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Affichage des articles du novembre, 2019

Noura rêve : Triangle

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Fermer les yeux puis les (r)ouvrir, rester ou partir, aimer au lieu de maudire… Thriller tunisien au suspense sentimental, Noura rêve (Hinde Boujemaa, 2019) aussitôt séduit par son sens du cadre, de la durée des plans, de la simplicité-intensité de son argument. Une femme, deux hommes, trois enfants, quatre jours à divorcer, cinq ans à condamner, gare à l’adultère, mes chers, ou dix ans d’emprisonnement pour l’innocent criminel, au moins du vol de matériel : en quatre-vingt-dix minutes épurées, dépourvues de pathos, la réalisatrice et co-scénariste parvient à peindre trois portraits pertinents, prenants, à cartographier en creux un pays, le sien, à éviter avec habileté tous les obstacles du médiocre film à message sur la condition féminine maghrébine, amen . Féminin plutôt que féministe, jamais misandre malgré un viol entre mecs à la Délivrance (John Boorman, 1972), Noura rêve propose une tapisserie sombre et cependant point morose de mœurs géométriques, une sorte de réc

Berlin Falling : Berlin Undead

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Chute de dictateur ? Dernier battement de cœur…   À Brieuc Le Meur, d’ici, d’ailleurs Un vétéran d’Afghanistan croise la route, littéralement, d’un terroriste allemand : résumé ainsi, Berlin Falling (Ken Duken, 2017) ressemble à un road movie venu de Germanie, voire à un huis clos (motorisé) sado-maso ; il s’agit, en réalité, d’un thriller méta, qui divise et fait dialoguer deux personnalités, pour mieux dépeindre le contemporain européen, lui-même dépressif, sinon suicidaire. Au générique de Inglourious Basterds (Quentin Tarantino, 2009), l’acteur-auteur-réalisateur-producteur possède assez de générosité afin de mettre en valeur son auto-stoppeur/ravisseur, drolatique et pathétique Tom Wlaschiha, vu dans Walkyrie (Bryan Singer, 2008). Deux hommes, une voiture, une bombe + une ex -femme (Marisa Leonie Bach, épouse du cinéaste) et une fillette à bord d’un train, roulant tous vers Berlin – au carrefour de la folie, du désamour, on se délecte de l’insanité du discours,

Backtrack : Train d’enfer

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Parvenir à se souvenir, au risque d’en mourir, et le « tel père, tel fils » contredire… Adulte, endeuillé, élégant, soigné, le méconnu-mésestimé Backtrack (Michael Petroni, 2015) mérite vraiment d’être exhumé, réévalué. Psychiatre patraque, papounet désemparé, pêcheur pécheur, une seconde d’inattention + un reflet de camion = une fillette adorée terrassée, l’adoubé, very broody Adrien Brody y broie du noir, carbure à la culpabilité. À l’instar du gosse trop lucide de Sixième Sens (M. Night Shyamalan, 1999), il aperçoit des dead people , dialogue avec, par exemple l’impeccable Sam Neill, puis rentre chez lui, revoir son père, y voir plus clair. Mais la mémoire, évidemment amère, le fait ressembler à l’amnésique volontaire de Spider ( David Cronenberg , 2002), lui fait affronter son propre géniteur, policier retraité auparavant buveur, kidnappeur, violeur, tueur, mystificateur, dissimulateur et peut-être serial killer . On passe par conséquent du mélodrame familial au po

Music of My Life : Bruce tout-puissant

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Et les bons contes font les bons amis, du côté de Luton puis Asbury… Ici, hélas, pas une once de l’urgence, de la pertinence, de My Beautiful Laundrette (1985) & Sammy et Rosie s’envoient en l’air (1987), diptyque in situ , instantané, des années Thatcher, dépeintes par un tandem Hanif Kureishi/Stephen Frears à la fois tendre et en colère. « Feel good movie » téléfilmé, « inspiré d’une histoire vraie », Music of My Life (Gurinder Chadha, 2019) ferait aussi ressembler Absolute Beginners (Julien Temple, 1986) à un métrage marxiste. Narré par son principal protagoniste, un « Paki » porté sur l’écriture, en opposition paternelle, sujet d’une épiphanie jolie, un soir de tempête suspecte, réminiscence de romantisme, ce récit d’une déception, d’une obsession, d’une ascension, ne réserve aucune surprise au spectateur anglophone, anglophile, déjà au courant, dès son rural commencement, de son collégial achèvement. Cependant, on n’y perd pas trop son temps, on y (ré)entend les

Asher : Jackie

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  « Tueriez-vous Hitler ? » Question rhétorique, à la Johnny Smith , ma chère… On n’espérait pas grand-chose de Michael Caton-Jones, signataire impersonnel d’ opus insipides, dispensables, baptisés Scandal (1989) ou Basic Instinct 2 (2006), surtout pas un semblant de style. Ainsi son Asher (2018) ne déçoit pas, petit polar pépère de Grosse Pomme, à base de Mossad, d’Alzheimer, d’ennui joli, de rédemption d’occasion ( Hitman: Redemption , titre britannique programmatique). Mais on se laissa séduire par sa distribution pour ainsi dire en béton, surtout par la présence des très estimables Famke Janssen & Jacqueline Bisset. Je me dispense de reprendre ici tout le bien pensé à propos de l’interprète du Maître des illusions (Clive Barker, 1995), de X-Men (Bryan Singer, 2000), de La Dernière Mise (Chris Eigeman, 2007) ; je ne développerai pas davantage le portrait déjà dépeint de la dear Jackie, retournez-y. Cependant ces actrices, mère et fille de surcroît, ensemble sur

Annabelle : La Maison du mal : Panic Room

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Poupée pourrie ? Surprise sympa… Pour mon frère Film féminin, sinon féministe, puisque les hommes n’y font, au fond, que de la figuration, Annabelle : La Maison du mal (Gary Dauberman, 2019) mérite quelques lignes incitatives, conviviales, presque hivernales. Il s’agit, résumons, à nouveau, d’un huis clos, d’un mélo d’ados, où surmonter un trauma , accident de voiture du papa, où croiser par deux fois son quasi reflet, funeste présage d’image, où accepter l’héritage particulier de ses parents, cause de scolaire harcèlement, c’est-à-dire consentir à soi-même devenir, malgré son jeune âge, experte en paranormal, démonologue à domicile, amen . Fable familiale d’apprentissage accéléré, tout s’y passe un vendredi, malsain plutôt que sain, ce troisième volet d’une provisoire trinité précédemment évoquée – (re)lisez-moi ou pas à propos de Annabelle (John R. Leonetti, 2014) + Annabelle 2 : La Création du mal (David F. Sandberg, 2017) – possède plusieurs qualités laïques, au-d

Sorry We Missed You : Ricky

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  « Permis de tuer », mais bye-bye à James Bond… Opus parfois poignant, métrage par moments amusant, Sorry We Missed You (Ken Loach, 2019) possède un titre programmatique, polysémique, qui désigne à la fois le désolé message d’avis de passage, laissé en l’absence du destinataire, et le désolant, au présent, manque d’un père, trop occupé à se faire exploiter, pardon, à travailler en tant que livreur au paradis insulaire, infernal, libéral, balisé par un certain Tony Blair. On vous a manqué devient donc tu nous manques, tu te manques, à force d’endettement, d’épuisement, d’endormissement au volant, tu manques d’argent, de temps, de présence auprès de tes deux enfants, surtout le plus grand, lycéen lui-même porté sur l’absentéisme, le graffiti entre potes, accessoirement la rébellion de saison, la baston en institution, le vol d’occasion et la dégradation à la maison. Cette carence multiple, systémique, politique et intime, ne manque pourtant pas de grandeur, de ferveur, d’u

Ciel sans étoiles : Frontière(s)

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Helmut Käutner. Dans Ciel sans étoiles (Helmut Käutner, 1955), Anna & Carl ne cessent d’aller, de (re)venir, de (re)passer la frontière, pas encore matérialisée par un mur : la caméra comprend, accompagne ce contradictoire mouvement émouvant. Voici, presque en catimini, un grand petit film allemand, pas tant d’un autre temps. Hier, la Frontier représentait une utopie US ; désormais, délocalisée en UE, elle anime l’imaginaire des « migrants ». En 1952, époque de l’ opus , sept années viennent de s’écouler depuis la défaite « d’Adolf », familiarité infernale, fossé de 39, mais la guerre n’en finit pas, cette fois-ci infanticide, fraternelle, davantage individuelle, idem cruelle. La séparation politique, économique, idéologique, duplique en plus une fracture intérieure, entre une mère solitaire et son fils fissa orphelin définitif. En RDA, la camarade Anna bosse à l’usine, sous l’œil et surtout l’oreille d’