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Affichage des articles du mai, 2020

Le Voleur de Bagdad : Le Prince oublié

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Raoul Walsh. Raoul Walsh n’est pas quelqu’un dont nous avons envie de parler au passé. Jean-Patrick Manchette D’emblée didactique, doté d’une délectable direction artistique, Le Voleur de Bagdad (Raoul Walsh, 1924) s’avère en sus un ouvrage exotique, un opus politique. Il commence comme Fog (John Carpenter, 1980), c’est-à-dire par une mise en abyme de la situation du spectateur, gamin guère gredin, auquel un immaculé imam destine un conte moral, le film lui-même, dont le résumé s’inscrit sur un ciel étoilé, à l’instar d’une leçon de vie sur un tableau noir d’écolier. Le bonheur, ça se mérite, ça nécessite une « poursuite », étasunienne caractéristique, aimant d’immigrants, chez Charlie Chaplin, Elia Kazan ou James Gray, allez. Souple et espiègle, le détrousseur charmeur écoute son cœur, en repenti se convertit, ressemble à Persée, Siegfried ou Ulysse, délocalisés en Irak. Pour sa princesse à prophét

Evil Baby : Elle voit des nains partout !

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Pardonner les parturientes, se délivrer de leurs ventres… « Ne me tue pas ! Je suis ta mère ! » : à nouveau, comme souvent, le sublime s’associe au risible, et inversement. Piloté en mode automatique par Peter Sasdy, jadis prouvé plus inspiré, cf. La Fille de Jack l’Éventreur (1971), fracassé par la critique locale en dépit du « plaisir coupable » post -moderne, Evil Baby , aka I Don’t Want to Be Born , The Devil Within Her , The Monster et même Sharon’s Baby , une pensée d’épicier pour le tandem Tate & Polanski, mérite néanmoins un article. Il s’agit, en résumé, d’un conte de culpabilité, d’une parabole puritaine, d’un bibelot britannique, aussi sérieux que tongue-in-cheek . Ex -effeuilleuse, la svelte Lucy épouse un Italien nanti, of course catholique, dont la sœur, scientifique, s’avère en sus... une bonne sœur, Seigneur. Après une naissance au forceps, la mère amère, détestant sa belle-mère, s’aperçoit fissa, jusque dans sa chair, que quelque chose ne va pas, ave

Paterson : Speed

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jim Jarmusch. La « petite musique » de Jim, on commence à la (re)connaître, presque à la trouver suspecte, on aimerait juste que Jarmusch, au moins une fois dans sa filmographie, prenne des risques, please . Après le plantage de l’à peine supportable Only Lovers Left Alive (2013), où le cinéaste mélomane ressemblait à un ersatz d’Anne Rice, (re)voici une chronique impressionniste, dont la torpeur impénitente, sinon impertinente, surtout en période de précipitation, cinématographique ou non, s’impose dès le premier plan, plongée d’aplomb sur les amants endormis. Au cours de sept jours, mon amour, en fin de semaine, Dieu se repose aussi, tant mieux pour Lui, on assiste par conséquent, cent dix minutes durant, à la routine répétitive d’un chauffeur d’autobus – classique, pas « articulé », tant pis – incarné par le bien nommé Adam Driver. L’admirateur de William Carlos Williams vit dans la ville homonyme de son pa

Les Griffes de la nuit : Sur la transformation de La Féline

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Sa « souris » ne lui sourit, le surplombe au-dessus de sa tombe… D’une métamorphose à la suivante : après Le Loup-garou de Londres (John Landis, 1981) et avant The Thing (John Carpenter, 1982), (re)voici Nastassja Kinski, protéiforme héroïne de La Féline (Paul Schrader, 1982). Du cinéaste/scénariste/essayiste, on sait l’admiration pour Bresson ; on la visualise ici, pas seulement via l’image infra , reproduisant la rencontre pénitentiaire, salutaire, de Pickpocket (Robert Bresson, 1959), d’ailleurs déjà digérée par la coda de  American Gigolo (Schrader, 1980). Tandis que Landis & Carpenter, escortés par Rick Baker & Rob Bottin, choisissaient le show off , assumaient une merveilleuse monstruosité, Schrader reste à distance, en retrait, retrouve Lewton & Tourneur par une voie détournée, disons a contrario de la doxa critique. Certes, on passe aussi, leçon de la pornographie, désormais domestique, virus privé des « films de fesse » en VHS, de l’apercevoir au

Zombiphosate : La Belle Équipe

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Une réponse à une proposition, dédiée à un opus paradoxal… Ce qui rend un orchestre émouvant ? Son harmonie, pardi, ensemble de singularités à l’unisson, marche commune et non « marché commun ». Alors que la solitude caractérise l’écriture, le cinéma relève de la multitude, dommage pour les amateurs d’auteurisme. Tout ceci contredit le récit et en constitue quand même le cœur. Dans Zombiphosate (Joe Buso & Paul Lannelongue, 2019), quatre amis à demi décident de s’aérer en forêt, au creux du calme et de la tranquillité, croient-ils. « Ça me dévore, l’hôpital » avoue la conductrice complice, a priori entichée de son passager, réplique ironique, qui parlera, n’en doutons pas, au personnel soignant, notamment de notre temps, avant, pendant et après le fameux « confinement ». Si Monsieur Macron découvrit à cette occasion leurs anciennes réclamations, fit leur éloge morose, petit exercice médiatique de démagogie pas jolie, les aventuriers précités fissa se confrontent à un t

La Belle Noiseuse : Copie conforme

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  « Marianne, c’est moi » mais Michel ne joue Jacques… Une pensée pour Audrey habillée « What do you expect? » demande, dès le début, la voisine de table estivale. Qu’attendre de Rivette, critique cynique, mec guère « abject », quoique, le pauvre Pontecorvo de Kapò (1960) dut s’en mordre les doigts, de son fameux plan maladroit. Et le projet de passer quatre heures en compagnie d’Emmanuelle Béart, dénudée en modèle pas un brin bressonien, nous excitait peu, avouons-le. Pourtant, contrairement au replay , par exemple celui du site d’ARTE, le streaming autorise l’avance rapide – attention, SVP, à l’introduction tronquée, taillée (ne touchez pas) à la hache, hélas. Et l’envie de revoir en vie le précieux Michel Piccoli , à peine refroidi, nous convainquit. Nous voici donc « embarqué », comme Marianne miroitée, dans ce qui ressemble, a priori , à un ersatz des « chimères » du cher Éric Rohmer. Fausse piste, de salle liminaire, puisque le bavardage, le marivaudage, n’intéres

Harmonium : Hospitalité

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Kōji Fukada. Lent et long, Harmonium (Kōji Fukada, 2016) mérite quand même un court article rapide. Financé avec de l’argent français, filmé en trois semaines selon une économie de récit, de dramaturgie, de psychologie toute nippone, coupé au mitan par le sang d’une enfant, mystérieuse victime en robe rouge, il passe du thriller domestique au mélodrame maternel. Comme jadis chez Mizoguchi, tant pis pour les filles féroces de Ring (Hideo Nakata, 1998) ou Audition (Takashi Miike, 1999), revoici des femmes flouées, handicapées au propre, au figuré, à cause d’hommes minables, complices mutiques, faussement amnésiques, de l’irréversible. Conte de culpabilité démultipliée, de disharmonie généralisée, jouée à six, Harmonium se termine sur un pont, en illustration littérale de son titre original : quand on se tient au bord du gouffre, de l’abîme nietzschéen, on finit par y tomber, merci au suicide tout sauf serein

Le Corsaire noir : Sympathie pour le diable

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Sergio Sollima. Un film de flibustiers, inoffensif, pour enfants ? Un item politique, au filigrane fantastique, aux tonalités tragiques et drolatiques. En partie porté par l’impeccable Kabir Bedi ( Octopussy , John Glen 1983 ; La Bête de guerre , Kevin Reynolds, 1988), quasi converti, Le Corsaire noir (Sergio Sollima, 1976) s’avère aussi un divertissement in fine euphorisant, où trois femmes fréquentables ne font pas tapisserie, Dieu du ciné des seventies et Déesse du MLF merci. Dès le début, presque en forme de snuff movie à la Scarface (Brian De Palma, 1983), pont de longue-vue, aux pauvres et multiples pendus, « fruits étranges » de saison, à la François Villon, le métrage se place sous le signe d’un réalisme transalpin, européen, inaccessible à l’esprit américain, a fortiori selon cette imagerie pas si jolie, point infantile, enfin. Récit de fraternité individuelle, endeuillée, puis élargie, capabl