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Affichage des articles du octobre, 2016

Mephisto : The Mask

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Être ou ne pas être – un salaud : question essentielle, intemporelle, à laquelle il convient de répondre sans manichéisme ni nostalgie…  « L’acteur est un masque parmi les hommes » : l’aphorisme prononcé par le protagoniste le définit, le résume, souligne son vide ontologique et sa dialectique sociale. Tel Descartes, Hendrick Hoefgen s’avance masqué – l’ultime Kubrick de Eyes Wide Shut retravaillera la béance déguisée – dans les cercles ici infernaux du pouvoir, trace sa route de reniement vers les sommets au sein de la sinistre comédie sociale, refuse une inutile liberté pour mieux s’enfoncer dans l’Enfer du métropolitain parisien, briller d’un masque livide à la Klaus Nomi – sa deuxième femme arborera une parure cosmétique identique – au milieu du royaume des ombres aux flambeaux. Bien sûr, il danse – sa vie, dirait Nietzsche – sur un fil, en équilibre difficile entre l’héroïsme ponctuel et la lâcheté constante, consciente d’elle-même, éclairée par le projecteur de l’égoce

Les Aventuriers de l’arche perdue

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Décalogue, divorce, documentaires, « documenteurs », « cinéma-vérité », vérités ou mensonges, alliance et résistance… Le documentaire présuppose une réalité à documenter. Il prône volontiers l’objectivité ou, selon la formule lapidaire et visionnaire de Vigo, le déploiement d’un « point de vue documenté ». La subjectivité, peut-être, le récit, pourquoi pas, mais non à la fiction, à la représentation – tout se passe en témoignage, en instant « saisi sur le vif », en « moment(s) de vérité » à savourer sans acteurs, sans scénario, sans autre filtre que la transparence du réel présenté dans son immédiateté, sa vraie véracité tautologique. Le procès-verbal rejoint le processus de « captation » et s’incarne en lui ; la mimesis s’efface devant la praxis. Les real people réclamés par Cassavetes s’expriment face à la caméra, nous regardent à travers elle directement dans les yeux, abattent allègrement un « quatrième mur » inexistant. Les Cathares croyaient le monde à l’image du Diab

Tarakanova : Princess Bride

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Fin du coffret, de la rêverie éveillée, des envies d’une autre vie… Nous voici, dans une satisfaisante copie, granuleuse et onctueuse, au bord du cinéma parlant : on entendra des sabots de chevaux, des tambours martiaux, des cris de victime en train d’être écartelée ; mais un son domine, surpasse tous les autres, introduit et conclut l’œuvre : le glas. Après un écran noir, déjà endeuillé, d’une minute et trente secondes, rempli par la construction savante et ascendante des mesures de Boris Godounov , ouverture cinématographique de prestige, nous indique un carton de Gaumont, après le visage dédoublé d’Édith Jehanne en suspens au cœur des ténèbres, l’actrice éphémère magnifiée par l’obscure lumière de Jules Kruger, un fidèle des classiques de Duvivier, le film débute par un enterrement à la Tarkovski ou à la Welles grimé en maure shakespearien, celui du jeune Ivan VI, menace envolée, occise, pour le trône de Catherine. Raymond Bernard situe le cérémonial dans un couvent – et

Le Joueur d’échecs : Sweet Sixteen

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Récit impressionniste d’un visionnage nécrophage… Un film foutrement funèbre. Un film d’ombres chinoises, de masques sociaux, de mécanismes amoureux. Un film qui réfléchit et inverse, parfait miroir infidèle, la précédente aventure lupine. Un film de chambre, pas vraiment à coucher, plutôt mortuaire. Un film sur le roman national de la Pologne russifiée, sur une héroïne nationaliste bien peu, au final, nationale, sur une volonté d’indépendance et une immense déception, justes intitulés des deux parties. Un film endeuillé, d’asphyxie, de compartiment où se loger comme au tombeau, ses jambes brisées par la bataille perdue, son cœur cassé par une romance un brin incestueuse. Un film d’amis et de pères, les premiers fraternels, les seconds truqueurs mais pas truqués. Un film à la Beaumarchais, à la Bergman, à la Descartes ou à la Poe, amateurs fameux d’automates. Un film sur l’enlisement de l’élan, sur le patriotisme expressionniste, sur le fantastique des mannequins sereins. Un

Le Miracle des loups : Ne touchez pas à la hache

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Un film français muet du siècle dernier, d’une durée de cent trente minutes et mis en musique ? Il en faudrait bien davantage pour nous effrayer… Premier volume d’un pertinent coffret Gaumont paru en 2012 qui en comprend trois – plus un quatrième disque dédié à des suppléments un brin superflus –, Le Miracle des loups s’avère une très plaisante surprise, sans doute appréciée aussi par une Hélène Grimaud, quoique, les protagonistes à quatre pattes issus de la ménagerie du cirque Amar ou dressés en liberté surveillée aérée, suivant les sources. Bien servi, sinon ressuscité, par une restauration assez exemplaire – seyantes teintures en bleu et rouge pour les passages nocturnes, « embrasés » ou crépusculaires –, cette « fiction romanesque, encadrée d’un décor exact », ainsi que la résume avec justesse un carton liminaire, nous permet de suivre le duel fraternel – rivalités de cousins supposés consanguins – entre Louis XI et Charles le Téméraire, sis au milieu du quinzième siècle

Du sang pour Dracula : Le fond de l’air est rouge

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Suite et fin – provisoire – en beauté « pieuse », plutôt en forme de pieu, élégante et terrassante, de l’horreur merveilleuse made in Morrissey…  Même équipe, nouveau mythe, persistance dans le changement – relecture d’une fameuse maxime du Guépard , d’un célèbre slogan pompidolien : Du sang pour Dracula existe en soi mais s’enrichit, s’élargit, dans le miroir infidèle et matriciel de Chair pour Frankenstein . Le film s’ouvre d’ailleurs sur cet objet, qui reviendra ensuite, pour flatter le narcissisme machiste du valet marxiste, par une superbe scène mélancolique et méta. Le comte, toujours incarné, au plus près du corps en souffrance, en demande, par un Udo Kier impérial, amaigri, terrible et fragile, antique et puéril, capable de faire vivre à sa mémorable façon deux figures majeures de l’imagerie fantastico-horrifique, un exploit encore assez peu souligné, célébré, se maquille et se teint les cheveux, pauvre vieillard malade sur le point de disparaître, déjà disparu, en