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Affichage des articles du février, 2015

Des nouilles aux haricots noirs : Le Dernier Rivage

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Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Lee Hey-jun. « La mort peut attendre » philosophe à voix haute le héros sous sa cravate rose de cadre endetté, ici nouée à un arbre pour se pendre – en effet, et cette œuvre ouverte sur un suicide va finalement s’avérer un retour à la vie, le voyage immobile, souvent drolatique et parfois désespéré, vers une renaissance placée sous le signe de l’amour. Entre ces deux naufragés plus ou moins volontaires (qui dit Nicolas Roeg ?), à peine séparés par quelques kilomètres d’eau et autant de brasses impossibles à effectuer pour notre Robinson traumatisé dans son enfance, planté là sur son île face à l’Assemblée nationale (!), une correspondance artisanale et numérique, dans la lingua franca de l’anglais, va s’établir à l’imprévu (voire selon le destin amoureux), mots tracés sur le sable ou imprimés sur la blancheur timide et ouverte à tous les possibles d’un feuillet d’ordinateur. Cette hikikomori (équivalent local de l’ otaku

La Traversée du temps : Irréversible

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Si le futur était entre vos mains, le changeriez-vous ?  se demandait Cronenberg (ou plutôt l’affiche française de son film) au temps de Dead Zone … Une fille, deux garçons : le quatrième long métrage de Mamoru Hosoda, dont nous vantions récemment le magistral Les Enfants loups, Ame et Yuki , débute à l’instar d’un Jules et Jim adolescent, entre baseball, vie quotidienne au lycée, éternel été (Camus) des grandes vacances quand, soudain, la découverte de son pouvoir temporel par l’héroïne vient chambouler cette routine un rien nostalgique ; elle en profite pour se goinfrer de flans, obtenir d’excellentes notes en un temps record, tandis que les autres élèves s’échinent à suer sur leurs copies de maths , chanter sans se lasser dans un karaoké rayé (tel un disque) – autant de petits plaisirs innocents, croit-elle, de joies itératives assumées face à sa « tatie sorcière », grande brune restauratrice d’art aux faux airs d’Amélie Nothomb (en beaucoup mieux , certes). Mais bien sûr

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon : Le Faux Coupable

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Suite à sa diffusion par France 3, retour sur le titre d’Elio Petri. « Comment tu vas me tuer, aujourd’hui ? » demande en souriant Florinda Bolkan, longiligne papillon noir, à son amant tout vêtu de blanc, le gominé Gian Maria Volontè. « Je vais te trancher la gorge… » lui promet-il à voix basse, tendue – et il le fait , réalisant pour de bon le jeu SM inspiré par les faits divers forcément « sordides » : bientôt, la femme qui le chevauchait entre des draps d’ébène s’effondre avec lenteur, dans un râle d’extase et d’agonie. Cette mort orgasmique se déroule dans l’appartement très scénique, aux arches quasi religieuses, d’un immeuble cossu , sis juste en face du palais de justice municipal et Petri, scénariste des Monstres pour Risi, réussit avec brio l’ouverture tétanisante de son film, le « héros » monstrueux , justement, vu de dos dans la rue, se retournant pour nous adresser un regard complice, sur la musique sardonique de Morricone. Nous voici dans les pas d’un charmant

Rescue Dawn : Voyage au bout de l’enfer

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Suite à sa diffusion par NRJ 12, retour sur le titre de Werner Herzog.     Si l’on ne devait garder qu’une image, une seule – telle la balle fatale tirée par Walken pour Cimino – de ce film rare de Werner Herzog, qui ne connut pas même les honneurs d’une distribution française (quand notre pays, bien desservi par ses ridicules ministres de la Culture, sans parler du CNC ni des exploitants , passe pour l’inventeur du « septième art »), on choisirait le beau sourire radieux de l’amaigri et impeccable Christian Bale, fil rouge de vie dénoué à la façon du Petit Poucet tout au long de son enfer vert , parmi les méandres d’une jungle carcérale autrefois surplombée dans son engin de mort, à contempler la beauté scandaleuse du spectacle de la guerre, mais sans écouter du Wagner, à la différence des bouchers shootés de Coppola. Herzog, avec habileté, abandonne très vite le terrain glissant et obscène de l’emphase, de la grandiloquence, de l’ icône , afin de faire choir son Icare te

Voyage en Italie : Souvenirs symboliques de la singulière Mimsy Farmer

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Le portrait impressionniste, subjectif, kaléidoscopique (ou syncopé comme du jazz ) d’une actrice à redécouvrir… Double signe linguistique, ludique et psychotique, en forme de prédestination d’une persona  : elle doit son surnom/prénom exotique – Merle pour l’état civil, telle Miss Oberon – au célèbre Jabberwocky de Lewis Carroll, paru dans De l’autre côté du miroir (des fantômes) et son patronyme résonne avec celui d’une actrice internée, Frances Farmer, qu’incarna jadis, dans un biopic méconnu à revoir (au moins pour le beau thème de John Barry) la bien nommée Jessica Lange ; signalons au passage que ce nom servit de pseudonyme à une chanteuse française connue et cinéphile, autrefois désenchantée façon David Lean, elle-même née Gautier (Dumas fils ?)… Un peu d’archéologie, voire de nécrophilie : elle nous semble, jusqu’à un certain point, le chaînon manquant entre Grace Kelly (mue incomplète pour cause de mariage en principauté de carton-pâte), Jean Seberg (« Qu’est-

The Big Man : Fight Club

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Entrez ici en laissant toute espérance, pour citer Dante : pas de cape méphistophélique ni de pacte « sanguin » à signer, mais l’enjeu, dans cette belle découverte venue d’Écosse, se situe pourtant bien au niveau de l’âme et du corps en souffrance, dans un monde diabolique et bressonien régi par l’argent – qui donc pour nous sauver de cet enfer dressé par nos soins, sinon nous-mêmes ?   La noce, hélas – pluie de pétales opales et roses, coiffures improbables, surtout pour les messieurs, laïus drolatique attristant les beaux-parents de la brune bru rayonnante dans sa robe trop blanche – se voit contaminée par une grève de mineurs (jamais le temps d’être heureux, jamais le temps d’aimer, seulement celui de mourir) : dans un parc où quelques gamins jouent au ballon, des centaures armés apparaissent, presque oniriques, et se dressent les pancartes aux slogans répétés, volent les lourds pavés en direction de la police sans nom et sans visage, avant la charge des hommes en noi