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Affichage des articles du décembre, 2015

Nous ne vieillirons pas ensemble : L’Ours et la Poupée

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Frappe-moi, gifle-moi, insulte-moi, offre-moi une robe, une rose ou une bague de fiançailles maternelle, écris-moi des lettres que je ne lirai pas jusqu’au bout, baigne-toi avec moi dans l’eau grise des « torrents d’amour » et, finalement, laisse-moi t’abandonner à tes démons que je ne peux conjurer – plainte et prière, document révisionniste, lyrique et sarcastique, Nous ne vieillirons pas ensemble mûrit en beau fruit âpre et sucré, en spéculaire dernier titre de notre année… On évite de revoir, de relire, de réécouter : vie trop courte et familiarité avec la beauté au plus profond du cœur, de l’esprit, les deux inséparables, mais on fit une exception pour Pialat, pour ce Pialat-là, qui nous jaillit au visage chez un « déstockeur », diamant coupant et aveuglant perdu parmi la verroterie d’un bac anonyme (« À la Galerie j ’ farfouille dans les rayons de la mort/Le samedi soir quand la tendresse s'en va toute seule » chantait Ferré sur Avec le temps ). Bien nous en prit, c

Le Complexe du castor : Hollow Man

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Le Voyeur , pareillement orphelin traumatisé, ne se séparait pas de sa caméra, pour d’identiques raisons ; écoutons donc ce que l’étrange « main parlante » nous dit de son auteur…  Avec ses allures d’élégant téléfilm de luxe psychologique (notons la photo vert d’eau de Hagen Bogdanski, à l’ouvrage sur La Vie des autres , la dentelle de la partition « tangoesque » un peu envahissante composée par Marcelo Zarvos, le montage délicat de Lynzee Klingman, autrefois assembleuse du « fraternel » Vol au-dessus d’un nid de coucou ) ; avec sa seconde ligne (narrative) adolescente superflue, sinon pour démontrer la malédiction d’un héritage pathologique – « La dépression est une affaire de famille », nous apprend doctement le générique de fin, de même que la nature écologique du tournage, soucieux de réduire son « empreinte carbone » – et attirer les fans de la transparente et cireuse Jennifer Lawrence en pom-pom girl « différente », un peu après le soporifique Winter’s Bone , un peu a

Oblivion : Delta Force

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Suite à sa diffusion par TMC, retour sur le titre de Joseph Kosinski. La Jetée , Le Château dans le ciel , THX 1138 , Silent Running , Alien , La Planète des Singes et son Secret , Matrix , Solaris , 2001, l’Odyssée de l’espace , Independence Day  : entre deux bâillements, on énumère les originaux de cette photocopie aussi lisse et impersonnelle que la nouvelle gamme désincarnée d’un célèbre équipementier suédois. Aucune goutte de sang, de sueur ni de sperme – malgré un bain de minuit « crapuleux » dans une piscine stellaire, so chic et pudique grâce à son esthétique publicitaire (photographie de Claudio Miranda, responsable des tons ambrés de L'Étrange Histoire de Benjamin Button et de l’hyperréalisme sous LSD de Histoire de Pi ) – ne viendra perturber le programme (informatique) de recyclage de l’ancien infographiste promu réalisateur, ses premières armes logiquement faites à l’occasion du reboot de Tron pour Disney (en matière de « poésie des machines », prière d

Carrousel : Dites-lui que je l’aime

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Faire le camelot , séduire avec désinvolture, baiser à droite à gauche, rencontrer l’amour, ne pas croire en soi-même, se détester de profiter d’une oisiveté autorisée, apprendre sa survivance, chercher du fric , mourir par mégarde, s’adresser avec maladresse à l’autre femme de sa vie, confesser une passion à l’élue de son cœur, regagner l’au-delà et, qui sait, le salut : résumé en accéléré d’une comédie musicale grave et lente, nocturne et fervente, surnaturelle et immanente…      « Pourquoi Carrousel nous touche-t-il autant ? » se demande Nic Redman, « historien musical et du cinéma », pour citer la jaquette du DVD Fox « anniversaire » paru cinquante ans après sa sortie (il parle pourtant peu de musique et encore moins de chronologie), dans son commentaire audio, sympathique et anecdotique, au côté de l’éclairée Shirley (Jones), l’une des deux survivantes de l’aventure, incidemment, mémorable prostituée d’ Elmer Gantry le charlatan – et de répondre avec justesse : par sa

La Double Vie de Véronique : On ne vit que deux fois

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Elle essuya le front du Christ sur son dernier chemin, en recueillit « l’image véritable » sur son voile : (sainte) Véronique ou le témoignage d’une énigme, à célébrer ici et maintenant…   Quand le collier clouté du Mondo cane serre trop fort, quand la nuit de l’âme semble insondable, quand l’empire de la tristesse s’étend au moindre geste du quotidien, on ressent l’absolu besoin de se souvenir de la beauté, l’impérieuse nécessité d’un élan violent, l’imminence d’une transcendance. « Au milieu du chemin de la vie » (Dante), dans l’enfer profane des jours, le soleil décline plus vite, les puissances se font plus rares et presque tout, déjà, possède l’arrière-goût de la terre patiente, de l’eau croupie, des draps glacés. Le cinéma, art des morts, fenêtre ouverte en direct sur L’Au-delà , comporte paradoxalement la promesse provisoire d’une renaissance, l’avènement d’un serment fait au monde et à soi-même : ne pas se démettre, pas encore, ne pas se soumettre non plus, mais pre