Les Exécuteurs : Les Désaxés
Rosanna Arquette se mit autrefois en tête de la rechercher ; revoilà
donc Debra.
Karel Reisz, VRP du soi-disant Free
Cinema (réalisateurs bourgeois épris de peinture de prolétaires, les vrais
pauvres, eux, se souciant assez peu de caméra, trop occupés à simplement
survivre, hier et aujourd’hui), naguère signataire des intéressants (à défaut
d’être passionnants, tant pis) Samedi soir, dimanche matin, Isadora,
La
Maîtresse du lieutenant français, finit ainsi sa carrière (au grand écran) de critique-essayiste-cinéaste
britannique (d’adoption, aux origines tchèques) émigré à Hollywood, sur un
téléfilm de luxe écrit (recyclage de pièce en un acte) par Arthur Miller,
dramaturge pour « moutons de Panurge », scénariste assurément
exécrable (essayez de revoir le western
révisionniste et psychodramatique de Huston). Faux coupable, « femme
fatale », communauté corrompue, Connecticut en ersatz de
Nouvelle-Angleterre (hivernale), psychologisme de bazar (pléonasme) à base de trauma d’enfance (se faire violer par
son père, l’affirmer, en tout cas, rien de tel pour vous forger une instabilité
en bordure d’hystérie et « toute ressemblance » avec une certaine
Marilyn Monroe ne s’avère pas « pure coïncidence »), théâtralité
paupérisée, constipée (l’appartement de la cliente, la maison de l’avocat, le
manoir du juge), inertie du récit, de la machinerie (champs-contrechamps navrants)
– l’ornithologue amateur s’entiche d’une panthère névrosée, conduit la
confession d’un artiste schizo (cliché de lycée) suicidé à moto, désincarcère
un innocent aussi émouvant qu’une endive : cela se voudrait presque du
Hitchcock (un chouïa de Pas de printemps pour Marnie, une
dose de L’Ombre d’un doute) et cela se vautre vite dans la pire pose
auteuriste, dans le Spectacle de la Profondeur de l’Intériorité Féminine
Sidérant le Mâle Manipulé, toujours et in
fine (dire que certains accusent le De Palma de Pulsions ou Body
Double de misogynie).
Un seul mystère irrigue le brouet
acquis neuf, en VF, à cinquante centimes d’euros, modicité encore trop
généreuse : quel mobile, à part le fric et l’usurpée réputation de
l’Auteur Scénique, bien sûr, explique la participation de tels talents à cette
pantalonnade de soins palliatifs, à cette mascarade cacochyme ? Ian Baker,
complice de Fred Schepisi (à l’œuvre sur l’infantile Créature féroces) éclaire
sans relief, John Bloom (le Dracula de Badham, Ghandi,
Under
Fire) monte « en pilotage automatique », Mark Isham (à peine
sorti de Hitcher ou La Bête de guerre, parasité par les
chanson tartignoles de Leon Redbone) compose sous Valium et Jeremy Thomas (« accoucheur »
émérite de Bertolucci, Cronenberg ou Roeg) produit tout ceci, ce rien cosmique,
ce film insipide et stupide, inutile et stérile, qui plut beaucoup (ne cherchez
pas l’erreur) à l’incomparable Pauline Kael. Avec son cadre WASP et white trash ripoliné, pasteurisé, avec sa morale « à deux balles »
(mal généralisé, vertu de l’aveu) déguisée en gros billet d’ironie sentimentale,
de satire fadasse, avec son provincialisme et sa myopie, avec son « gothique
sudiste » mal digéré à la Tim Burton (cimetière mémoriel, ossements
sacrificiels), son cadavre de toubib photographique, ses misfits d’opérette (l’une veut faire du crochet, l’autre bégaie,
déviances d’adolescence), son « autel » affreusement arty sis dans une aciérie désaffectée
(un pensée pour Cimino), sa sœur vaguement incestueuse et préoccupée par les
ragots, Everybody Wins perd à chaque plan, à chaque retournement.
Demeurent la solide tendresse d’un Nick Nolte égaré, hagard, paraissant à chacune
de ses apparitions se demander ce qu’il fait là et, surtout, la beauté
préraphaélite de Debra Winger, son érotisme troublé (pas vraiment troublant,
pour les raisons supra) mis en valeur
via des robes ou un déshabillé de
soie estampillés Ann Roth, actrice talentueuse, radieuse, doublée (disent les
langues anonymes, « mauvaises » ou lucides) d’une partenaire
capricieuse, appréciée alors dans La Veuve noire (duo faussement
saphique avec Theresa Russell) et Un thé au Sahara (dans un
registre similaire, on en reste au menu roboratif et solipsiste du Festin
nu,
merci).
Que l’on s’en console ou que l’on en
rigole, Les Exécuteurs (aka Chacun
sa chance) ne mérite même pas son « exécution » le temps d’un
billet, seulement son oubli définitif, en triste épitaphe d’un parcours
atypique conclu, hélas, par une indiscutable impasse, et pas celle de Brian.
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