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Affichage des articles du janvier, 2019

Meurtre sous contrat : Le Professionnel

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Exhumation ? Alié-nation. Ce diamant méconnu démontre de manière exemplaire que le talent ne dépend pas de l’argent, que l’intensité se dispense de la durée. Tourné en sept jours, étendu sur une heure vingt, désargenté, délesté de stars , absent des mémoires, sinon de celle d’un certain Scorsese , assidu de névrose et d’église, Murder by Contract (1958) séduit et sidère à la façon d’un soleil noir, d’une leçon bressonienne adressée aux épuisantes pleureuses du ciné indé. L’éphémère Irving Lerner, venu de l’universitaire, du documentaire, monteur pour Kubrick ( Spartacus , 1960) et « Marty » ( New York, New York , 1977, dédicace de décès), s’entoure de gens compétents, citons Lucien Ballard, collaborateur régulier de Peckinpah, à l’ouvrage sur Laura (Preminger, 1944), Les Rats du désert (Wise, 1953), L’Ultime Razzia (SK, 1956), The Party (Edwards, 1968), à la direction de la photographie ; Perry Botkin, arrangeur pour Carly Simon, Barbra Streisand, Harry Nilsson et parte

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de William A. Seiter. Stanley Kubrick connaissait-il Sons of the Desert (1933) ? La première scène domestique surprend, présage presque Shining (1980) : Oliver énonce le dicton de Nicholson sur le travail, le jeu, l’ennui de Jack et Lolly, sa compagne tout sauf à la Wendy, le menace d’une lame maousse, énamourée de dépaysement montagnard. Ainsi va le cinéma, ainsi la cinéphilie établit des correspondances amusantes, inquiétantes, la transposition du roman de Stephen King elle-même à savourer en comédie noire, marque de fabrique du cinéaste sarcastique et sentimental. Formé par Mack Sennett, ensuite employé productif chez Universal & RKO, Seiter ne possède point le formalisme de son compatriote, sa mise en forme fonctionnelle ne comporte qu’un plan bienvenu à la grue, lorsqu’un représentant de la compagnie maritime s’adresse aux proches des victimes. Sinon, l’action se situe in situ , entre les trois murs de

La Fille de tes rêves : Laissez-passer

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UFA ? Fallait pas… À double sens, le titre original explicite l’enjeu du jeu sérieux : la prunelle de tes yeux implique un bien précieux, amoureux, une manière de voir mieux. En mode méta, Fernando Trueba s’inspire plus ou moins du CV d’Imperio Argentina et semble relire le Ernst Lubitsch de To Be or Not to Be (1942). En réalité, sa satire assez soignée – Javier Aguirresarobe éclaira Les Autres (Alejandro Amenábar, 2001), Parle avec elle (Pedro Almodóvar, 2002), La Route (John Hillcoat, 2004), Warm Bodies (Jonathan Levine, 2013) – ne se hisse jamais au-dessus du niveau falot d’un téléfilm de luxe poussif, poussiéreux. Malgré la présence du scénariste Rafael Azcona, collaborateur régulier de Marco Ferreri & Carlos Saura, citons les réussites sarcastiques de La Petite Voiture (1960), Peppermint frappé (1967), Anna et les Loups (1973), Touche pas à la femme blanche ! (1974), du compositeur Antoine Duhamel, partenaire poétique privilégié de Jean-Daniel Pollet ( Médi

Extorsion + Reporter criminel : L’Homme des foules

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Rappel des criminels précédant la reprise de la symphonie. En découvrant ces deux ouvrages, à la brièveté séparée par le pavé de Perfidia , par l’ album de LAPD ’53 , on se surprit ou pas à penser à Poe. La fascination des femmes défuntes, l’enquête policière comme odyssée existentielle, la foi en filigrane : autant de correspondances entre Edgar & Ellroy, même si le divin du premier se différencie du second, plus cosmique et moins chrétien, on renvoie vers Eurêka . Le lecteur familier de l’auteur classera tout ça fissa, Extorsion disons en prolongation de Dick Contino’s Blues et Reporter criminel  dans le prolongement de Crimes en série ou Destination morgue . Ellroy essayiste, Ellroy nouvelliste, Ellroy radoterait un brin, le ferait bien ? Oui et non, car l’écrivain, sur son terrain d’élection, sait s’ouvrir des horizons. À l’instar de Sunset Boulevard (Billy Wilder, 1950), Extorsion , sous-titré Les confessions de Freddy Otash , donne à lire l’autobiographie d’un

Conte d’automne : L’Ami de mon amie

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Éric Rohmer.                    « J’ai appris la patience » affirmait Margot dans Conte d’été (1996) : le plus beau plan, le plus troublant, de Conte d’automne (1998), l’un des trois en caméra portée, se situe vraiment in extremis , après le générique, la date, le copyright : Diane Baratier ou son assistant Thierry Faure éclairent-cadrent à distance, le temps d’une danse en silence, d’une chanson occitane sous-titrée, le beau visage de Marie Rivière, jadis mémorable interprète du Rayon vert (1986), ensuite croisée selon Conte d’hiver (1992), Le Temps qui reste (François Ozon, 2005) ou Les Amours d’Astrée et de Céladon (2007). La seconde précédente, l’actrice souriait, en accord avec la fin heureuse, malicieuse, du récit, puis la voici soudain sombre, rentrée en elle-même, sans que le spectateur attentif puisse tout à fait décider s’il s’agit d’une humeur personnelle, de son personnage, note individuelle d

Conte d’été : Laquelle des trois ?

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Éric Rohmer. Gaspard de la nuit et surtout du jour se désespère de désamour, s’avère soulagé lorsqu’un quidam lui propose par téléphone de lui refiler à La Rochelle son magnétophone huit pistes à prix d’ami, ou presque. Assez d’ensablement à Ouessant, assez de tergiversations au bord de la sensation, assez de solitude à plusieurs, mon cœur. Le gratteur de guitare sèche, le compositeur corsaire, se tire fissa sur son ferry estival, au son de l’increvable Santiano , qui d’ailleurs mentionne sa propre Margot. La sienne, triste et sereine, lui fait la bise, l’embrasse, vivace, s’en retourne et se retourne en Eurydice inversée, en serveuse de crêperie familiale, en étudiante en ethnologie refusant auparavant d’être prise pour une « bonniche ». Le Gaspard se tire dare-dare de Dinard sans demander son reste, promet de ne point oublier leurs promenades, leurs palabres. On le croit, on ne lui en veut pas, et Solène &am

Conte d’hiver : Félicité

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Éric Rohmer. « C’est les sentiments qui parlent » à nouveau, à Noël, à Nevers, la ville cinéphile du passé incapable de passer, tu ne vois rien à Hiroshima mon amour (Alain Resnais, 1959). Son amour fou, de folle, à la folie, Félicie l’attend, Charles pas vraiment charlatan, plutôt cuistot à Cincinnati. De Levallois à Courbevoie, il suffit d’un lapsus , d’un stylo-plume, d’une mauvaise adresse et d’une poste restante qui reste vide. Mais quand on réside rue Victor-Hugo, l’absence devient présence, l’accoutumance abolit les distances, les morts respirent encore, en tout cas sur scène, pendant une représentation shakespearienne. D’un conte hivernal à l’autre, le spectacle repose cette fois sur la foi, fichtre. Au début édénique, érotique, la Bretagne estivale ressemble à un paradis en tandem , tant d’amour à faire à deux, sans retenue, en tenue d’Adam & Ève, topless , sable sur les fesses, écrin du creux des