De beaux lendemains
« Piège à cons » ou
poltrons, haleines de moutons, contrefaçon de participation.
Et sans doute est-il étrange aussi de
faire de l’homme parfaitement heureux un solitaire : personne, en effet, ne
choisirait de posséder tous les biens de ce monde pour en jouir seul, car l’homme
est un être politique et naturellement fait pour vivre en société.
Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 9
Est-ce que tu le sens
le bonheur
Qui se dessine à l’horizon
Est-ce que tu la sens
la chaleur
La nation devient ta
maison
TiBZ, Nation
Les revoilà, suivant la loi. Les
revoici, tous réunis. Dans d’affreux petits « films de campagne »
sous-titrés, diffusés tous les soirs de la semaine à la TV (publique) assermentée,
asservie, tam-tam tribal à la Marshall McLuhan de plus en plus assourdi (bien
que les « nouvelles » en ligne fassent « grise mine »,
entre broutilles de l’infotainment et
jugements « à l’emporte-pièce » du « café du commerce »),
ils nous regardent droit dans les yeux, ils ne nous voient pas, ils quémandent
nos voix, nous promettant, en ersatz de Scarlett après l’incendie d’Atlanta,
que tout ira mieux demain, restons sereins. Exécrables acteurs d’un psychodrame
national quinquennal, ils paradent, ils palabrent, ils s’affrontent sur les
plateaux et s’affichent au long des panneaux. Les rues servent de décor, une
fois encore, à leurs visages retouchés, agrandis, souriants et déjà gagnants.
Ils possèdent les réponses, ils dispensent le désir, ils entendent « redresser »,
réformer, secourir, guérir. Tels des anticorps retors, ils soigneront le corpus social malade, ils panseront les
blessures passées puis à venir, ils nous berceront de promesses, de compresses,
de mesures, d’infrastructures. Professionnels de la communication, de la
fiction, du storytelling médiatique
(à chacun sa fonction, sa responsabilité aliénée), ils racontent-resservent la
plus belle et désolante des histoires, conte de fées pour décérébrés à base
d’exonération d’imposition, de revenu garanti à demeure, de préférence
hexagonale hors de l’Europe, parmi moult propositions de saison. La révolution
de salon et le statu quo « bien
comme il faut » repassent en boucle, occupent l’espace, les lucarnes, les
pensées, aident à « passer le temps », procurent le frisson tout sauf
inoffensif du désastre, de l’utopie, de l’inconnu.
La réalisation approximative du
spectacle pétri de couacs, d’amateurisme, de retournements (de veste) navrants,
laisse certes songeur, ferait presque regretter la rigueur germanique et
l’efficacité lyrique de la propagande naguère dirigée par l’excellente et « inconsciente »
Leni Riefenstahl. Ailleurs, over the
rainbow de Dorothy-Judy, il doit exister une autre forme de démocratie, un
peu moins minable, davantage adulte (sinon, autant se suicider sur-le-champ,
hors-champ, en adepte du hobby
eschatologique des sectes), mais hic et
nunc, on doit se contenter de cela, on doit remercier nos maîtres, on ne
doit pas quitter la salle ni l’isoloir. Cependant, n’en déplaise aux VRP de la « citoyenneté »,
aux énamourés de « l’humanisme », aux cinéphiles qui ne parlent pas (tabou
bourgeois) de politique (ils ne défèquent pas non plus, purs cristaux
d’expression numérique), à tous les donneurs de leçon de morale, de style, de
goût et de psychologie, tout ceci ne nous intéresse pas, et peut « crever
la gueule ouverte » (à la Pialat), « pourrir sur pied » (depuis
longtemps, mon commandant), « tomber en poussière » (de momie
mortifère) aussitôt. Tous ces candidats à leur propre et sale succession ne
méritent que la réplique de Michel Poiccard au volant de la voiture de Godard
(je n’écris pas pour être pardonné, apprécié, « liké », « plussé »,
commenté, censuré, eh ouais). Tout ce simulacre de vox populi mérite mieux
que le fatalisme, le poujadisme ou le pragmatisme (désenchanté, de Sa Majesté)
d’un Churchill. Le « Système » (variante : la Finance) qu’ils symbolisent
et conspuent, double impératif catégorique contradictoire à l’opportunisme
dérisoire, qu’il cesse d’être systématique, modélisé sur celui du docteur
Goudron et du professeur Plume de Poe : assez de l’asile, ouvrons pour de
bon les fenêtres de la maison de fou, gouvernée par les pensionnaires d’éternité.
Que la représentation prenne fin, que les représentants ne nous représentent
plus, que le connard derrière la caméra s’écarte, que l’écran devienne
différent, radicalement.
Ou alors, baissons la tête, se moque
Sergio Leone, un bâton de dynamite pas si gay
à la main, sifflotons (un air de « nerf tordu » par Bernard Herrmann)
sur le chemin de l’abattoir, habituons-nous à tout et surtout au pire, à la
logorrhée ressassée, au replay en
épuisant coup d’éclat épuisé des attentats, à la Corée du Nord jouant les
matamores, à Donald (Trump, pas Duck, sucker)
jouant là-bas à la bataille navale dans sa défroque d’Erich von Stroheim
(jouissance bien-pensante de la détestation justifiée). Cela pourrait être
pire, apprends à sourire, l’été arrive, les robes vont raccourcir, Cannes se
voudra une « respiration » (dixit
le duo Frémaux-Lescure, Dupond et Dupont de la « crème de la crème »
du « cinématographe » international) bienvenue, salutaire, dans le
climat délétère, le contexte anxiogène, et tant pis pour la cara Claudia,
hissée en effigie, victime consentante de Photoshop, l’intéressée pacifiant la
polémique d’un apaisant « Il y a en ce moment bien des choses plus
importantes à discuter dans notre monde. Ce n'est que du cinéma, ne l’oublions
pas ! » (vertu dite cardinale des propos de la Cardinale). Oui, tant mieux et
tant pis, le cinéma reste à sa place, à la niche de bonniche, à la case du
divertissement à consommer de préférence, disent les exploitants qui
l’exploitent, dans les mausolées climatisés prévus à cet effet. Le « bon
peuple » rassuré ou inquiet par le résultat électoral persistera, « de
bon aloi », inch’Allah, à s’y rendre, à s’y détendre, à y faire l’offrande
d’une heure trente de son attention, de sa vie, au prix d’un bon blockbuster à la con ou d’un risible
parangon d’auteur (l’entre-deux s’évanouit, à l’instar de l’image manquante
entre deux coupures-collures, absence mélancolique des possibles, du montage
émancipé).
Votons, bons compagnons, votons donc,
quitte à se boucher le nez afin de ne pas succomber aux odeurs de vomi, à la
nausée (sartrienne ou pas) généralisée, à la stupidité fière d’elle-même (règne
pérenne des « idiots » à la von Trier). Élisons nos séides et nos
scélérats en toute bonne foi, « par défaut », en plan B, en « sursaut
républicain », de peur (principe de gouvernance) que le village gaulois ne
se retransforme en Vichy ou Drancy, en leurs versions mises à jour, citrouille
indigeste et amère après la liesse footballistique ou l’œcuménisme nordique
(Dany Boon, abbé Pierre millionnaire). Vivons d’espoir et de confiance,
laissons nos enfants réparer la planète, visionnons les feuilletons sur nos
tablettes proprettes. Tout reste sous contrôle, la baguette reste accessible,
la braguette docile, le sexe (voire la romance) nous baise à l’aise, Blaise (Gainsbourg copule
avec Pascal ou, nous assure Jean-Bernard Pouy, satiriste impoli, Hegel encule
Spinoza, on ne sait plus/pas), les « migrants » se malaxent (Bashung
à la rescousse) en expédient d’une « installation » (écrin sur la
Croisette d’un court métrage shooté de surcroît en « réalité virtuelle »,
au secours) signée du parvenu Iñárritu dépourvu de son revenant dicaprioesque
ou en arguments émollients (ah, tous ces pauvres gens, ma pauvre dame). Le
monde t’appartient, Tony, but don’t fuck
me, sinon en deux temps, en deux dimanches, « jusqu’à la garde »,
« jusqu’à la gorge », jusqu’à me « faire rendre gorge » (littéralement)
et « crier grâce » pour tant d’institutionnels outrages (et personne
pour croquer la pomme pourrie de l’anarchie, pas même cet amnésique
primitivement muséal de Jacques Chirac). Vive la France, vive l’incompétence,
vive l’immanence et la clémence – au-delà, crois-moi, du discours, du cadre,
des dates, quelque chose d’invisible et d’indicible nous attend patiemment,
demain, maintenant, et finira par nous rattraper, nous aveugler, nous faire
taire. La société, le cinéma, les blogs,
les existences-anecdotes, le cosmos à l’infini, en régression ou « en
expansion », l’ensemble (« Tous ensemble ! »), dans un
souffle d’allumette (celle, solaire, de Lawrence en Arabie), s’éteint, enfin.
"Ayant confié dans un entretien à Vanity fair qu’il aimerait bien tirer le portrait à « cette vieille nazie de Leni Riefenstahl », l’occasion se présenta un jour ; et lorsque la documentariste du IIIème Reich alors centenaire apparut enfin en haut de l’escalier de sa maison, elle l’apostropha :
RépondreSupprimer« Helmut, la vieille nazie est en train de se faire belle pour le petit juif ! ».
De son propre aveu, s’il s’est fait le chroniqueur du monde du luxe, sans méconnaître la part d’obscénité de vêtements ou de sacs hors de prix, autrement plus réelle et crue que celle d’un mannequin écartant les cuisses pour offrir sa vulve à l’objectif, c’est parce que c’était le seul monde qu’il connaissait de l’intérieur. Un monde de riches dont il n’était pas pour autant mais qui lui donnait, par ses magazines et ses modes de consommation, les moyens de ses recherches, de ses expérimentations, de sa folie."
https://larepubliquedeslivres.com/il-est-interdit-dexpliquer-le-mystere/
Mademoiselle Dunaway en émule de Helmut :
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=f_-4L-mssnQ
Croco en duo :
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2015/05/lexercice-de-letat-au-revoir-les-enfants.html
Fil(le) d'Ariane :
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2018/01/ariane-dark-haired-girl.html
Mishima aussi chez moi :
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/02/mishima-soleil-rouge.html
Si pas déjà vu ou à revoir si tel est votre bon plaisir de cinéphile
SupprimerLe Piège à cons Mocky 1979
https://www.youtube.com/watch?v=-uSgoJXSaCc
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/12/la-secretaire.html
Supprimer