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Un cœur qui bat

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  Un métrage, une image : Les Visiteurs du soir (1942) Si la littérature médiévale, surtout celle de Chrétien de Troyes, regorge d’allégories, christiques ou sarcastiques, Renart se marre, le fameux film de Carné ne se préoccupe d’Occupation ni de Résistance, lecture historique assez risible, a fortiori lorsque l’on songe aux fréquentations hors de saison d’Arletty. Davantage redevable au Roman de la Rose de Lorris & Meung qu’aux Très Riches Heures du duc de Berry , influence graphique avouée, bien (di)gérée, il s’agit à l’origine d’un scénario original coécrit par Prévert & Laroche, partenaire professionnel et personnel de Jacqueline Audry ( Olivia , 1951), ensuite d’un conte à succès, critique, économique, œcuménique, éclairé/décoré avec brio, musiqué de la même manière par Maurice Thiriet, le compositeur du contemporain La Nuit fantastique (L’Herbier, 1942) ou Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), au casting choral impeccable, un brin bressonien, y compris parm

Têtes de pioche

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  Un métrage, une image : Le Récupérateur de cadavres (1945) Film horrifique ? Tandem de totems ? Stevenson selon Lewton ? Mélodrame domestique et marxiste, qui fait se confronter, s’affronter, l’idéalisme et le cynisme, le sentimentalisme et le pragmatisme. Au sortir d’une Seconde Guerre mondiale elle-même odieuse et généreuse en accumulés cadavres, notre trentenaire Robert, troisième essai à durée limitée, met en images, loin du moindre enfantillage, un conte pas con adapté de façon (in)fidèle par Philip MacDonald ( La Fiancée de Frankenstein , Whale, 1935 ou Rebecca , Hitchcock, 1940), corrigé, donc corédigé, sous pseudonyme selon le producteur majeur. Aimablement musiqué par Roy Webb ( La Féline , Tourneur, 1942), doctement éclairé par le DP Robert De Grasse ( L’Étrangleur , Wellman, 1943), servi via un casting choral impeccable, The Body Snatcher s’ouvre sur une street singer , à la complainte écossaise à vous crever le cœur, vingt avant La Mélodie du bonheur (1965).

Une nuit sur le mont Chauve

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  Bush & Björk ? Les Pyrénées, l’Empyrée… Pour Patrick Cette tristesse essentielle et existentielle, la littérature, même la plus impure, ne vous en sauvera, surtout pas le cinéma, ce que l’on désigne donc ainsi aujourd’hui, par habitude, par lassitude, mais la musique, immédiate et multiple, immatérielle et pragmatique, immortelle et programmatique, permet de respirer, de se reposer, peut-être d’espérer. Celle d’ Hélène Vogelsinger sait y faire, du lest se défaire, s’adresse avec adresse au corps et au cœur, s’installe in situ ou en studio. Dissimulée derrière ou dessous de chouettes pochettes, aux monolithes à la Kubrick, dotée de titres ésotériques, exfiltrés illico d’un dico de philo, voire d’un ouvrage de nouvel âge, gorgée d’énergies, sinon d’écologie, elle procède en définitive d’une forme féminine et intime de musicothérapie, de transe sonore créatrice de ses propres décors ou en accord selon ceux du dehors. Concentrée sur ses câbles colorés, la compositrice point pat

Pétrole

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  Roman de gare et de grand désespoir ? Récit de vie et vue d’ici…   Premier essai, au prix biarrot, Chroniques d’une station-service s’avère vite un petit livre cinéphile, divertissement de ce temps, amusant et inconsistant. Avant de partir de Pantin, rendu parano ou peu s’en faut, d’aller dans les Landes dépanner un papounet dévalisé, moralité : se méfier des amoureuses merveilleuses, en réalité numériques, machiavéliques et tatouées, de succomber, qui sait, à la question, sinon à l’invitation, d’une accorte homologue en uniforme, car les stations d’autoroute ne connaissent la déroute, aristocrates de l’asphalte, Beauvoire, il ne se prénomme Simone, glandouille davantage qu’il ne dérouille, malgré la perte presque prétexte d’une clé USB, sur laquelle s’accumulent des documents administratifs nominatifs, du porno japonais téléchargé, un premier roman à plaire, assuré best - seller , recherchée selon une annonce de Libération , lectorat notamment de mendiants, tu m’en diras tant. Pu

L’Année sainte

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  Un métrage, une image : Un flic voit rouge (1975) Un acteur et une actrice aux traits lisses, issus illico du roman-photo ; deux lignes narratives a priori indépendantes, en définitive réunies sous le signe de la dépendance ; du manichéisme à la place de l’anticapitalisme : le film de l’ancien directeur de la photographie affiche de factuels défauts, toutefois il affirme en sourdine un spleen spécifique au ciné des seventies , un lancinant désenchantement en signe des temps, une violence sèche qui le rachètent, le munissent d’une mélancolie made in Italy, non démunie d’amour ni d’humour, d’action ni de réaction, ainsi rétive à la stérile sociologie, que soulignent certaines notes habiles et ad hoc du second Stelvio, revoici Cipriani . Succès à sa sortie en salle, premier volet d’un diptyque, Mark il poliziotto portraiture durant quatre-vingt-dix minutes d’épure un policier singulier, désigné/défini selon l’exotisme d’Amérique de son prénom, le pragmatisme expéditif de sa f

MaXXXine

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  Un métrage, une image : Antrum (2018) La tente, l’attente, une forêt, des affolés, un opus posthume ou présumé « mortel » : moins malin que le tandem américain Myrick & Sánchez, le canadien Amito & Laicini séduit à demi. Plus méconnu, aussi indie , que le fameux et inoffensif Projet Blair Witch (1999), Antrum (re)connaît ses classiques, s’amorce selon un montage des ouvrages de Christensen, De Liguoro & Padovan, Méliès, démonologues du muet via votre serviteur ailleurs miroités. Encadré d’un documenteur dispensable et un peu racoleur, marketing malhabile muni d’une philosophie riquiqui sur le pouvoir mouroir de la peur, Antrum se met ainsi en abyme, associe sorcellerie et survie, trivial et fatal. S’il se situe au sein malsain du ciné spécialisé des seventies , en possède en partie le radical réalisme, l’essai réussi à moitié s’autorise à être réflexif, à carburer à la consolation et à la catharsis. Le conte pas con fait illico écho à Cujo (Teague, 1983), à Dé

The Woman King

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  Un métrage, une image : L’Odyssée de l’African Queen (1951) Le titre d’origine l’actrice désigne, qui conduit le film comme le rafiot homonyme. Munie d’une forme de féminisme soft , portée sur le patriotisme, la missionnaire faussement austère, vraiment active, ne condamne l’alcoolisme du capitaine altruiste, plutôt sa parole manquée, sa couardise présumée. « Old girl » guère bégueule, l’inflexible Rosie s’extasie aussi, surtout après le passage des premiers rapides, épiphanie semblable à un orgasme, humidité en prime. Jamais elle ne charrie Charlie, même si a priori plus intelligente ou maligne que lui. Au contraire, rusée, sincère, elle le soutient, parce qu’elle ne vaut point rien, parce qu’il le vaut bien, ce valeureux vaurien, en surface indifférent, en profondeur pas tant, à l’instar du Rick de Curtiz ( Casablanca , 1942), locutions d’occasion, arbre bienvenu, saleté de sangsues. Le couple dépourvu d’entourloupe partage un parcours puis l’amour, répare ensemble un bateau qu