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Affichage des articles du mai, 2015

Cowboys & Envahisseurs : L’Homme sans mémoire

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Suite à sa diffusion par France 2, retour sur le titre de Jon Favreau. Crainte d’un bruyant blockbuster , d’un cross-over décérébré, d’un produit d’appel pour la vente en salle de pop-corn – or, voici un film adulte et complexe, séduisant représentant d’un certain cinéma hollywoodien. Un homme s’éveille, amnésique, avant de se révéler une parfaite machine à tuer : Daniel Craig fusionne à l’intérieur de son corps minéral et de son esprit tourmenté Ralph Fiennes dans Spider (« Il y a pire que de perdre l’esprit, c’est de le retrouver » nous avertissait l’affiche française) et Viggo Mortensen dans A History of Violence , oublieux volontaire d’un peu reluisant passé ; comme si cela ne suffisait pas, le bracelet létal à son poignet rappelle les armes organiques de Vidéodrome et eXistenZ . Favreau, qui délivra sa propre version de l’homme bionique avec Iron Man , dispensable diptyque dédié aux aventures économico-technico-sentimentales de Tony Stark, industriel et ingénieur aff

L’Exercice de l’État : Au revoir les enfants

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Suite à sa diffusion par France 3, retour sur le titre de Pierre Schœller.  Ouverture sur un rêve érotique : des silhouettes endeuillées, quelque part entre les médecins vénitiens à l’époque de la peste et les inquiétants adeptes orgiaques réunis pour Eyes Wide Shut , jouent les déménageurs dans un bureau gouvernemental, quand surgit une jeune femme brune et nue nous fixant du regard, avant de s’offrir à la gueule d’un placide crocodile, qu’elle pénètre tel Jonas sa baleine. Ce songe humide, à la symbolique plurielle – on laisse les cinéphiles partisans de la psychanalyse s’en repaître –, issu de l’esprit troublant et troublé du protagoniste, au patronyme apocalyptique (Bertrand Saint-Jean), donne le ton et délivre le meilleur du film : un surréalisme sexuel, un réalisme fantastique exogène au cinéma français (malgré Vigo, Buñuel, Franju et quelques autres) mais propre à l’imaginaire et à l’imagerie belges (Magritte, André Delvaux pour ne citer qu’eux). Schœller, réalisateur

L’Affaire Rachel Singer : Le Passé

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Suite à sa diffusion par France 2, retour sur le titre de John Madden. Le film s’ouvre à dessein sur trois silhouettes à contre-jour : il va mettre en lumière la part d’ombre de personnages liés par un pacte secret, un silence forcé, une liberté illusoire. Nul n’en finit jamais avec son histoire, et surtout pas les victimes de l’Histoire : telle pourrait être la morale de ce thriller révisionniste – un comble, dans le contexte ! – d’une « redoutable efficacité », selon la formule consacrée, qui donne à voir, en petit exercice méta de manipulation du spectateur, plus proche du roublard Sixième Sens que de l’incertitude fondamentale et déstabilisante de Rashōmon , deux versions d’un même événement, l’exfiltration d’un ancien nazi surnommé avec dérision « le Chirurgien de Birkenau » hors de Berlin où, marié, il officie désormais, notez l’appréciable ironie, en tant que gynécologue (« Voici ma main et voici le spéculum » dit-il de façon pédagogique à l’héroïque héroïne, devant

L’Ombre d’un géant : Souvenirs d’Orson Welles

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Un centenaire, pour quoi faire ? Loin du chœur (des pleureuses) critique, voici un petit portrait inspiré de Perec… Je me souviens d’un éditorial nécrologique, au cigare et chapeau noir, paru dans feu Starfix et du « découpage » de Dossier secret publié dans L’Avant-Scène Cinéma . Je me souviens des entretiens avec Peter Bogdanovich, Moi, Orson Welles , dans une traduction parfois hasardeuse, de son émotion à la vue sur petit écran des sublimes Amberson, non en raison du montage tronqué, mais bien du temps perdu. Je me souviens des textes d’Edgar Allan Poe, interprétés pour un album studio d’Alan Parsons Project, intitulé Tales of Mystery and Imagination . Je me souviens de la projection, dans une salle provinciale et vide, aujourd’hui disparue, de It’s All True , tourné au Brésil, ressuscité/narré par la fidèle Jeanne Moreau, et d’un téléfilm anodin avec Liev Schreiber en avatar,  RKO 281 : La Bataille de Citizen Kane . Je me souviens de la sensuelle et sol