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Affichage des articles du avril, 2017

Les Espions : Pour Sacha

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Fritz Lang. Quand le rideau tombe, que la tragi-comédie finit, le spectateur stupéfait, ravi, s’interroge : où passèrent les cent quarante-quatre minutes du métrage ? Comment consommer désormais l’anémique action made in Hollywood  ? Film d’architecte et de romantique, de feuilletoniste et de cinéaste, Les Espions équilibre avec maestria hystérie et rigueur, érotisme et politique, ivresse et vitesse. Muni d’un budget réduit après les fastes alourdis de Metropolis , Fritz se débarrasse du mysticisme des Trois Lumières , de la métaphysique du Docteur Mabuse le joueur , de la mythologie des Nibelungen et annonce le réalisme de M le maudit , l’énergie de Furie , la paranoïa des Espions sur la Tamise , l’obsession de La Rue rouge , la candeur des Contrebandiers de Moonfleet , l’exotisme du Tigre du Bengale et du Tombeau hindou , la technologie du Diabolique docteur Mabuse . « Des choses étranges se produisaient s

Norma Rae : Sur les quais

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 « Tous ensemble », qu’ils disaient. Et après ? En 1979, Sally Field se prit pour Arlette Laguiller ; bien lui en prit car on la récompensa  à Cannes et Hollywood (Jane Fonda, pressentie, refusant, dut « s’en mordre les doigts » avec souplesse). Dotée d’un décolleté certes moins spectaculaire que celui de la bien nommée Julia Roberts dans Erin Brockovich , la compagne d’alors de Burt Reynolds affiche un accent sudiste du meilleur cru. Derrière l’objectif laïque, Martin Ritt conte un récit évangélique – un syndicaliste juif de New York « descend » (l’Alabama du tournage substitué à la Caroline du Nord de la diégèse) annoncer à des ouailles d’abord récalcitrantes la « bonne nouvelle » des vertus de l’union (dans la langue de Jimmy Hoffa, le même mot signifie aussi un syndicat, voilà, voilà). L’éveil des consciences aboutit in fine à la présence (votée) de délégués au sein d’une entreprise textile, dernière branche de l’industrie US pas encore syndiquée. Reuben aime bien la ma

La Femme que l’on désire : Un soir, un train

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Kurt Bernhardt. Marlene Dietrich n’attendit pas de rencontrer Josef von Sternberg pour avoir du talent, pour savoir comment le déployer à l’écran. Preuve supplémentaire avec ce mélodrame suprême et muet d’une surprenante vitalité, d’une constante beauté. Le réalisateur (pas encore « américanisé ») transforme un argument de vaudeville (bouquin du « kafkaïen » Max Brod adapté par Ladislaus Vajda, scénariste complice de Pabst) en tragédie pulsionnelle, reconfigure la géométrie rassie du « triangle amoureux », du « ménage à trois », en ligne droite vers le vide, en boucle bouclée vers une vie tracée, en élan vers le firmament et l’épuisement épousé par une caméra souvent en mouvement. On peut penser à du Murnau (la fondation du même nom se charge de l’exemplaire restauration) hétéro, à du Hitch sans cynisme, à du Bernstein (Henry, pas Elmer ni Lenny) revisité par un Resnais de Germanie (Sud français de studio, de m

Les Exécuteurs : Les Désaxés

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Rosanna Arquette se mit autrefois en tête de la rechercher ; revoilà donc Debra. Karel Reisz, VRP du soi-disant Free Cinema (réalisateurs bourgeois épris de peinture de prolétaires, les vrais pauvres, eux, se souciant assez peu de caméra, trop occupés à simplement survivre, hier et aujourd’hui), naguère signataire des intéressants (à défaut d’être passionnants, tant pis) Samedi soir, dimanche matin , Isadora , La Maîtresse du lieutenant français , finit ainsi sa carrière (au grand écran) de critique-essayiste-cinéaste britannique (d’adoption, aux origines tchèques) émigré à Hollywood, sur un téléfilm de luxe écrit (recyclage de pièce en un acte) par Arthur Miller, dramaturge pour « moutons de Panurge », scénariste assurément exécrable (essayez de revoir le western révisionniste et psychodramatique de Huston). Faux coupable, « femme fatale », communauté corrompue, Connecticut en ersatz de Nouvelle-Angleterre (hivernale), psychologisme de bazar (pléonasme) à base de trauma d’

Gomorra : Ave Maria

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 « Oublier toute espérance ? » Plutôt prendre ses distances.  Chronique-mosaïque, sous le signe et dans le sillage de Rosi (en visite sur le tournage), de Rossellini ( Paisà ) ou Pasolini ( Mamma Roma ), bien sûr, comme une déclaration volontairement assourdie (avec un silencieux) à Coppola, Scorsese, De Palma ( Scarface traumatisa aussi là-bas, davantage que L’Impasse , jusqu’au parrain Walter Schiavone, à l’impériale villa abandonnée, décalquée de celle de Montana), trinité laïque et opératique ( accessit pour le Leone du proustien Il était une fois en Amérique ) du crime en effet « organisé », comme une réponse réaliste à une imagerie pleine de bruit et de fureur, miroir à la limite de la complaisance d’un milieu de près (pas seulement à Hong Kong, pas uniquement au temps de Gorge profonde , financé par les wise guys ) ou de loin lié au « septième art » depuis des lustres (le Miami de Tony M. en métaphore de Hollywood, à l’ombre électrique des Rapaces de von Stroheim,

Les Deux Anglaises et le Continent : Polaroïd de Charlotte Rampling

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Charlotte for ever , of course . Talentueuse, audacieuse, chaleureuse : trois épithètes parmi d’autres pour définir une actrice, une persona une femme. Charlotte Rampling vécut plusieurs vies, sur et au-delà de l’écran. Mannequin pour Helmut Newton, épouse de Jean-Michel Jarre, soutien de Nicolas Sarkozy (cherchez l’erreur) et, surtout, avant tout, collaboratrice de Visconti, Boorman, Liliana Cavani, Chéreau, Dick Richards, Boisset, Michael Anderson, Deray, Joy Fleury (ménage à trois entre Myriem Roussel & Andrzej Żuławski, oui, oui), Ōshima, Parker, Ozon, Cantet, Michael Caton-Jones, von Trier ou Maddin – liste chronologique et subjective, sa filmographie compte aussi des rencontres avec Lester, Annakin, Corman, Richard C. Sarafian, Adriano Celentano (Dio mio !), Ripstein, Allen, Lumet, Lelouch, Cacoyannis, Irvin, Tony Scott, Marion Hänsel, Michel Blanc, Mike Hodges, Jewison, Enki Bilal, Gianni Amelio, Dominik Moll, Julio Medem, Kassovitz fils, Maïwenn, Todd Solondz, Ma

L’or se barre : Le Grand Embouteillage

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Les hommes (spécialistes à la Patrice Leconte) qui valaient quatre millions de dollars . Une comédie very British  ? Une réaliste demo reel pour Rémy Julienne ? Un document sur les années 60 finissantes ? Un « film culte » redécouvert via un DVD exemplaire ? Bien sûr et davantage : le titre le plus connu d’un réalisateur emporté par un cancer à la quarantaine (Peter Yates pressenti). Une réussite collective qui doit quelque chose à tous ses collaborateurs. Un divertissement « bon enfant » à déguster en VO avec un sourire constant. Un film foutrement freudien commencé dans un tunnel et terminé au bord d’un ravin utérins (« de l’or en barre », en lingots phalliques, pour tous les psys épris de cinéphilie, d’engorgement d’automobiles-spermatozoïdes). Une réflexion ludique et mélancolique sur la virilité européenne, Michael Caine (alors sans permis, flanqué de son frérot) en étalon (Lelia Goldoni, veuve cassavetesesque vite consolée, harem peu politiquement correct offert par

Rize : Boyz N the Hood

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Pas de stars du samedi soir, tant mieux – «  You wanna battle with me? » Oh oui, oh oui ! Chorégraphique et politique, dynamique et mélancolique, le documentaire de David LaChapelle séduit par sa modestie, son classicisme. Toujours à la bonne distance, pas celle de la mauvaise conscience, de la visite ethnologique, de l’apologie lacrymale, l’ancien photographe et clipeur s’élève, rises , so , avec ou sans z à la Liza Minnelli, avec ou sans clin d’œil à Martin Luther King ou au scorpion priapique de Kenneth Anger, au-dessus de sa condition d’icône musicalo-iconographique et s’aventure à South Central, « quartier défavorisé », comme disent ici les politiciens et les médias, les adeptes du politiquement correct, du sud de L.A., à trois quarts d’heure sur quatre roues de Hollywood et pourtant à des années-lumière du star system , aiguillonné par l’amicale Christina Aguilera, afin d’y rencontrer une jeunesse dansante, pensante, souriante et croyante. Ni progressiste, marotte démo