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Affichage des articles du septembre, 2022

L’Amour à la plage

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  Surdité à la Beethoven ? Unité pas à la gomme…    D’une Caroline à l’autre : avant un train en train de siffler, un clébard d’aboyer, une reprise a cappella de boucle bouclée, Pet Sounds donne donc à entendre en coda dépressive un portrait chanté, enchanté, davantage désenchanté, que pourrait adouber la sentimentale déprime de Berlin . De Reed à Wilson ne change presque pas la donne, la dope persiste et signe, la douceur supposée du LSD, de la marie-jeanne, substituée à la dureté de l’héroïne en prime. L’ opus de Lou ne pouvait sans doute surgir qu’au sein malsain des révisionnistes seventies , se situer en Allemagne en effet « mère blafarde », en reflet d’une mère amère et suicidaire. Celui des plagistes à succès, ensoleillés, à demi déjà séparés, révèle l’envers et la facticité du rêve californien, la genèse du disque se verra ensuite mise en images de manière hollywoodienne,  boomerang propret de biopic pasteurisé ( Love and Mercy , Pohlad, 2014). Sorti en 1966, idem mal

What a Feeling

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  La femme infâme, l’homme de maldonne, les gamins guère sereins…     L’an suivant, le disque de Reed en possédera cinquante ; le redécouvrir aujourd’hui équivaut à s’avérer à nouveau séduit, voire sidéré, via son indépendante radicalité, sa sombre beauté, son exigeante complexité. Certes exécuté par une certaine critique américaine, cependant certifié par les interprofessionnels industriels anglais, ainsi pas si maudit, en dépit d’un insuccès d’épicier, Berlin brille et illumine d’une lumière de ténèbres, manie la stimulante déprime de Jim, se termine de manière presque impossible, mantra épique de distance, sinon de renaissance, ironique, « chanson triste » tout sauf défaitiste. Plus proche de Pialat & Żuławski, ceux de Nous ne vieillirons pas ensemble (1972) puis Possession (1981), que des Gainsbourg & Birkin (ou Bardot) de Je t’aime… moi non plus , ce mélodrame littéral, narré au moyen d’une acrimonieuse et jamais miséricordieuse perspective masculine, doté de motifs

L’Anglais

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  Silhouette ou quartette, musico et peut-être mec honnête… John Cameron composa donc une poignée de pièces assez irrésistibles de library music , exercice de style difficile, sinon stérile, dont un diptyque addictif, à la sensualité de « soleil liquide » et de céleste vocaliste seventies , en partie découvert jadis par votre serviteur via une publicité télévisée. Il ne céda cependant à la paresse de « rêveries oubliées à demi », jaillit du jazz , passa par la pop , s’occupa de comédie musicale, par exemple les increvables Misérables du tandem Boublil & Schönberg, se soucia aussi de classique. Collaborateur de Donovan, Hot Chocolate ou José Carreras, Cameron écrivit, conduisit et produisit ainsi, souvent avec discernement, pour le petit et le grand écran, signa en sus moult arrangements. Moins renommé que son compatriote, un autre John, Barry, en tout cas ici, il ne démérite néanmoins, prend sa place parmi une estimable liste, celle d’artistes britanniques à saluer, à ressusc

Devil Inside

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  Un métrage, une image : The Exorcism of God (2022) Ainsi depuis, plus je ne suis celui qui agit, mais le péché qui demeure en moi. Romains 7 :17   S’il cite le film de Friedkin le temps d’un plan indeed iconique, en reprend la paire d’experts, développe l’épilogue, contamination d’occasion, sacrifice bis , le métrage d’hommage et d’outrage s’exile de L’Exorciste (1973), aura trauma , possède, terme en contexte, une sorte de baroque espagnol, se situe au sein forcément et férocement malsain du désir, propice au pire. Il propose une réflexion en action, plus rosse que morose, au sujet de la pseudo-sainteté, qui bien sûr carbure à la culpabilité, élément essentiel de la religion chrétienne. Non démunie d’ironie, la démonstration des délicieux méfaits du démon s’achève au Vatican, où le relou père Peter, dépossédé de sa bonté, pas de sa désormais mauvaise foi, transfuge « héritier » d’une Terre d’âmes en peine peuplée, s’en va poser la première pierre d’un solaire Enfer, d’un r

Message personnel

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  CD de Circé ? Chiens loin des Deschiens… Écoute ceci, peuple insensé, et qui n’as point de cœur ! Ils ont des yeux et ne voient point. Ils ont des oreilles et n’entendent point. Jérémie 5 : 21 « Disponible dès le 22 septembre sur toutes les plateformes de streaming », avis aux aventuriers, Tu t’appelles comment comporte donc « 14 titres façon livre audio, collages, ambiance, philosophie de la vie et monologues », se décrit en « dialogue entre poésie et matières », ma chère. La petite Lili, pas celle de Miller, le bienveillant Brieuc, se répartissent les tâches sans outrages : à la muse insoumise la « voix » et le « texte », à l’artiste multiple la « production » et les « arrangements ». Fruit d’une décennie de « nuits de poésie », de voyages virtuels et réels de la Germanie vers l’Occitanie, le projet s’apparente à du pudique « strip tease », la pythie sudiste « d’abord enregistrée à l’insu » de son plein gré. Fasciné par une « figure hors du temps », séduit selon un « espri

Le Port de l’angoisse

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  Un métrage, une image : Frères (1929) Découvrons donc un « film allemand prolétarien », dont le générique aux personnages et acteurs anonymes, limités à des types, désigne un « Juif », fichtre. Dit ainsi, ça effraie fissa, toutefois Frères ne sacrifie ni au manichéisme, ni à l’antisémitisme, même orné, dès l’orée, d’une célèbre phrase d’un certain Marx. La lutte des classes commence par la glace (du calcul classé égoïste) que cassent les bateaux de Hambourg, capturés à contre-jour. En 1896, malaise, de maritime mélodrame familial à la fraternité au carré, au propre et au figuré, puisque deux fils s’y opposent et in extremis s’y rabibochent, à l’écart du casque boche, à pointe prussienne assez malsaine. Cinéaste attentif, historique scénariste, proche du SPD, ennemi et (in)soumis aux nazis, Hochbaum se base sur une vraie grève hivernale et générale d’exploités peu écoutés, payés 4,20 marks la journée, pour trente-six heures de très dur labeur, encadrés par un contremaître au comp

Le Sang des innocents

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  Le jeune homme et la mort, la joie d’abord, les traumas encore…   I am walking through Rome With my heart on a string Dear God please help me Morrissey Six ans suivant Rogopag (1963), revoici Godard & Pasolini ; la séquence de La Contestation (1969) paraît pourtant un prolongement du documentaire à base de montage La Rage (1963), coréalisé puis renié en compagnie du meilleur ennemi Guareschi. Comme dans Le Petit Monde de don Camillo (Duvivier, 1952), Dieu prend la parole, mais avec Lui-même dialogue, car nul ne L’écoute, en tout cas pas le piéton pris en public presque surpris et précédé en travelling latéral motorisé. Tourné en été 1968, sillage de fameux événements du mois de mai précédent, le segment stimulant s’insère aussi au sein d’une anthologie au titre homonyme quasi , puisque l’on passe de La rabbia à Amore e rabbia . Situé, on le sait, du côté de la police prolétaire plutôt que de la bourgeoisie estudiantine révolutionnaire, le cinéaste acclamé, à scan

Camille redouble

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  Un métrage, une image : Le Mépris (1963) « C’est un film de Jean-Luc Godard », aussi ce voyage en Italie inverse celui de Roberto Rossellini (1954), propose un prologue à Pierrot le Fou (1965), adoube un blason sans toison bientôt développé dans Une femme mariée (1964), quand sa coda joue avec le souvenir du déjà italien et méta Quinze jours ailleurs (Minnelli, 1962). Bardot & Piccoli remplacent Bergman & Sanders, Michel en Marat s’amuse à singer le Dean Martin de Some Came Running (Minnelli, 1958), le couple plein d’entourloupe va voir au ciné le premier opus précité, Camille & Prokosch, in extremis et de manière moche, se cassent et s’encastrent au milieu d’un camion-citerne, accident de gisant annonçant Week-end (1967). Lang & Palance, Moravia & Homère, Delerue & Celentano, Ponti + la piaule de Malaparte, même de Demy un caméo en cabine de projo : tout ceci fait beaucoup, peut-être trop, la caméra de Coutard caresse des fesses et le reste, navigue

Le Repas de bébé

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  Un métrage, une image : Les Années Super 8 (2022) « Fiction familiale », « fragment d’autobiographie » homonyme, le film intime se situe sous le signe des « commencements », pas seulement ceux des enfants, affiche l’épiphanie des premières et uniques fois, met en « récit » la « trace » d’autrefois, mais il documente a posteriori des disparitions en série, celles d’un désenchanté Chili, d’un Portugal apparenté à Tanner, d’une Cergy associée à Rohmer, celles d’une mère au carré, de grands-parents du paternel côté, d’un mari fumeur et filmeur. Ce cinéma dit amateur, jamais mateur, dépourvu de pathos, manie aussi l’étymologie, l’amour et le désamour, le couple en route puis en déroute, la publication et la séparation. Durant une décennie, (re)voici la France de mon enfance, prise à travers le prisme et l’objectif subjectif d’une caméra « désirable », (em)portée là-bas, sur soi, en train d’enregistrer du « temps muet », auquel les mots d’Annie Ernaux vont un « sens » d’existence accor

Le Chat du rabbin

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  Notes à propos d’un duo de rôles… À la télé et au ciné, Clotilde Joano épousa donc Michel Piccoli deux fois, qui la trompa, l’empoisonna, auquel elle pardonna, écho moderato à la tactile coda de L’avventura (Antonioni, 1960), itou co-écrit par Tonino Guerra. Au cours de Hauteclaire (Prat, 1961), téléfilm du temps de la RTF, certes soigné, toutefois surfait, Paul Frankeur, docteur narrateur, affirme qu’elle affiche un « visage de victime », néanmoins ceci n’existe, pas davantage qu’un faciès de coupable, n’en déplaise au guère rigolo Cesare Lombroso. On peut par contre posséder une sale gueule, une face défaite, en effet, pourtant les traits altiers de la Clotilde concernée ne se situaient de ce côté. Sa beauté classique, aristocratique, un brin britannique, sied à la comtesse en détresse imaginée selon le diabolique Barbey, le mimi d’Aurevilly, au creux d’un ersatz de conte de classes, marxiste en sourdine. Clotilde incarne de tout son corps une Delphine destinée à la mort, proie

Si Versailles m’était conté…

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  Un métrage, une image : La Prise de pouvoir par Louis XIV (1966) Biopic pédagogique ? Démonstration de didactisme ? Plutôt poursuite et rupture. Rappelons aux juvéniles générations que la superproduction, à laquelle emprunter le titre de cet article, date de 1954, que La caméra explore le temps vient de s’achever la même année, en mars 1966, sept mois avant la diffusion de l’ opus a priori apparenté, sur la même et seule chaîne diffusé. Ni Guitry ni Lorenzi, Rossellini cède les stars à autrui, la longueur aussi, se moque des énigmes classées historiques, des figures fameuses et mystérieuses. Orfèvre de l’ORTF, il se focalise sur un épisode précis, ose un dédoublé pari. La prise de pouvoir du roi célèbre revient en vérité à la sienne, la stratégie de Louis reflète presto celle de Roberto. Du dix-septième au vingtième siècle, le spectacle en société se donne à (re)voir via la société du spectacle, non plus réservé à la noblesse mais servi à la masse. Sans cesse en représentati

Les Ailes du désir

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  Un métrage, une image : Petit Dieter doit voler (1997) Une dizaine d’années après, Herzog réalisera Rescue Dawn (2006), reconstitution de fiction, dont on trouve ici la trace véritable, je pense au passage du groupe sans entourloupe, figurants tout sauf menaçants. Parfaitement conscient de la dimension méta du documentaire exemplaire, Dengler accepte de (re)jouer le jeu, d’incarner en courant son propre rôle d’incroyable survivant, quitte à ce que le cœur s’emballe, batte la chamade, au rythme du ressuscité cauchemar arrivé, réactivé en replay . « It’s a movie, don’t worry, buddy » dit-il aussi à une autre silhouette guère suspecte, placée en roleplay , en silence, de voleur d’alliance presto amputé via des Viets tortionnaires certes, cependant « scrupuleux et honnêtes ». Si l’exercice de style indiffère Werner, en dépit d’une bande-son délestée d’illustration, le Liebestod de Tristan und Isolde sur un aquarium de méduses, il fallait oser, imager ainsi la douceur du décès san

Flight Plan

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  Modèle de modernité, moralité de monstruosité… L’antidote à In t he Mood for Love (Wong, 2000) ? Davantage un ouvrage sur les images et les mirages. Dans l’avant-dernier segment émouvant puis éprouvant des Nouveaux Monstres (1977), coréalisé en compagnie de Scola & Monicelli, Risi leur laisse presque toute la place, petit précis de ciné muet très expressif, tout le temps éloquent, où à peine une poignée de répliques, unilatérales, répondent aux paroles ad hoc du double programme musical, aux informations à la télévision finales et fatales. Face aux interrogations du romantisme, le terrorisme conserve ainsi mystère et mutisme. D’une décennie à la suivante, les moyens de locomotion diffèrent mais demeurent mortifères, la virée en voiture ou le vol en avion se terminent idem au cimetière, Senza parole prolonge subito presto Il sorpasso (1962). S’il ne fanfaronne comme Gassman, présent ici aussi, qu’il évoque en vrai-faux sosie, Latin lover au charme de cheveux sombres, à

Le Cobaye

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  « Too good to be true » ? Pas pris, pas vu, épris, bienvenu… Disons une dizaine d’années après, on réécoute donc l’increvable Can’t Take My Eyes Off You , pourtant, dans l’intervalle séparant The Deer Hunter (Cimino, 1978) de Conspiracy Theory (Donner, 1997), le voyage en effet infernal au Vietnam s’évanouit, puisque revoilà le projet MK-Ultra, Clinton succède à Nixon, l’amitié masculine autour d’un billard, de retour trop tard, se dissout en solitude, en séjour à l’asile. N’en déplaise à notre modernité très conditionnée, les complotistes ne racontent pas que des contes et des conneries, en tout si l’on en croit ce Complots quasi prophétique, au script signé Brian Helgeland, le cinéaste de Payback (1999), Mel se (la) ramène, surtout le scénariste du Cauchemar de Freddy (Harlin, 1988), L.A. Confidential (Hanson, 1997), Créance de sang (2002) ou Mystic River (2003), tandem d’Eastwood. Gibson s’y prend un peu pour le Robert De Niro de Taxi Driver (1976), autre satire senti