Articles

Affichage des articles du août, 2015

Mirage de la vie : Le Corps filmé

Image
Au cinéma, contrairement au théâtre ou à la danse, le corps n’existe plus : seul apparaît le souvenir de sa représentation. Dans une forme délibérément associative, voici sept incarnations de ces fantômes dédoublés, autant de manières de filmer la chair, triste ou gaie… Le corps fracassé Masochisme de la protohistoire, des chutes sur le bitume et des tartes à la crème, du coup de bâton ( slapstick ), policier ou non. Chaplin et l’échelle des émotions : le plan d’ensemble d’un homme qui tombe fait rire, alors que le gros plan dévoile sa douleur et provoque l’apitoiement. Harold Lloyd en collectionneur de pin-up , Laurel & Hardy en duettistes assez gay , Keaton et sa face tragique de persona . Un mécano méta de la General : le train en métaphore du cinéma et du corps, lancé à toute vitesse dans le décor des silent et silly comédies (ou symphonies). Projectiles humains lancés du haut des toits, pendus à une horloge, fichés dans l’œil de la Lune. Caoutchouc des figurine

Heimat : Le Village

Image
Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre d’Edgar Reitz. Chronique d’un rêve , avertit le sous-titre de la première partie, mais autant d’une communauté, d’une époque de changements, près de cinquante ans après la Révolution française, d’un désir immortel et irrépressible, transformé désormais en problématique migratoire : aller ailleurs, quitter sa patrie et son état d’esprit, se réinventer dans une utopie. Notre Marius de Rhénanie fantasme sur le Brésil, où Zweig ira se suicider, où moult nazis iront couler en toute impunité une retraite ensoleillée (et se livrer à leurs dadas eugénistes pour Schaffner dans Ces garçons qui venaient du Brésil ). Tandis qu’il se tient sur une éminence rocheuse à l’orée d’une forêt, caricature du romantisme pictural allemand ( Le Voyageur contemplant une mer de nuages signé Caspar David Friedrich), un convoi passe au loin sous ses yeux, métonymie de l’hémorragie, présage de cet Exode accompli par sa famille dans le second volet du

L’Enfant miroir : Les Damnés

Image
Dans Shining , un « enfant-lumière » voyait les morts ; dix ans plus tard, dans The Reflecting Skin , un « enfant-miroir » regarde les vivants… Sous le soleil de Satan, un enfant de neuf ans, tout sauf innocent, découvre le Mal. Seth [1] , prénom biblique donné au scientifique mutant de La Mouche , vit dans le Grand Nulle Part de l’Idaho, réinventé par l’anglais Philip Ridley en Americana d’Alberta au Canada. Son père, Luke, taciturne et soumis, tient une station-service en déshérence et se repaît d’histoires de vampires de quatre sous ; sa mère, Ruth, sèche et cassante, passe son temps à maudire l’odeur de l’essence qu’elle sent partout et à attendre le retour d’un aîné adoré, parti faire la guerre dans le Pacifique, dont l’image trône sur un buffet devant le drapeau US pendu au mur (elle voudrait poser sa main sur le bras du bambin mais il se dérobe). La fable s’ouvre sur un cas banal de maltraitance animale : une grenouille, sa panse monstrueusement gonflée par le gamin