The Kiss : The Story of Joanna


Tante rebutante et sirène guère sereine…


Débuté tel L’Exorciste (William Friedkin, 1973), le Congo belge alors substitué à l’Irak du Nord, poursuivi en rime à La Malédiction (Richard Donner, 1976), une traversée de vitrine à la place d’une décapitation vitrée, The Kiss (1988) inclut aussi des menstrues adolescentes à la Carrie au bal du diable (Brian De Palma, 1976) et une créature serpentine, de forme excrémentielle, qui rappelle un peu les sangsues scatologiques de Frissons (David Cronenberg, 1975). Ce shocker méconnu, en partie exotique, (re)connaît par conséquent ses classiques, cite Blonde Venus (Josef von Sternberg, 1932), mais il fait mieux que les refourguer, il les retravaille et développe son propre univers, dont la moralité de pérennité paraît dialoguer à distance avec La Féline (Paul Schrader, 1982) et La Nurse (William Friedkin, 1990), autres contes de fées défaits pour adultes, à base de métamorphose familiale, de sorcellerie sacrificielle, le second d’ailleurs à nouveau écrit par Stephen Volk. Au sein de l’Amérique du fric des années 80, cul et chemise avec l’Église, plongée dans sa piscine de parvenu et d’hédonisme à la Sabrina, dans son confort financier, foncier, d’architecte installé, quelque chose d’ancien revient, une entité dépourvue de pitié vient renverser tout le bel équilibre, finalement fragile. La féline Felice ne sème aucune félicité, en mannequin malsain, en reine des apparences rances, elle vampirise au propre et au figuré le père endeuillé, la fifille trop tranquille, virginale, intronisée « seigneur du Christ », amen. Le parasite qu’elle abrite se transmet par voie orale, buccale, revoici le Parasite Murders précité de DC. Sorti un an après Liaison fatale (Adrian Lyne, 1987), The Kiss reprend a priori son puritanisme rassis : l’adultère, même post-mortem, mène à l’enfer. Situé cinq années après la « découverte » du virus du SIDA par Robert Gallo & Luc Montagnier, le métrage reprend à son avantage les origines documentées de l’épidémie, relocalise sa fable en Afrique coloniale, initiale, et le funeste fétiche de valise peut ainsi servir de clé à une double interprétation, à la fois biologique et politique.

L’horreur au cœur de la demeure, du décor et du corps, constituerait en contrebande une variation sur le « retour du refoulé », la matérialisation d’une mauvaise conscience occidentale, la métaphore d’une maladie encore là aujourd’hui. Volk & Tom Ropolewski co-signent un scénario assez astucieux, irrigué par un sang souillé, constellé d’assassinats en série, mention spéciale à la scène de l’escalator de centre commercial, presque un symbole marxiste à elle seule, tandis que la coda aquatique, enflammée, explosive, remémore son homologue selon Osterman week-end (Sam Peckinpah, 1983). Avec ses expérimentations animales hors-champ, son trafic d’ivoire suggéré, sa gamine de gare, de sanatorium, de massacre, ses vitamines de publicité en breuvage à vomir, remember Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968), son laboratoire écarlate, ses maquillages concoctés par Chris Walas, The Kiss possède une sympathique dimension mythique et organique. Il arbore de surcroît les performances impeccables, entre puissance et désespérance, conscience et innocence, de Joanna Pacula (Gorky Park, Michael Apted, 1983, ou Dinocroc, Kevin O’Neill, 2004) & Meredith Salinger (Natty Gann, Jeremy Kagan, 1985, ou Le Village des damnés, John Carpenter, 1995). Collaborateur de Norman Jewison sur F.I.S.T. (1978), de Sylvester Stallone sur Rocky II (1979), de John Huston sur À nous la victoire (1981), de Bruce Malmuth sur Les Faucons de la nuit (idem), producteur pour Jerzy Skolimowski & Kevin Reynolds, il co-rédigea son Robin des bois, prince des voleurs (1991), le Britannico-Canadien Pen Densham filme l’ensemble avec soin et sérieux, ni audacieux ni paresseux. Ouvrage valeureux, car vacciné contre le second degré, l’imagerie recyclée, la misogynie implicite, The Kiss, hélas, essuya un insuccès au box-office, sombra dans les abysses de l’amnésie. En vérité, on s’en fiche, on ne s’en soucie, puisqu’il sait conserver sa sincérité, son charme modeste et manifeste, qui méritaient, à défaut d’une embrassade bouleversante, une accolade reconnaissante.


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