Camille redouble
Un métrage, une image : Le Mépris (1963)
« C’est un film de Jean-Luc
Godard », aussi ce voyage en Italie inverse celui de Roberto Rossellini
(1954), propose un prologue à Pierrot le Fou (1965), adoube un
blason sans toison bientôt développé dans Une femme mariée (1964), quand sa
coda joue avec le souvenir du déjà italien et méta Quinze jours ailleurs
(Minnelli, 1962). Bardot & Piccoli remplacent Bergman & Sanders, Michel
en Marat s’amuse à singer le Dean Martin de Some Came Running
(Minnelli, 1958), le couple plein d’entourloupe va voir au ciné le premier opus précité, Camille & Prokosch, in extremis et de manière moche, se
cassent et s’encastrent au milieu d’un camion-citerne, accident de gisant
annonçant Week-end (1967). Lang & Palance, Moravia & Homère,
Delerue & Celentano, Ponti + la piaule de Malaparte, même de Demy un caméo en
cabine de projo : tout ceci fait beaucoup, peut-être trop, la caméra de
Coutard caresse des fesses et le reste, navigue en travelling, surcadre en Scope des statues, des amants, un
appartement. Le producteur (a)mateur s’esclaffe face à une dénudée ondine sur
film, transforme en frisbee la boîte
de bobine, tandis que derrière lui s’avise une citation célèbre, ironique et
traduite, de Louis Lumière. Dépourvu d’avenir, le cinéma, surtout du côté de
Cinecittà ? Les dieux s’en
fichent, plus ils n’existent, une demi-heure d’attente incrédule et inclémente,
ruse risible de trafic prophétique, suffit à susciter le mépris. Méprise ou pas,
Camille ne décolère, se livre à une scène de ménage assez interminable, en
dépit de l’utilisation remarquée, remarquable, de l’espace, en compagnie du
piètre Paul, son meilleur ennemi, scénariste et dramaturge de mari, finalement
endormi, dommage pour le mot d’adieu, en effet définitif, le revolver vénère, débarrassé de ses
balles. L’époux relou pelote une assistante guère insistante, traductrice
complice, parcourt un bouquin d’art aux illustrations d’antique lupanar, de
quoi lui donner des idées à défaut de la clé de l’opaque féminité côtoyée, de
plus en plus séparée. On parle et in fine
on se tait, « silenzio » d’équipe technique, de mer immense, pas
encore de rimbaldienne éternité retrouvée via
Belmondo & Karina. On philosophe, on s’apostrophe, on feuillette une
monographie sur Fritz, on change de perruque, point d’attitude, on se
gifle, s’excuse, file à Capri, où l’on continue et l’on finit, Hervé Vilard
valide. On se détermine ou déchire à propos de l’infidélité supposée du
cosmopolite Ulysse, l’entreprise cinématographique elle-même représentée en
tour de Babel pas très consensuelle, rassemblement d’un instant, presque à leur
corps défendant et bronzant, série noire pas (dé)placée au hasard, de « naufragés
du monde occidental » en quête d’un « mystère absent », disait à peu
près le désormais décédé JLG. Si « Roméo » meurt au volant de l’Alfa
homonyme, rouge sang et sportive, Cocinor arbore trois couleurs reconnaissables,
maniées dès la mise à nu du prélude, au cours duquel Paul confirme à Camille
qu’il l’aime « totalement, tendrement et tragiquement », malgré la
disparition au sein de la solaire et désenchantée modernité des divinités un
doigt ridicules et remodelées. Parmi Le Mépris approximatif et précis, Vivre
sa vie (1962) devient Questa è la mia vita, cf. l’affiche
d’Anna. Bébé mal rasé doté d’un dinosaure en or, le surcinéaste ne méprise ni
ne passionne personne, à part l’épicier décomplexé, histrion de teatro ou
studio désaffecté, ensoleillé, muni de mementos moins sages que rigolos. La tempête
des êtres répond au divorce d’avec le monde, sa « réalité » de facto, sa « vérité » a contrario de celle de Clouzot (1960). Le
crash n’arrête le tournage, un chèque
achète, le désir se dissipe, l’écran fait écran.
Isabelle Huppert on Jean-Luc Godard
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=hqEdM_uWzO4
La Séquence de la fleur de papier, Film de Pier Paolo Pasolini, 1967.
http://derives.tv/la-sequence-de-la-fleur-de-papier/
https://www.youtube.com/watch?v=VA22xAtVIDs
Supprimerhttp://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2022/09/le-sang-des-innocents.html