What a Feeling
La femme infâme, l’homme de maldonne, les gamins guère sereins…
L’an suivant, le disque de Reed en
possédera cinquante ; le redécouvrir aujourd’hui équivaut à s’avérer à nouveau
séduit, voire sidéré, via son
indépendante radicalité, sa sombre beauté, son exigeante complexité. Certes
exécuté par une certaine critique américaine, cependant certifié par les interprofessionnels industriels anglais, ainsi pas si maudit, en dépit d’un insuccès
d’épicier, Berlin brille et illumine d’une lumière de ténèbres, manie la
stimulante déprime de Jim, se termine de manière presque impossible, mantra
épique de distance, sinon de renaissance, ironique, « chanson triste » tout
sauf défaitiste. Plus proche de Pialat & Żuławski, ceux de Nous
ne vieillirons pas ensemble (1972) puis Possession (1981), que
des Gainsbourg & Birkin (ou Bardot) de Je t’aime… moi non plus, ce
mélodrame littéral, narré au moyen d’une acrimonieuse et jamais miséricordieuse
perspective masculine, doté de motifs explicites multiples, dont on s’étonne
encore qu’ils ne défrisèrent les déjà vénères, munies de misandres ornières,
féministes de jadis, a fortiori
celles de notre médiocre modernité idem
divisée, s’affirme à la fois atmosphérique et mélodique. En dix morceaux, pas
un de moins, pas un de trop, Reed chronique une débâcle domestique, portraiture
un couple d’entourloupe, interprète un mec amer, à la main leste, une « salope »
portée sur la dope et suicidaire, ce
qu’il en reste. Le récit a posteriori
d’une double séparation aux allures d’oraison, entre les amants, la mère et
leurs enfants, ne pouvait se dérouler ailleurs qu’au milieu du miroité malheur
d’une capitale écartelée, d’un présent et d’un passé sinistres lestée. Opus poétique et politique, Berlin
démolit en sourdine les mirages de l’amour et sa désillusion concerne aussi l’idéologie,
car le monologue s’y moque même en catimini du manichéisme, du marxisme. Reed
recycle du matériel parfois confidentiel, le rend intense et le transcende, ses
paroles lapidaires et sa voix de survivant escortées de la sorcellerie sonore
de Bob Erzin, arrangeur et producteur majeur ici, Canadien à l’écart de l’aura du rusé Bowie, le couturier
co-accoucheur avec Mick Ronson du carton de Transformer. Alors que Lulu,
vrai-faux reflet concocté en compagnie des gros gars de Metallica, sentira la
sueur, le sang et le sperme, en mode hardcore
d’après Alban Berg, ressuscitera l’outrageante imagerie d’une fantasmatique
Germanie, Berlin déploie pendant dix stations d’un mémorable chemin de
croix la douceur et la splendeur du désastre, se verra sur scène illustré selon
de dispensables saynètes, commises en tandem
par Schnabel & Seigner, ensuite itou réunis à l’occasion du
similaire Le Scaphandre et le Papillon (2007), passons. La Caroline de Berlin
mesure un mètre soixante-dix-huit, ses ami(e)s la surnomme Alaska, on songe illico à
Nico. Fantôme d’un album en forme de tombeau, Eurydice en
ersatz de Billie (Holiday, olé), davantage Sweet Jane que Coney Island Baby,
elle obsède le témoin malsain, tel un soleil noir de prosaïque désespoir, cœur
révélateur d’une confession en musique à demi autobiographique, en totalité
narrative et constamment immersive. L’extase et l’agonie, l’enfer et le
paradis, Reed s’y trouvait, s’y retrouvait, à l’instar de Dante, il croqua la
pomme empoisonnée, apaisée, d’une seconde métropole (New York), il sut saisir la délicatesse de la magie des moments
éphémères et de la perte des êtres chers (Magic and Loss), se souvenir,
modèle de dérision et d’émotion, du mentor Warhol (Songs for Drella et donc Cale), dire
merde durant l’inaudible Metal Machine Music, (se) planter,
pas supplanter, l’increvable Corbeau de Poe (The Raven). Rien
néanmoins n’égale le haut niveau de Berlin, chef-d’œuvre à chérir, asphyxie d’ecstasy, tumulte adulte suprême et
superbe, Lou(p) jaloux.
Un ami de jeunesse de par sa belle figure d'androgyne avait réussi à faire partie de l'entourage assez extensif , variable des compères amis de Lou Reed et Andy Warhol, ce dans les années 1980 et son témoignage de vécu assez précis pourrait se résumer à trois motifs,
RépondreSupprimerl'attirance des "deux maîtres de cérémonie " pour le côté androgyne,
la fascination pour les transexuels,
et ce côté très "Mallarmé" avec cette devise "la destruction fut ma Béatrice"...
Comme tout témoignage, ceci n'est qu'un reflet d'une vérité multiple, ce copain est ressorti totalement fantomatique de l'expérience que les deux compères renouvelaient à chaque
rencontre qui les touchait et c'est peut-être là que ce trouvait une sorte de "trou noir source d'énergie," allez savoir, ce qui est un trait de caractère particulier à certains officiants dans le domaine artistique et qui s'ajoute au talent créatif parfois sans mélange parfois avec.
LOU REED POE-try in the news, authentique dans son questionnement via l'oeuvre de Poe :
https://www.youtube.com/watch?v=0sieUMNpbFE
https://www.theatre-odeon.eu/fr/2000-2001/spectacles/poetry
La "perversité" de Poe, souvent mécomprise, davantage compulsion que sadisme, pas celle de Reed, ni d'ailleurs de Mylène Farmer...
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=Y0sss2PfUoE