Dancing at the Blue Iguana
Un métrage, une image : Exotica (1994)
Exotica (Egoyan) ou la matrice d’une
trilogie apocryphe, collection de contes cruels, intrigues a fortiori d’infanticides, développée avec De beaux lendemains
(1997), achevée via Le Voyage
de Felicia (1999), où le passé ne passe pas, en présage des trames
traumatisées de La Vérité nue (2005) et Remember (2014). Le film, on le
sait, fit à sa sortie son petit effet, en effet plébiscité. Plus de vingt-cinq
ans après, sa sereine virtuosité en dévoile idem
l’artificialité, voire la vacuité. Il semble que le cinéaste voulait adopter le
point de vue d’une absente décédée, de la fifille enfuie du flic du
fisc, mais la mise à nue assumée, moins au propre qu’au figuré, allez ailleurs
vous astiquer, manque un peu d’âme, demeure à distance, sinon presque lestée de
suffisance, comme si le maître des marionnettes suspectes, démiurge mateur,
observait derrière sa glace sans tain l’entrecroisement des tristes destins, à
l’instar du douanier, du disc-jockey.
Cependant, cette expérience en vrai-faux labo, en huis clos, au carrefour des
amours, du désamour, possède plusieurs qualités, parmi lesquelles son casting choral impeccable, sa partition
pertinente, sa dimension mythologique, plutôt que psychologique. Une vingtaine
d’années avant son caméo, important et poignant molto, du dispensable Dahlia noir (De Palma,
2006), une juvénile Mia Kirshner s’y déguise en lascive écolière, en lesbienne
partenaire. Au milieu d’une faune anglophone, les hommes disposent du droit de
regarder, de féconder, de se toucher, rouleau de toilettes immaculé, enroulé
sur la main pour se masturber, en bandage de dommage, pas de celui de toucher,
de respirer, de s’écarter du soleil noir de leur désespoir. Davantage fatidique
qu’exotique, un vide révisionnisme les pousse à dupliquer le trépassé, à
rejouer en replay un romantisme
inhumé. Structuré à la fois sur les motifs de l’itération, de la révélation, Exotica
constitue de facto une enquête existentielle, personnelle et plurielle, adopte
en définitive une position de pardon, sinon de rédemption. Aux USA, au ciné,
souvent, les problèmes se règlent à main armée ; au Canada, on s’aime
entre mecs, itou on se tombe dans les bras. Le meilleur plan, le plus tendre et
dérangeant, de cet opus romanesque et
désenchanté, aéré, asphyxié, se situe à la toute fin, lorsque Christina, alors baby-sitter malheureuse, bientôt
magnanime strip-teaseuse, rentre chez elle, avance vers sa maison rouge sang,
repaire de parents a priori
maltraitants, ogre et ogresse cachés, hors-champ, symbolique leçon du pouvoir
de l’invisible, surtout assorti, par contraste, d’une nudité rémunérée, de
statuaire mortuaire. Parmi notre modernité contaminée, soumise au diktat de la « distanciation
physique », Exotica s’apprécie aussi, ainsi, en fable prophétique, en
mélodrame jamais impudique, en jeu sérieux, qui affirme le non-avenir de vos
souvenirs.
Ce film visionné à l'époque m'avait fait repenser, allez savoir comment et pourquoi à cet opus étouffant : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Cement_Garden_(film)
RépondreSupprimerInceste (de citron) de ciné, familles reflétées : l'oncle filme sa nièce, actrice au côté de son cousin...
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