un établissement au succès sous peu assuré par un prévu tracé, à l’inverse de la solitude très désaxée du motel de Norman Bates ( Psychose , Hitchcock, 1960). Le serveur subito licencié, assorti de sa simplette dulcinée, se transforme fissa en petit capitaliste complice, en arnaqueur

La Môme vert-de-gris

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  Un métrage, une image : La Fille de Hambourg (1958) Par et pour Jacqueline Ils boivent à la santé Des putains d’Amsterdam De Hambourg ou d’ailleurs Enfin ils boivent aux dames Brel Bientôt pornographe, le réputé Bénazéraf imagine un moment minuté, à réveil envolé, à manteau démodé, d’amitié tourmentée. Comme dans le contemporain Sueurs froides (Hitchcock, 1958), un idéaliste triste souhaite ressusciter le passé ripoliné, périt en proie à l’impitoyable « principe de réalité ». Le cinéaste anglais relisait Eurydice & Orphée ; l’estimable Allégret ne se moque de Tristan und Isolde. En coda, Maria se suicide aux somnifères, s’endort du « grand sommeil » en souriant, son amour invisible serrant, pendant que Pierre décède sur son palier, à quelques centimètres à peine de la porte bouclée. Auparavant, instant assez superbe et poignant, en sus symbolique, sinon didactique, il épongeait, contre son gré, la catcheuse malheureuse et boueuse, un brin putain, Deux filles au

Le Profond Désir des dieux : There Will Be Blood

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Shōhei Imamura. Cette robinsonnade satirique, à la production et aux proportions épiques, dotée d’un « entracte » au mitan exactement, amplifie et délocalise La Femme insecte (1963). Il s’agit à nouveau d’un survival , presque d’un « film de cannibales », spécialité transalpine par exemple représentée par le bien (re)nommé Cannibal Holocaust (Deodato, 1980), puisque le capitalisme japonais y dévore des « indigènes » consanguins et condamnés. S’il se fiche de l’ethnographie, lui préfère la fable fatale, Imamura s’avère en vérité un élève involontaire de Lévi-Strauss, dont le pionnier Tristes Tropiques paraît en 1955. Le Profond Désir des dieux (1968) s’occupe donc de cosmogonie, de choc des cultures, de sexe et d’inceste, de puits à creuser en reflet, en replay , petit exercice à la Sisyphe, de pénitence ou à l’opposé de puissance. En découvrant ce film de son temps, où le son d’un avion et une réplique laconiq

La Femme insecte : The Crimsom Kimono

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  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Shōhei Imamura. - Ma vie n’est pas une existence… - Si tu crois que mon existence est une vie ! Hôtel du Nord (Marcel Carné, 1938) Décédé en 1956, Kenji Mizoguchi ne vit ceci, sorti en 1963, on peut pourtant penser qu’il ne pouvait apprécier pareil traitement d’un toutefois familier argument. Car Imamura ne carbure à la came du mélodrame, ni au dolorisme du manichéisme, moins encore à la victimisation à la con de notre époque. Les proies, les « prédateurs », les « porcs à balancer », les martyres médiatisées, les saintes, les salopes, il s’en moque, il connaît de près Cochons et Cuirassés (1961), il observe à la Brecht son pays, sa patrie, en train de fissa se transformer, ni meilleurs ni pires qu’auparavant, plus américanisés assurément. En 1964, le compatriote Mikio Naruse entrelacera sens féminin du sacrifice et capitalisme importé, de supermarché, selon l’émouvant Une femme dans la tourmente . La Femme i

Carol

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  Un métrage, une image : Nana (1955) Il conviendrait un jour de réévaluer le parcours pas si drôle de Martine Carol. Parallèle au plus méta et renommé Lola Montès (Max Ophuls, 1955), Nana (Christian-Jaque, 1955) lui sert bien sûr de véhicule, dévide davantage. Son cinéaste de mari la glorifie et finit par l’étrangler, CQFD, les psys apprécient, les féministes s’attristent. Traduction infidèle – plus de gosse ni de vérole, plus de saphisme ni de défiguration – du moralisateur Émile, abandon assumé des prétentions pseudo-scientifiques du naturalisme, ce Nana -là s’avère vite une réussite, de chaque plan et instant. Avec des costumes et des décors ad hoc , un casting choral irréprochable, croisement stimulant de nationalités associées, puisque co-production franco-italienne à l’ancienne, il carbure à la cocotte pas sotte, « femme d’argent » aux friqués amants, il s’occupe de politique et d’économique, de krach et de cravache. Comédiennes, prostituées, les filles se font traiter d

Lucy in the Sky with Diamonds

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  Coercition sanitaire ? Double dose d’air… Furie (Brian De Palma, 1978), Superman (Richard Donner, idem ), Dracula (John Badham, 1979) : entre deux épisodes de La Guerre des étoiles (Steven Spielberg, 1977 + L’Empire contre-attaque , Irvin Kershner, 1980), entre une visitation ( Rencontres du troisième type , Spielberg, 1977), une prolongation ( Les Dents de la mer 2 , Jeannot Swarc, 1978), une reconstitution ( 1941 , Spielberg, 1979), John Williams revisite la musique épique, le frisson fantastique, le style héroïque. Ce qui s’écoute ici procède ainsi de l’œdipienne parapsychologie, de la science-fiction messianique et mythologique, puisque Lois & Clark in extremis ersatz US d’Eurydice & Orphée, olé, du sombre romantisme assumé, transcendé. Si Badham en Albion délocalisé ne démérite pas, loin de là, l’âme de Williams anime l ’item climatique, l’enflamme en continu, lui confère un lyrisme fatal plus que bienvenu. Structuré autour d’un irrésistible leitmotiv, la « 

Drôle de drame, Hôtel du Nord, Les Assassins de l’ordre : Vous connaissez Marcel Carné ?

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  Suite à leur visionnage sur le site d’ARTE, retour sur trois titres de l’auteur. Drôle de drame (1937) Déjà Jaubert, ses notes de L’Atalante (Jean Vigo, 1934), réentendues au début de Hôtel du Nord (1938) ; déjà Eugen Schüfftan ( Le Quai des brumes , 1938), à la lumière, à l’obscurité, en trio avec Louis Page, régulier de Grémillon, Henri Alekan, bientôt au côté de Cocteau ( La Belle et la Bête , 1946) ; déjà Jean-Pierre Aumont, en prison. On compte Prévert & Trauner, on calcule une screwball comedy ,  au rythme un brin rassis. Les ouvrages si sages, si soignés, du classique Carné, se caractérisent par des troupes dépourvues d’entourloupe, par une précision propice à l’émotion mesurée, fi d’effusions déplacées. Drôle de drame démarre un tandem « remarquablement remarquable », résume l’inspecteur opportuniste, a fortiori fumiste, il abonde en bilinguisme de surprenantes surimpressions, comme si persistait l’époque des doubles versions. Adapté d’un polar anglais, il don

Ça l’affiche bien

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  L’affiche se fiche de foutre la frousse… Elle feint l’effroi fissa, la valeureuse Vera Farmiga, sur l’affiche française du troisième item d’une franchise me laissant indifférent, je le confesse de façon express . Alors que la version US opte en faveur d’une exposition un brin hyperbolique – « The demonic case that shocked America » –, on préfère poser ici une question pas si à la con : « Pourront-ils prouver l’existence du Diable ? », accroche peu moche de suspense à missel, film de procès, tradition étasunienne, CQFD. Le « ils » désignent bien sûr ces spécialistes ès parapsychologie, enquêteurs conjureurs, accessoirement âmes sœurs. Car à son côté, à demi dans l’obscurité, se tient le copain Patrick Wilson, dont l’inquiétude en sourdine ressemble presque à une forme de force tranquille. Conjuring : Sous l’emprise du Diable (Chaves, 2021) par conséquent un film mitterrandien ? En tout cas pourvu d’un poster en souvenir de celui du Rite (Håfström, 2011), avec Anthony Hopkins p

Être libre : Ne pas oublier Michel Colombier

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  Touche-à-tout et bon à rien ? Lyonnais, Américain… Colombier composa beaucoup, des deux côtés de l’Atlantique, son corpus ainsi se place sous le signe d’un éclectisme assumé, sinon en sourdine revendiqué, par un homme discret, plusieurs fois père puis victime prématurée du cancer . Avant d’être enterré à L.A., l’estimable Michel, inspiré par son papounet, formé de façon classique, croisa donc le chemin du mentor Magne, devint vite directeur musical, chez Barclay, s’il vous plaît, célébra la messe selon le messie Henry , collabora avec Aznavour & Gainsbourg, Barbara, Petula (Clark, who fucking else? ), Madonna, Polnareff & Nougaro, les Beach Boys, Supertramp ou Air, mena forcément à la baguette de renommés orchestres, dont le London Symphony Orchestra, voilà, voilà. Tout cela ne lui suffit pas, puisqu’il signa en sus des BO (en français), des OST (en anglais), à destination du ciné, de la TV, une trilogie jolie, au creux de laquelle (ré)écouter le fameux Emmanuel , issu de

Raphaël ou le Débauché (1971) : Cela s’appelle l’aurore

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  Aux hommes la mélancolie, aux femmes la (sur)vie… Merci Jacqueline Nietzsche ordonnait de danser sa vie ; aussi funambule que le Zarathoustra du philosophe, qui estimait l’Homme comme une « corde tendue au-dessus de l’abîme entre l’animal et le Surhumain », hein, Raphaël ne souhaite « penser qu’à ses pieds », finira fissa flingué, son suicide en rime à celui de son Aurore adorée, in extremis et sans malice mal mariée. À revoir à l’invitation d’une artiste amie ce film, l’un des meilleurs du réalisateur Michel Deville, jadis découvert durant l’adolescence, on sourit de connivence et s’émeut à nouveau devant le mélodrame rempli de charme, écrit avec esprit et monté avec doigté par l’incontournable Nina Companeez, quels rôles en or, selon deux interprétations d’exception, la fascinante Françoise Fabian et l’irrésistible Maurice Ronet en superbe couple en déroute. Costumé par l’experte italienne Gitt Magrini, partenaire d’Antonioni & Bertolucci, Lado & Truffaut, Demy & R