Au-dessous du volcan

 

Un métrage, une image : La Mélodie du malheur (2001)

Mélodrame, donc drame en musique, comédie, pas uniquement musicale ni sentimentale, vrai-faux remake du coréen The Quiet Family (Kim, 1998), The Happiness of the Katakuris aussitôt séduit, en raison de sa « déraison », ainsi désignent l’énergie, la générosité, l’inventivité ceux qui s’en voient privés, voire n’en possèdent pas assez. Cinéaste stakhanoviste, signataire des réussis Audition (1999), Visitor Q (2001), La Maison des sévices (2006, mémorable segment de la série Les Maîtres de l’horreur), du raté Ichi the Killer (2001), l’aimable Miike investit cette fois-ci une auberge, pas celle de Hostel (Roth, 2005), presque, dans lequel il accomplissait un amical caméo muet. Andrews & Wise (La Mélodie du bonheur, 1965) peuvent respirer/reposer en paix, pas une once de cynisme ici, ni de pénible pose post-moderne, plutôt une réflexion en action(s) à propos de la famille, tropisme nippon, cf. le plus récent et récompensé Une affaire de famille (Kore-eda, 2018), le récit d’une utopie sans cesse retardée, in extremis réalisée, délocalisée, panorama d’après l’éruption en patchwork, à surprenants éléphants, une fable affable à la dimension morale, sinon chrétienne, qui s’achève en plongée via une assomption de saison. En dépit de séquences anthologiques conduites en pâte à modeler, Miike ne prend jamais sa petite troupe impeccable pour des marionnettes suspectes, à manipuler en démiurge insensé. Au contraire, son opus, pas un brin mozartien, certes, déploie une liberté, une intensité, de chaque instant + plan, l’ensemble, cadré au cordeau, y compris parfois en caméra portée, révèle vite un vrai réalisateur davantage conscient de ses capacités que de ses excès, un regard qui renverse le désespoir, entre liesse, détresse et tendresse. On sourit souvent à La Mélodie du malheur, traduction en oxymoron d’un item ponctué de chorégraphies et parsemé de chansons pas à la con, dont recommander la vision sur le site d’une chaîne classée culturelle ; on s’émeut aussi, de la déception, du dessillement, de l’accumulation, du non-renoncement. Face aux affreux feel good movies américains et européens, Takashi s’autorise à oser le sien, satirique et sincère, où être découpé puis déplacé sous terre, où à plusieurs flotter en l’air. Ni L’Auberge rouge (Autant-Lara, 1951) ni L’Auberge espagnole (Klapisch, 2002), ludique et drôle, conté en voix off par une enfant, discret symbole, La Mélodie du malheur fait le bonheur du spectateur dénicheur, doté d’un cœur, qu’il carbure ou pas au karaoké de boule à facettes et robe de soirée. Mine de rien, Miike manifeste un immobile picaresque, se charge d’une charge près d’une décharge, associe ordures et impostures, « training spirituel » elliptique, épileptique et scarabée au creux du nez, à la TV, zombies jolis et féminicide dépressif. Son art poétique et politique délivre en définitive un stoïcisme festif, assimile le succès du décès à celui de la (sur)vie, se moque de la normalité, incite à la solidarité. Du ciné cinglé, kitsch et coloré ? Du rire, du pire, pour ne plus pleurer…   

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