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Affichage des articles du août, 2020

Des roses pour le procureur : Merci pour le chocolat

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Wolfgang Staudte. Treize années après Les assassins sont parmi nous (1946), (re)lisez-moi ou pas, Staudte dirige donc le second pan de son diptyque apocryphe, en réinvente l’esthétique, en redéfinit la dynamique, en réaménage la thématique. Des roses pour le procureur (1959) comporte encore un couple trouble, lié par le passé qui ne saurait passer, pas même au milieu d’une Allemagne déjà reconstruite, presque amnésique, toujours antisémite. Écrit par Georg Hurdalek, ( Le Général du Diable , Helmut Käutner, 1955, sur lequel j’écrivis aussi), basé sur une idée du réalisateur, plus ou moins inspiré par un fait divers, ce métrage d’un autre âge se déleste cependant de l’expressionnisme, des pulsions homicides, du nazisme converti au capitalisme. Si Les assassins sont parmi nous donnait dans le mélodrame didactique, Des roses pour le procureur s’avère une satire sentimentale. Histoire de marché noir, d’exécution

La Forteresse cachée : En territoire ennemi

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Akira Kurosawa. Métrage d’amitié masculine, de risibles chasseurs de primes, de fiefs fielleux, de féminité farouche, de loyauté pas louche, La Forteresse cachée (1958) commence en caméra portée, en Scope d’époque, travelling avant derrière un duo distrayant de paysans « puants », se disputant, marchant, par conséquent signature/ incipit d’un opus picaresque, modeste, plutôt qu’épique, héroïque. Arrivés trop tard pour encore croire à la gloire, nos compères pas si patibulaires vont vite se retrouver à transporter un trésor escamoté dans des bouts de bois, à escorter un général hilare, une princesse presque en détresse, une prostituée rachetée, sauvée, un meilleur ennemi à cicatrice de seigneur aussitôt converti à l’aventure, à la vraie vie. Une « fête du feu » ouvre les yeux : il s’agit non plus de thésauriser, de s’économiser, mais bel et bien de « s’embraser », de se consumer, car « illusoire » réalité. Le

Un été inoubliable : Le Jardin du diable

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Lucian Pintilie. Actrice aristocratique, Kristin Scott Thomas incarne une aristocrate altruiste, alcoolique in extremis , affirme/se souvient en voix off son fils. Western dépressif, dont la scène de bain sensuelle, innocente, à nudité « frontale », enfantine, étreinte soudaine, mousse à raser essuyée, chocolat inaccessible aux locaux, rappelle celle de Un nommé Cable Hogue (Peckinpah, 1970), Un été inoubliable  (Pintilie, 1994) forme avec Le Chêne (Pintilie, 1992) un diptyque géographique, géopolitique, où des couples sympathiques s’opposent à une insanité généralisée, durant les années 20 ou sous Ceaușescu. Il s’agit d’une tragi-comédie, commencée comme du Tinto Brass, c’est-à-dire au bordel, bientôt fermé le temps d’un week-end , because bal de notables. Une prostituée callipyge, d’origine hongroise, à la colère révolutionnaire, les défie de ses fesses à la fenêtre, se fait fissa tabasser par un famili

The Girl Next Door

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Une œuvre, un plan : Deep Inside Ashlyn Gere (2003) Réalisé par Veronica Hart, produit par Jane Hamilton, c’est-à-dire la même personne, au parcours presque pareil, X-rated + mainstream , voici en vidéo une auto-antho en forme de final, où se miroite au carré, au propre, au figuré, une femme modeste, une actrice lucide. Le choc de Marilyn Chambers, la sagesse de Lauren Hall, la patience de Rocco Siffredi, l’amitié avec Victoria Paris, (re)lisez-moi ou pas à propos du duo de Two Women (Alex de Renzy, 1992), le remplacement de Nina Hartley, par conséquent l’improvisation en compagnie de Silvera Joey, en sus de la différence entre sexe, sentiments, de la démystification d’un milieu ni pire ni mieux : autant d’instants dont se remémore celle qui se définit, à tort, trésor, en simple girl next door , qui considère l’incontournable Chameleons (John Leslie, 1992) comme son meilleur film, révélation de conversation faite au vrai-faux couple – Brooke Hunter & Dale DaBone s’y co

The Private Afternoons of Pamela Mann : Blow Job

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Demi-journées à partager, bobines à adouber… Tourné en moins d’une semaine, métrage de mises en scène, celle du récit, celle de la réalisation, The Private Afternoons of Pamela Mann (1974) repose sur une filature d’imposture : un privé à la Powell ( Peeping Tom , 1960) espionne une épouse soupçonnée, a priori décomplexée. La dernière scène démentira les pseudo-doutes du mari, scellera sur l’oreiller la complicité amusée du couple point en déroute. À l’ultime plan, un rideau descend, surprenant, cohérent, toile d’écran où se mire la lumière du projecteur mateur, amateur. Estimable film méta, Les Après-midi privés de Pamela Mann s’apparente à un art poétique, à une allégorie analytique. New-yorkais, cinéphile, universitaire, opérateur pendant la guerre (de Corée), monteur (de trailers ), auteur-adaptateur d’écrivains classiques, de Jeanne de Berg & Violette Leduc, admiré par Andy Warhol, honoré par une rétrospective à UCLA, par un dépôt au MoMA, Radley Metzger, décédé

Une femme dans la tourmente + Une femme douce : Le Beauf + Le Boulet

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Suite à leur visionnage sur le site d’ARTE, retour sur les titres de Mikio Naruse & Sergei Loznitsa. Mikio vainqueur par KO ? Presque… Tandem de mélodrames interminables, Une femme dans la tourmente (1964), Une femme douce (2017) affichent des femmes affligées, avec lesquelles le spectateur, a priori la spectatrice, se voit pour ainsi dire mis en demeure de compatir. Hélas, tout ceci, diptyque très démonstratif, directif, sis dans des pays opposés, à des moments différents, au moyen de styles guère similaires, ne respire jamais, se délite vite. Cadré millimétré, en Scope d’époque, déroulé surtout en studio, scandé par la sirène du train du destin, sucré par les trémolos de la BO, Une femme dans la tourmente préfigure Le Grand Bazar (Zidi, 1972), le petit commerce versus le supermarché, lutte métonymique, métaphorique, économique, sociologique, de « temps en train de changer », en effet, Dylan ne contredit. Ici, au sein de ce conte de fées défait, flanquée de belles

Rêves de cuir + Rêves de cuir 2 : Wet Dreams + L’Exécutrice

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  « Rêver peut-être », à la Hamlet ? Célébrer l’obsession, saluer l’assassinat… Rêves de cuir (1992) débute en stroboscopie, gare à l’épilepsie, en regard caméra d’au-delà, d’elle à moi, à toi, se poursuit façon snuff movie , ravissement envahissant. Leroi remercie Corman, se met en abyme à l’arrêt d’autobus, où le rejoint Zara Whites en robe immaculée. La VHS va vite dévier sa vie… L’œuvre valeureuse se souvient de Vidéodrome (Cronenberg, 1983), préfigure Ring (Nakata, 1998). Film fantasmatique, in fine fantastique, Rêves de cuir s’apparente à un art poétique, à un traité politique, à une dérive climatique, sinon océanique, cf. la célèbre scène bleutée, gantée, à bouche bouchée, à plusieurs jets, sa bande-son de ressac. Il s’agit par conséquent, au propre, au figuré, d’un blue movie qui (se/nous) réfléchit, d’un métrage méta, mental, déroulé à domicile, d’une réflexion en action(s) sur le X, ses délices, ses supplices. Même muet, Rêves de cuir s’avère constamment élo

Le Sexe qui chante : Showtime

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Un monologue de mariole ? Une romance de souffrance… On le distribua aux USA, mais Tom DeSimone connaissait-il de près Le Sexe qui parle (Lansac, 1975) ? Remarquons que son héroïne, idem divisée, suicidaire, pour des raisons similaires, se prénomme en sus Penelope, peut-être en clin d’œil à la précédente interprète. Passée par l’Atlantique, la publicitaire se transforme en coiffeuse. Exit la psychiatre à quatre pattes, voici un psy illico imprésario. Dorénavant, le vagin pas si virginal se nomme Virginia, il appartient à une certaine Mademoiselle Pittman, appréciez le patronyme emprunté au puits, donc au pendule, de Poe, scène supposée primitive, explicite, en tous cas selon la spécialiste Marie Bonaparte. S’il persiste à persifler, dans l’intimité, en société, l’invisible pubis à malice s’avère désormais doté d’une voix davantage valeureuse, moins odieuse. En congrès, à la TV, en tournée, notre accorte curiosité rencontre vite le succès, au grand dam de la dame, juste d

Le Sexe qui parle : L’amour est une fête

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Réputation usurpée ? Item à recommander… Film schizophrénique jusque dans sa forme, cf. les inserts directs, les doublures de césure, mélange des régimes érotiques/pornographiques, voilà un portrait de femme tourmentée, à la libido divisée. Victime d’attouchements en famille, prostrée par un presque parricide, Joëlle ne jouit plus. Pire, son sexe se met soudain à causer, à l’insulter, à la diriger, à la mener par le bout du nez, à prendre son pied, à raconter à son mari médiocre, démuni, son passé osé, masturbatoire, blasphématoire. L’adolescente suce ainsi un tennisman, se déflore en compagnie de Pinocchio, avale en tandem un surveillant surmembré, s’enfile sur un curé au confessionnal, fichtre. Ensuite, désormais, elle glisse un billet parmi l’intimité touchée d’une blonde inconnue, suivie dans la rue, s’occupe via sa voie buccale de son assistant sidéré, pratique un onanisme somnambulique, en petit public hypocrite, stupéfait, prend en main deux spectateurs de salle c

La Fille Rosemarie : Pretty Woman

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Rolf Thiele. « La vie est périlleuse au pays du miracle économique » : conte comico-cruel à la Brecht & Weill, La Fille Rosemarie (1958) affiche/affirme les liaisons évidentes, incestueuses, dangereuses, du capitalisme, du proxénétisme. Un « cartel » d’industriels spécialisés dans d’explicites « panneaux isolants », un « Lorrain » malsain, suave espion, une prostituée « pragmatique », in extremis pathétique, entrent en scène, se mettent en scène, baisent ensemble, se font baiser, disparaissent tous au sein de l’obscurité, derrière un rideau, dommage pour les phares à fond de la fraîche auto, appartement éteint de trucidée putain, alors qu’une seconde prend déjà sa place dégueulasse, disons de guerre lasse, épilogue dépressif de boucle bouclée. Conclu via une coda au désespoir partagé en public – « Si tu veux me sauver, il faut danser ! », impératif à la Nietzsche –, dotée d’une ivresse dostoïevskienne,