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Affichage des articles du mars, 2021

La Prisonnière du désert : Mon oncle

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  Manier la lumière, quitter ses ténèbres… Une première porte, d’abord ouverte, une seconde, ensuite fermée, clôture de l’épopée, accomplie en optique truquée : voici la célèbre boucle bouclée de La Prisonnière du désert (Ford, 1956), film majeur de son auteur, où « un poète de la haine », dixit Scorsese , s’entête à retrouver, durant des années, sa nièce à la fois adorée, détestée, gosse à la Oz, voire survivante à la Anne Frank, fissa transformée en squaw, mais pas trop. Ford filme donc un double retour, il le fait de façon magnifique, pour ainsi dire contrapuntique, considérez, d’une scène à la suivante, spectaculaire et discret, le changement d’axe à cent quatre-vingts degrés. Aussitôt surcadrée, à contre-jour éclairée, part noire de nuit intime, ainsi figurée, signifiée, plus tard à l’assemblée attablée exposée, par un personnage au racisme décomplexé, assumé, une femme s’avance vers un panorama en effet monumental, celui de Monument Valley, précédée en travelling avant, peu a

The Doom Generation : Poledouris en public

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  Fumer nuit à la santé, en effet, mais moins à la musique, chic… Peu importe le filmage médiocre des captations à l’unisson, peu importe qu’aucune autre composition du modeste et prolifique Basil Poledouris au beau et haut niveau de celle-ci ne se hisse : Conan the Barbarian , conçue à l’occasion de l’estimable et mésestimé métrage homonyme de l’ami John Milius ( Conan le Barbare , 1982), demeure une œuvre majeure, un sommet d’épopée, un zénith de lyrisme, dont la constante inspiration, la maestria thématique, l’absolue sincérité lui assurent une reconnaissante éternité, au moins parmi les cinéphiles atteints d’inoffensive mélomanie. Les hommes meurent, les femmes idem , ah, valeureuse Valeria, sur son bûcher enflammé davantage à la Jim   Morrison ( Light My Fire ) qu’à la Jeanne d’Arc, cependant leur survivent leurs rêves réalisés, leurs mirages matérialisés. Le chef-d’œuvre audacieux et généreux de Poledouris, lui-même admirateur des mouvements et des tourments du maestro Mikló

L’Autrichienne : Un instantané de Senta Berger

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  Petit portrait d’une femme fréquentable… Senta par Peckinpah ( Major Dundee , 1965, Croix de fer , 1977), Berger chez Duvivier ( Diaboliquement vôtre , 1967) ; d’autres titres de sa filmographie, aussi, par chronologie classés, allez : C’est pas toujours du caviar (Radványi, 1961), L’Ombre d’un géant (Shavelson, 1966), Le Secret du rapport Quiller (Anderson, idem ), L’Homme sans mémoire (Tessari, 1974), sans oublier, à la TV, longtemps après, pendant plus d’une quinzaine d’années, danke ARTE, Double Jeu , mon Dieu. Actrice et comédienne, Senta Berger au théâtre débuta, s’y forma, y retourna. Elle tourna en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie, elle fit un tour, voire un détour, à Hollywood, là-bas ne s’attarda, là-bas refusa le casting canapé d’un Darryl Zanuck guère eunuque, les féministes s’en félicitent, elle se maria, mit au monde deux mâles bientôt du métier, créa de production sa propre société, reçut une pelletée de prix, de Bambi à Romy, écrivit sa vie, suc

La Femme nue et Satan : La Tête dans le carton à chapeaux

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  Seconde chance ? Secrète errance… Un an avant Les Yeux sans visage (Franju, 1960), autre histoire noire d’effroyable greffe féminine, La Femme nue et Satan (Trivas, 1959) s’apprécie pour ainsi dire en point de suture entre La Fiancée de Frankenstein (Whale, 1935) et The Brain That Wouldn’t Die (Green, tourné itou en 1959, sorti en 1962). Il s’agit aussi, à sa façon, d’une expressionniste préfiguration du plutôt pop « Krimi » teuton, pourvue d’un titre trompeur et pourtant pertinent : pas de pépée à poil, rien du Malin, mais un estimable mélodrame moral, à base d’art et de science, de corps et de décor, de construction et de destruction. Secondé par le production designer Hermann Warm, jadis au service de Wiene ( Le Cabinet du docteur Caligari , 1920), Lang ( Les Trois lumières , 1921), Murnau ( Le Fantôme , 1922) ou Dreyer ( La Passion de Jeanne d’Arc , 1928 + Vampyr , 1932), flanqué du directeur de la photographie Georg Krause ( Les SS frappent la nuit , Siodmak, 1957 et L

Confession d’un commissaire de police au procureur de la république : Laisse béton

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  « Quand le bâtiment va », rien ne va… Si l’Amérique du Nord doit sa naissance à une mort, empire post -européen + « génocide » de natives = cimetière indien à la Shining de Stephen King, l’Italie assura sa survie à coup de collusion, de profane/profanatrice union, entre les partis politiques, surtout celui autoproclamé démocrate, chrétien, et les mafias pas très catholiques, parce qu’elles le valaient bien. Dialogue à distance, au-dessus de l’océan : dans Snake Eyes (De Palma, 1998), la guère sereine Serena finissait fissa par se faire dessouder, son rubis on retrouvait in extremis , au milieu d’un pilier du tout nouveau casino ; dans Confession d’un commissaire de police au procureur de la république (Damiani, 1971), une seconde et pourtant précédente Serena subit un sort similaire, sort de sa baignoire à la Marat, succombe aux malfrats, son pauvre cadavre dénudé, dépouillé, pas un soupçon de respect, vite recouvert de béton (à main) armé(e). Deux « féminicides » d’édifian

Amérique : Les Rêveries du promeneur solitaire

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  Atlantique pas si pacifique… Avec mes remerciements non (dis)simulés à JW Friendly strangers came to town All the people put them down But the women loved their ways Come again some other day The Doors, L’America Voici le livre travelling d’un voyageur observateur, ouvert sur l’évanouissement de Vanishing (Point) et achevé vers (Las) Vegas. Sidéré par les « simulacres » et la « simulation » à la « sidérale » sauce US, surtout par la présence prégnante du désert austère, Baudrillard se balade et ne nous balade, quoique. Commencé par le mot « nostalgie », Ulysse gémit, terminé par le terme « richesse », le Scorsese de Casino (1995) acquiesce, écrit avec clarté, lu avec rapidité, Amérique s’apprécie ainsi à l’instar d’un carnet de notes ad hoc , d’un carnet de route exempt de déroute. Édité chez Grasset en 1986, donc deux ans avant la sortie de Invasion Los Angeles (Carpenter, 1988), il diagnostique idem le même mal libéral : « Reagan n’a jamais soupçonné ni même frô

Invasion Los Angeles : Studio 54

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  Ils vivent et vous crevez, leurs semblables (se) divertissent et les vôtres périssent…   Un individualiste nihiliste, John Nada ? Plutôt un type qui ne possède rien, à part des outils et des valeurs, pas seulement de travailleur. Un artiste anticapitaliste, John Carpenter ? Davantage un citoyen américain, écœuré par le caractère «  unrestrained  » du libéralisme reaganien. Invasion Los Angeles (1988) (entre)croise ainsi les colères et les cartographies de Ken Loach & Marco Ferreri, dialogue à distance avec Conte de la folie ordinaire (1981) et Bread and Roses (2000), pareils portraits, associés, dissociés, entre luttes et tumultes, d’une ville à la dérive, en partie paupérisée, exploitée, par conséquent dépourvue de sa patine pasteurisée, ripolinée, au ciné, à la TV. Placé sous le double signe du dessillement, de l’épuisement, l’ opus comporte en plus un prêcheur aveugle, comme si la lucidité, en définitive, appartenait aux non-voyants très clairvoyants, cf. le confrère de

La Horde sauvage : Angel

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  Se tirer, s’en tirer, se retirer… Assurons-le à nouveau, au risque de (se) lasser : la violence au cinéma n’existe pas, pas même chez le spécialiste, surtout spécialisé, Sam Peckinpah. Ainsi surgit une équivalence à valeur de correspondance, voire de transcendance, toujours placée à distance, y compris en plein cœur du chaos, on va le (re)voir illico . Pour résumer, au documentaire la captation de l’exécution, au film fictif sa représentation, sa recréation, le mythe funèbre du snuff movie , puis sa déclinaison souvent conconne de torture porn , sis parmi, au milieu, à la fois défi interdit et fantasme odieux. Le cinéaste, on le sait, désirait du réalisme, jusqu’à la nausée assumée du spectateur voyeur. Pourtant, la seconde fusillade de La Horde sauvage (1969) va vite, en dépit du ralenti, vers une autre direction, celle de l’abstraction – n’en déplaise à Kathryn Bigelow, on pense donc plutôt à Pollock qu’à Goya. Durant sept minutes sidérantes, on assiste certes à une démonstrat

Le Parfum de l’invisible

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  L’avenir du passé, le présent des instants…   Au séducteur désabusé, il faut des femmes à fantasmer ; au cinéphile fébrile, des films en fuite. Verrai-je un jour Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? (Scola, 1968), Une saison en enfer (Risi, 1971), La Peau (Cavani, 1981) ? Cela importe peu, après tout, puisque leurs bandes-annonces valent le coup (d’œil), puisque le reste, on s’en fout, au moins pour le moment, ici et maintenant. Comédie dramatique, film biographique, reconstitution historique, les imageries s’accumulent, dialoguent à distance, affichent l’Afrique, ressuscitent un mythe (poétique), font machine arrière, en direction de la dernière guerre (mondiale). Durant ces quelques minutes, remplies de tumultes, on revoit les visages valeureux, depuis longtemps évanouis, de Bernard Blier, Nino Manfredi, Alberto Sordi, Florinda Bolkan, Jean-Claude Brialy, Terence Stamp, Claudia Cardinale, Burt Lancaster, Marcello Mastroianni. Par

Thérèse Desqueyroux

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  Un métrage, une image : Thérèse Raquin (1953) Filmé de façon académique, car Carné en pilotage automatique, cette adaptation presque pirate, due à l’impeccable Spaak, du gros mélo du moralisateur Mimile, lui-même a priori traumatisé par Le Chat noir de Poe, ne s’avère vite « un grand film », n’en déplaise au fidèle André Bazin , tant pis pour le prix vénitien, démontre donc les limites anémiques d’une « tradition de la qualité » bientôt malmenée, fiasco selon Truffaut. Si la forme morne pourrait matérialiser l’asphyxie du récit, elle invite avant tout à respirer l’air de l’extérieur, du mouvement, de la vitalité, Nouvelle Vague ou non. Simone Signoret traverse en somnambule, guère concernée, visage fermé, une histoire de (roman de) gare, un vaudeville dramatique, interminable et néanmoins à la va-vite, où la fatalité, surtout motorisée, se substitue à la culpabilité, aux fantômes et fantasmes d’un couple illico , en duo, suicidé. Le cinéaste ne (nous) se passionne de la passion,

Jo : Madame Claude

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  Répétition, reproduction, consternation, continuation… Comme si Oscar (Molinaro, 1967) croisait Sœurs de sang (De Palma, 1972) – pas de corps, pas de crime, yes indeed , canapé compris, oh oui. Cette comédie macabre, en écho délocalisé, assourdi, à La Corde ou Mais qui a tué Harry ? (Hitchcock, 1948, 1955), se base sur une pièce du couple Coppel, le sieur Alec d’ailleurs vrai-faux scénariste de La Main au collet ou Sueurs froides (Hitch, 1955, 1958), ici transposée en partie par Claude Magnier, le dramaturge/adaptateur du premier film cité, CQFD. Elle appartient à la fin de la filmographie de Louis de Funès, douze titres étalés sur une douzaine d’années, de 1970 à 1982. Entre trois tomes des (més)aventures de l’increvable et assez dispensable Gendarme ( en balade , et les Extra-terrestres , et les Gendarmettes , Girault, 1970, 1979, 1982), de Funès, au propre, au figuré, ne se repose, n’indispose, tente des expériences, témoigne de son temps. Ainsi, Sur un arbre perché (

La Fille de Trieste : Noyade interdite

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  Ragazza de Gazzara, tristesse de Trieste… À la généreuse Jacqueline Si La Fille de Triste (Festa Campanile, 1982) dialogue à distance avec Conte de la folie ordinaire (Ferreri, 1981), il possède sa propre pertinence, sa sienne existence ; s’il s’apprécie en version dépressive de Cool World (Bakshi,1992), ceci, en définitive, peu importe. S’il fallait le rapprocher d’un troisième item , on citerait Mondo cane (Cavara, Jacopetti, Prosperi, 1962), exemple à succès de sensationnaliste ciné, que la mise en abyme BCBG, sinistre, de la double décapitation-projection parisienne bien sûr rappelle. Ici réside la problématique politique et fondamentale du film : comment s’accommoder de la démence/malfaisance du monde immonde, sans qu’elle vous mine, vous contamine ? Affolée par la folie d’hier et d’aujourd’hui, Nicole devient elle-même folle, son médecin énumère et ne se soucie des multiples dénominations-diagnostics de la psychiatrie. Consœur du prince Mychkine des Possédés de Dostoï