Amérique : Les Rêveries du promeneur solitaire

 

Atlantique pas si pacifique…

Avec mes remerciements non (dis)simulés à JW

Friendly strangers came to town

All the people put them down

But the women loved their ways

Come again some other day

The Doors, L’America

Voici le livre travelling d’un voyageur observateur, ouvert sur l’évanouissement de Vanishing (Point) et achevé vers (Las) Vegas. Sidéré par les « simulacres » et la « simulation » à la « sidérale » sauce US, surtout par la présence prégnante du désert austère, Baudrillard se balade et ne nous balade, quoique. Commencé par le mot « nostalgie », Ulysse gémit, terminé par le terme « richesse », le Scorsese de Casino (1995) acquiesce, écrit avec clarté, lu avec rapidité, Amérique s’apprécie ainsi à l’instar d’un carnet de notes ad hoc, d’un carnet de route exempt de déroute. Édité chez Grasset en 1986, donc deux ans avant la sortie de Invasion Los Angeles (Carpenter, 1988), il diagnostique idem le même mal libéral : « Reagan n’a jamais soupçonné ni même frôlé l’existence des pauvres. II ne connaît que l’évidence de la richesse, la tautologie de la puissance, qu’il élargit aux dimensions de la nation, voire du monde entier. Les déshérités seront voués à l’oubli, à l’abandon, à la disparition pure et simple. C’est la logique du must exit. Poor people must exit. L’ultimatum de la richesse, de l’efficacité, les efface de la carte. À juste titre, puisqu’ils ont le mauvais goût d’échapper au consensus général. » Après Tocqueville, évidemment revisité, retravaillé, l’essayiste lucide parcourt et portraiture une « utopie réalisée », remplie d’une contradictoire « hyperréalité ». Point d’apologie ici, puisque « L’Amérique est puissante et originale, l’Amérique est violente et abominable – il ne faut chercher ni à effacer l’un ou l’autre, ni à réconcilier les deux », mais un quasi quidam séduit en série via la « vitalité », « l’indulgence » et « l’humour » d’un « paradis éventuellement funèbre, monotone et superficiel », amen.

Sa subjectivité assumée, l’auteur on the road l’interroge, voire la met en cause : « La banalité, l’inculture, la vulgarité n’ont pas le même sens ici qu’en Europe. Ou bien n’est-ce qu’une illumination d’Européen, fascination d’une Amérique irréelle ? Peut-être sont-ils tout simplement vulgaires, et je ne fais que rêver de cette métavulgarité ? Who knows? », qui sait, en effet. Illusoire ou non, le miroir de la non-fiction, pas un brin stendhalien, cependant « promené sur le chemin », a priori ne peut être traversé, tant pis pour l’Alice de Lewis, car « En Amérique, le cinéma est vrai, parce que c’est tout l’espace, tout le mode de vie qui sont cinématographiques. Cette coupure, cette abstraction que nous déplorons n'existe pas : la vie est cinéma », oui-da. Et peu importe « l’impuissance de la puissance », la sienne, reaganienne : « L’Amérique est restée maîtresse de la puissance, politique ou culturelle, comme effet spécial », ce territoire « sans espoir », dont la « perfection » océanique, lumineuse, « insensée », so easy, « de la vie », fait « rêver l’Européen de mort et de meurtre », mérite mieux que le mépris et la « mélancolie » du « modèle bourgeois de 89 », de sa « décadence interminable », diable. On le voit vite, Amérique ne manque pas de charme, malgré son manichéisme culpabilisateur, présage de l’opposition concon entre « les deux éléments de fascination de masse du XXe siècle : la magie blanche du cinéma, et la magie noire du terrorisme », actée au cours d’un texte célèbre, incontournable et discutable. Aussi seul qu’un type en train de grignoter à New York, le penseur pensif ne donne la parole à personne, agit comme si l’Amérique du Sud ou le collatéral Canada n’existaient pas, par conséquent confond continent et État(s). Ose Burroughs, relis Dick, try again, French friend.      

Commentaires

  1. Simenon Georges qui y avait vécu une dizaine d'années témoignait d'une forme d'existence de morts vivant en se demandant comment dans les quartiers pauvres de la capitale on pouvait non pas y vivre, mais surtout y mourir... L'Amérique de Baudrillard c'est un peu la terre promise réalisée des Protestants, ceux qui ont la richesse sont comme bénis du divin, les autres donc survivent sur des miettes, dépendant de l'action des "Volontaires", sorte de club charitable obligé où chaque citoyen Américain qui se respecte se doit de faire de l"action gratuite" pour le bénéfice de la communauté...L'individualisme, c'est à chacun sa lecture de la Bible, en version sonnante et trébuchante de préférence, le puritanisme s'exacerbant à chaque retour de la baisse tendancielle du taux de profit qui si il n'y pas de progrès suffisant pour la contrer redevient l'incontournable pierre d'achoppement...en ce moment ce progrès fabriqué tel un consentement et riche de voeux pieux, c'est parier en spéculant non sur la Lune mais sur Mars, l'achat de terrains virtuels sur certaines plateformes, (qu'importe si la fusée Tesla s'écrase à l'atterrissage sur terre, c'est le nouveau gourou,) ajoutez à ça le Robot doté d'IA le nouveau maître d'oeuvres d'art à acheter en Bitcoins, Hollywood n'est pas mort mais se métamorphose, se trans forme"trans-humainement" " parlant...
    Merci pour le clin d'oeil musical et en forme d'initiales !

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    1. https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2015/10/je-taime-moi-non-plus-hollywood-et-le.html

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