La messe est finie
Un métrage, une image : La Communion (2019)
La soutane fait le curé, en Pologne
en particulier, où le fait divers à faire un film sert, co-financé par le CNC,
économique et critique succès. Si les voies du Seigneur, ici ou ailleurs, paraissent
impénétrables, le délinquant Daniel, d’abord guetteur, buveur et baiseur,
ensuite aussitôt menteur, de discorde semeur, dont on découvrira qu’en outre il
tua, sorte de démenti ambulant aux Dix Commandements, parvient à pénétrer par
derrière une étudiante en psycho illico,
un rail de came, deux questions de la dame, à pénétrer à l’intérieur des esprits, des corps, des cœurs,
des rancœurs, d’une petite communauté au milieu de la ruralité. Le bois ne se
soucie cette fois de croix, censé réinsérer au grand air des pensionnaires d’un
centre éducatif fermé accessible au clergé, à sa psychothérapie ecclésiastique
et cathartique d’hormones et de hurlements chargée, parmi lesquels, mauvaise
surprise, reconnaître à l’occasion d’une quasi
communiste bénédiction d’inauguration un judas papa. Démuni de séminaire, car
muni d’un casier judiciaire, notre Accattone de Pologne croise donc la
collective déroute provoquée par un accident de la route. Le prédécesseur
alcoolisé au pied levé remplacé, l’imposteur confesseur écoute une culpabilité
partagée, aux lettres anonymes dignes du Corbeau (1943) de Clouzot, cartographie
l’enfer du pseudo-paradis vert, à mère maltraitante et fumeuse malheureuse, à
(bonne) sœur amoureuse, émouvante chanteuse in
extremis voyageuse, à maire propriétaire
de menuiserie, menaçant en sourdine. Sa nénémis dédoublée, Bonus de malus,
véritable père Tomasz, finira par l’y retrouver, à ses démons le ramener. Mis à
nu, au propre plus qu’au figuré, face à des croyants divisés sur le point de se
réconcilier, revenu, Daniel dérouille et rend la pareille, en sus baiser
presque mortel, coups de tête dantesques, à rendre risible celui du zélé
Zidane, son meilleur ennemi de mélodrame masculin avec larmes le libère, le
rend au dehors, à la lumière, avant qu’un arrêt sur image, sur ensanglanté
visage, ne vienne mettre un terme de fin ouverte au chemin de croix de l’altruiste
« rock star ». Jan Komasa enseigne le cinéma, sait manier une caméra,
cadre au cordeau, flanqué d’un dirlo photo à l’éclairage désaturé, au pedigree consacré, à défaut de sacré,
puisque fils du fameux et décédé prématuré Piotr Sobociński, le DP du Décalogue
et de Trois Couleurs : Rouge (Kieślowski, 1994), n’utilise le
vrai-faux plan-séquence à outrance, seulement pendant le prologue et l’épilogue,
modèles stimulants, jamais complaisants, de représentation de la violence.
Surtout, il magnifie le magnétique Bartosz Bielenia, christ de pacotille et
orateur majeur, incarnation d’exception d’un Corpus Christi
de titre d’origine, tandis que l’intitulé français souligne la dimension de
solidarité. Au centre d’un casting
choral irréprochable, le pas même trentenaire, angélique Lucifer aux faux airs
de Walken Christopher, confère à la parabole morale et sociétale son impure
pureté, sa « souillée » sincérité, sa malveillante bienveillance. Au
creux de La Communion, les contrastes se lestent de grâce, on copule
sous des icônes, on transforme une moto en brasero, le pardon comporte la
rédemption et l’expiation. Entre ironie et sacristie, l’item cinématographique se fiche du pensum prosélyte, lui préfère une dualité laïque, ontologique, une
tendresse aussi douloureuse et complexe que l’absence de cercueil ou les dons
du deuil, qu’une inconnue à l’agonie, tu ne mourras, si.
Commentaires
Enregistrer un commentaire