Articles

Affichage des articles du août, 2021

Pas d’amour sans amour

Image
  Un métrage, une image : Et la tendresse ?... Bordel ! (1979) D’un asile au second : après la clinique des Nuits de l’épouvante (Elio Scardamaglia, 1966), voilà l’hôpital de Et la tendresse ?... Bordel ! (Patrick Schulmann). Cinéaste multitâche, un peu à la Carpenter, puisque scénariste, compositeur, réalisateur, décédé dans un accident d’auto à la cinquantaine à peine, Schulmann répond à sa façon à Bergman ( Scènes de la vie conjugale , 1974). Ce métrage de son âge accompagne trois couples presque en déroute, les classe en « phallocrate », « tendre » et « romantique », amen . Si le cinéma social semble un pléonasme, le ciné traverse la Cité, le poétique pratique le politique, le souci de sociologie, cette « science humaine » d’imposture intellectuelle à la truelle, souvent s’y réduit à un vernis, un alibi , un repli. L’ item témoigne du temps d’avant, d’antan, prend acte de la débâcle de certaines utopies de la décennie, de leur commercialisation de saison, à la con, la « l

La Maison aux fenêtres qui rient

Image
  Un métrage, une image : Les Nuits de l’épouvante (1966) Beau giallo cadré au cordeau, doté d’une admirable direction de la photo, ce métrage méconnu possède aussi une direction artistique soignée, une distribution chorale impeccable et impliquée. La lama nel corpo , titre explicite, se souvient évidemment des Yeux sans visage (Georges Franju, 1960), de sa défiguration, de ses greffons, de sa culpabilité décuplée, les délocalise du côté de « Morley », au dix-neuvième siècle dernier. Au creux d’une clinique psychiatrique pas catholique, une femme en noir, munie d’un rasoir, fait taire une muette, lacère une biographie de Stuart Mary, s’en prend à une maîtresse- chanteuse française et onéreuse. Au plafond, la sœur recluse tourne en rond, bonne utilisation du son. Un chat immaculé, empaillé, un schizo au cachot, un troglodyte tombeau, un accident, pas vraiment, à la chaux, constituent les accessoires d’une histoire de jalousie, d’asphyxie, d’explication, de pardon. En coda du conte,

Épouvante sur New York

Image
  Un métrage, une image : L’Ambulance (1990) Un dragueur, une diabétique, un moustachu, une automobile : modèle d’écriture, de séduction ludique, de tension dramatique, de caméra quasi cachée, l’ouverture de L’Ambulance condense le ciné de l’amical Larry Cohen. La suite ne démérite, revisite de jour et de nuit le mythe d’Eurydice & Orphée, le tisse au super-héroïsme de la BD, caméo en dirlo de Stan Lee inclus. Toujours inventive, constamment amusante, cette comédie noire s’assume en moralité faussement moralisatrice, voici ce que vous risquez si vous abordez dans la rue une inconnue, en effet. Porté par un Eric Roberts candide et physique, une Megan Gallagher à l’irrésistible rousseur, ponctué par la présence surprenante, patraque, verdâtre, d’Eric Braeden – recommandation maternelle ! –, depuis déjà dix ans pensionnaire du soap soporifique Les Feux de l’amour , par la prestance d’un James Earl Jones mémorable en flic jadis dépressif, en justicier vite esquinté, en train de

Quantum of Solace

Image
  Un métrage, une image : Call Me (1988) Appels anonymes à connotation coquine + témoin traqué du meurtre d’un travesti = vrai-faux « thriller érotique », nouvel épisode à New York de la douce-amère « guerre des sexes ». Écrit et co-produit par l’obscure Karyn Kay, elle-même victime d’un fils épileptique, fichtre, réalisé par le méconnu Sollace Mitchell, Call Me congédie Blondie ( American Gigolo , Schrader, 1980), repose sur les épaules d’une journaliste brune, la Patricia Charbonneau à fleur de peau de Un flic dans la mafia . L’article sur le harcèlement sexuel et sexué au boulot, à domicile, vire vite vers l’enquête existentielle, la découverte du désir à distance, d’accoutumance. Le voleur vengeur évoque sa « gonzesse » dézinguée, se fiche de la « femelle », l’insulte d’un « sale pute ». Le couteau à cran d’arrêt, forcément phallique, du cadavérique Buscemi coupe la gorge du policier corrompu, qui tabassait le type déguisé, décédé, lui crachait un explicite et rhétorique :

Kenji Mizoguchi, ça vous (re)dit ?

Image
  Suite à leur visionnage sur le site d’ARTE, retour sur huit titres de l’auteur. Miss Oyu (1951) Au fond d’une forêt de conte de fées défait, un orphelin flashe sur une femme, à la fois mère et ressemblant à la sienne. L’histoire d’un mariage d’arrangement puis blanc, d’un gâchis de chasteté, d’une rumeur de « lubricité », d’un échange des rôles et des destinées, s’affirme en fondus au noir, en profondeur de champ, en plans-séquences, en surcadrages. Collaborateur régulier, Yoda transpose à demi Tanizaki, souvent utilisé au ciné, là-bas ou ici, cf. La Clé (1983) de Brass, Berlin Affair (1985) de Caviani. Le vrai-faux vaudeville n’invite à sourire, car verse vers le mélo maternel au carré. Il convient de ne confondre le coucou et le corbeau, de respecter des conventions à la con, de recueillir un minot à la Moïse, abandonné par un Shinnosuke en train de (dé)chanter, de marcher, de s’écarter d’un explicite nocher. La fable fatale, sacrificielle, procède du serment, de l’amour

Barbet Schroeder, le pire et le meilleur

Image
  Suite à leur visionnage sur le site d’ARTE, retour sur trois titres de l’auteur. More (1969) Pas d’autobiographie à la Pop Iggy ici ( I Need More ), le Floyd s’impose, en musique dite de source, of course . Pour son premier long métrage un peu long, bien de son âge, Schroeder part en voyage, emporte dans ses bagages le script ironique de Paul Gégauff, la plume acide et drôle de Chabrol, aussi le scénariste de Diaboliquement vôtre (Duvivier, 1967) et Frankenstein 90 (Alain Jessua, 1984), lui-même victime d’un homicide commis par sa dame, les misogynes la condamnent, les féministes l’acclament. Quarante-six ans avant le maternel et mémoriel Amnesia (2015), Barbet s’installe à Ibiza, fuit la pluie, passe par Paris, topographie en autarcie un affreux paradis, artificiel, cruel, cerné de seniors nazis. More (1969) par conséquent prend acte du naufrage de la Nouvelle Vague, reflète À bout de souffle (Godard, 1960) en mode hardcore , anticipe le désertique Antonioni à Zabris

The Crying Game : Who’s That Girl

Image
  Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Neil Jordan. Une fête foraine défaite, une étreinte dite interraciale, une amitié maudite : The Crying Game (1992) débute bien, se souvient du bestiaire doux-amer d’Orson Welles ( Mr. Arkadin , 1955), utilise le son à bon escient, écoutez l’hélico encore invisible puis de coda explosive. Divisée en deux temps équidistants, la suite ne démérite, mais l’estimable mélodrame militaro-sentimental de Jordan, certes non démuni de tendresse et de finesse, d’amour et d’humour, n’essaie une seule seconde de transcender son sujet, disons son homme-objet, se contente d’illustrer de façon soignée, convaincantes compositions en widescreen , sa chronique dramatique et drolatique à base de séduction, de dessillement, de pardon, d’emprisonnement. Si l’on souhaite le vertige (re)connaître, celui des sens, de l’essence, des identités sans cesse dotées de ductilité, sinon de duplicité, on se doit de (re)voir fissa M. Butterfly (Da

Le Fils de Spartacus : Centurion

Image
  Divertissement régressif ? Parabole pas frivole… Péplum politique, pardon du pléonasme, opus (dé)placé en Égypte, surprise symbolique, Le Fils de Spartacus (Sergio Corbucci, 1962) ne capitalise sur le succès de Kubrick Stanley ( Spartacus , 1960), possède sa sienne personnalité, dialogue avec d’autres. Comme Moïse & Ben-Hur, Randus doit se rendre à l’évidence de ses véritables origines dérangeantes, il doit aussi assumer un messianisme ensablé à la Dune (David Lynch, 1984) et l’épée paternelle, posée sur un mausolée en plein soleil, sur laquelle se termine le film, annonce celle de Conan le Barbare (John Milius, 1982), encore un conte pas con d’émancipation, de dessillement d’antan, d’éveil cruel des consciences enfin au courant, de l’absurde asservissement romain, du bien nommé Thulsa Doom du sinistre venin. Réel réalisateur, l’auteur de Romulus et Rémus (1961), Django (1966), Le Grand Silence (1968) compose chaque plan, manie la double focale à la De Palma, tire le

Police fédérale Los Angeles : Vivre et laisser mourir

Image
  Malchance de Chance, triche de Vukovich… French Connection (1971) s’achevait sur une détonation ; Police fédérale Los Angeles (1985) débute idem , en parallèle à un plan rouge sang, sur fond de flamme infernale, annonce ésotérique de la conclusion, de la suite. Le jour se lève en accéléré sur l’enfer californien, ses palmiers frissonnent, cernés selon son smog . Le générique affiche la clinquante couleur du masculin malheur, un tableau sinistre, de (d’auto)portrait dépressif, surgit puis disparaît, remplacé par une série d’images topographiques, géométriques, diagonale de train de fret sonorisé, panoramique horizontal de casse esseulée, du titre explicite en forme d’aphorisme surmontée, remarquez l’éclat écarlate, entre arbre et impact de balle. Vivre et mourir à L.A. ? Bien sûr, mais aussi et surtout s’y activer, s’y croiser, y faire des affaires friquées. Friedkin filme de billets un brassage à la Scarface (Brian De Palma, 1983), d’argent et des gens une circulation à la B

Le Silence des agneaux : Promising Young Woman

Image
  Bouffe & Buffalo, délice et supplice… I’m a little lamb who’s lost in the wood I know I could always be good To one who’ll watch over me Sting Une jeune femme court dans des bois, au cours du conte à trauma , un loup cannibale elle rencontrera. Comme elle s’active du côté de Quantico, on devine illico son boulot, on l’accompagne sur son parcours de santé d’agent pas secret. De façon assez symbolique et surtout physique, elle arpente une descente en se tenant de toute sa force à une corde, tiens bon, Clarisse, gare à la glisse. Arrivée au sommet, elle prend à peine le temps de regarder autour d’elle, arbres noirs de décharné désespoir, lac patraque, brume lugubre, d’écouter les cris de corbeaux à la Poe, virginale Virginia, oui-da, au sein de ce décor naturel aussi sombre et gris que ses habits, beau boulot du fidèle dirlo photo Tak Fujimoto, un volatile s’envole, le steadicam la frôle, la musique magique signée Howard Shore l’escorte. Le rythme s’accélère, le cadre