Le Débarquement au cinéma : Les Conquérants
06/06/1944 – « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Si, si, des paras, des soldats, une certaine idée du cinéma !
De cet album mémoriel, commémoratif, amnésique – rien, absolument rien,
sur le second débarquement, culturel, cinématographique, sociétal, comme si les
accords Blum-Byrnes de 1946 sur la distribution ne signifiaient rien, comme si
les « US, go home ! » proférés une trentaine d’années après,
ailleurs et au pays libéré, pas vainqueur, guère résistant, un chouïa
culpabilisant, malgré la doxa gaulliste, des colonies, de Vichy (de son
« syndrome », clôt en coda l’inévitable Marc Ferro), de la guerre
d’Algérie, restaient sans portée, sans actualité –, sympathique et anecdotique,
bien et plaisamment illustré (« photos inédites de La
Grande Vadrouille » claironne la couverture cartonnée, vérité avérée
puisque Danièle Thompson se fend de quelques tirages en noir et blanc de sa personnelle
collection), on choisira de retenir, plutôt que les « suspects habituels »,
deux ou trois curiosités de saison (« 1944-2014 : 70 ans de liberté »
assure une pastille bleue à côté du logo
rouge et blanc de l’éditeur Ouest-France).
Coordonné par Jean-Jacques Lerosier,
le court ouvrage (une centaine de pages) vite lu (nulle prétention à une
quelconque exhaustivité) propose en effet un riche florilège. Flanqués du Jour le plus long
(interminable reproduction dont l’historien Jean Quellien s’amuse à souligner
les évidentes inexactitudes, la « mémoire de pacotille » hélas
transmise de génération en génération), de La Septième Compagnie (série
sinistre de pantalonnades de planqués), de La Bataille du rail (la SNCF versus les SS, et tant pis pour les
convois toujours à l’heure et en bon état vers Auschwitz ou Treblinka), de Paris
brûle-t-il ? (reconstitution starifiée dont Boisset nous assure
qu’elle ne doit rien à Coppola ni à Gore Vidal mais tout à Marcel Moussy, le
scénariste méconnu des Quatre Cent Coups, on le croit sur
parole, sur son passé d’assistant de Clément), de Il faut sauver le soldat Ryan
(immersion de contrefaçon), de Patton (belle fresque déceptive et
portrait d’un taré des tanks), des Femmes
de l’ombre (Sophie Marceau en béret résiste, mal, au ridicule), du très
adulte et autobiographique Au-delà de la gloire (Fuller for ever), de Un singe en hiver
(ivresse intergénérationnelle surfaite, éventée), de la déambulation
œcuménique, révisionniste et inoffensive signée Gérard Oury (deux grands
acteurs ne font pas un grand film, sorry,
tea for two ou pas), on aimerait bien
découvrir un jour (le plus rapproché) le Far Away : Les Soldats de l’espoir
coréen, Le 6 juin à l’aube, documentaire écourté, archivé, de Grémillon, La
légion des damnés d’Umberto Lenzi (Palance en pleine vengeance), Le
Bataillon du ciel (Pierre Blanchar en présage de R. Lee Ermey dans une
sorte de Full Metal Jacket aérien), La Lune d’Omaha (téléfilm de Jean
Marboeuf avec les Cassel père et fils d’après une série noire anti-héroïque), La Vie
de château de Rappenau (Catherine Deneuve à croquer, Noiret en
prophétie soft du Vieux
Fusil). Sans oublier, un peu par perversité, ou surtout pour leurs
actrices, le Cinq jours en juin de Michel Legrand abandonné par Demy, secondé
par Sabine Azéma, robe légère d’été, offerte à la Colette dans le foin, ou le Mariage
de Lelouch (Bulle Ogier désenchantée).
Le lecteur trouvera encore des
articles consacrés à Band of Brothers (dispensable
démarquage télévisuel du Spielberg), aux Douze Salopards (Aldrich devient
riche), à La Percée d’Avranches (suite inutile du suprême Croix
de fer de Peckinpah, Coburn remplacé fissa par ce soulard admirable de
Burton), au Bal des maudits (O’Toole en Jack l’Éventreur aryen), à Vaillant
(Piaf again dans le sillage de Ryan,
et doublement), à l’amourette de Au sixième jour (Jules
et Jim à Omaha Beach, son of a
bitch), aux Misérables (Lelouch se prend pour Hugo, au secours !), au méconnu
(et teuton) Rommel (James Mason, naguère, s’y risqua, avec succès), au Mur
de l’Atlantique (film éprouvant pour Bourvil au bout du rouleau, à
peine sorti de la peau du commissaire Mattei de Melville, prisonnier de la
destinée du Cercle rouge) et une poignée de « brèves »
(trente-trois, martiales, pas christiques), parmi lesquelles recommander,
maudire (ou s’interroger sur) L’Ombre d’un géant (création
d’Israël et nuisette d’Angie Dickinson), Yanks de John Schlesinger (Richard
Gere, gentleman en uniforme, à défaut
d’être officier), L’Arme à l’œil (versée par Richard Marquand, auteur d’un
séducteur Psychose phase 3), L’Affaire Cicéron (Mason, à nouveau,
espion cette fois, et notre Danielle Darrieux nationale, que diable), Les
Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (Minnelli avant Eastwood), Arrêtez
les tambours (un Lautner rarissime et réputé, ouais, ouais), Apocalypse,
la Deuxième Guerre mondiale (storytelling
emphatique et colorisé), Les Jeux de l’amour et de la guerre
(Julie Andrews « américanisée », pacifiée, par Arthur Hiller, le
criminel lacrymal de Love Story), Les Vainqueurs de Carl
Foreman (ce coco, littéralement, politiquement, signa le scénario du Train
sifflera trois fois, le western
favori de Wayne & Hawks), les Inglourious Basterds (affligeants) de
Tarantino et Bastards (inspirants, pourquoi pas) de Castellari ou, last but not least, le premier volet des
aventures de James Logan (X-Men Origins: Wolverine), de quoi
vous faire regretter pour l’éternité de l’adolescence celles de Serval conçues
pas ce diable de Chris Claremont (en matière de petit écran, une biographie
d’Eisenhower sous les traits de Bob Duvall accompagné de la chère Lee Remick et
un épisode anachronique d’Au cœur du temps nous tentent assez,
allez).
Tout ceci, à vrai dire, fait certes
un peu catalogue, mais une réelle pensée sur/de l’événement, particulièrement à
travers le prisme de l’objectif, demeure absente, on le disait, ou alors se
réduit au constat scolaire d’un écart spectaculaire (double sens) et à des
formules laissant songeur (« Le Jour J et la Bataille de Normandie
comptent parmi les plus fantastiques aventures militaires de tous les
temps », « La réalité guerrière peut aller au-delà de la fiction du
cinéma », « Le tandem Tom Hanks-Steven Spielberg n’a plus rien à voir
avec le duo Darryl Zanuck-John Wayne. Alors, le Jour j [sic] a changé dans l’œil de la caméra. Et la caméra a changé le
regard sur le jour j [idem]»). Résumons,
mon colon (ou mon général, vaille que vaille) : voici un ouvrage très sage
et souvent régionaliste (chapelet de localités normandes), à néanmoins conseiller, disons le
temps d’un voyage en train vers les plages du lendemain (de la démocratie payée
du sang étranger, français, allié) et les bunkers d’hier, en naissance de Vénus
à la Prusse (Grande Illusion, espoir déconfit, de croire à la fin des conflits),
à la Russe (Staline en embuscade), jusqu’au trajet vers le dernier, mausolée du
cinglé qui se prenait pour un peintre, se rêva empereur, appréciait les films, pas
uniquement ceux de Chaplin, son faux sosie, fit occire sa chérie (canine) de
Blondie puis s’ensevelit illico en
facho névro. Le Débarquement au cinéma ? Une histoire encore et toujours à
filmer, célébrer, dédramatiser, quasiment une occasion manquée. Le Débarquement
dans la « vraie vie » ? Une nécessité, une tragédie, une
stratégie, un regain – et le rêve d’une solidarité internationale vite brisé
sur le réalisme du consumérisme, de la réponse pacifique, intéressée, de
l’Europe, des divisions entre blocs, idéologies, corporatismes, désormais communautés.
« Bienvenue dans l’Humanité », ironisait Snake Plissken (Los
Angeles 2013, Carpenter, 1996) dans l’obscurité californienne et, déjà,
mondiale.
« US, go home ! » mon père du haut de ses onze ans les avait vus placardés ou tracés à la peinture noire sur les murs de Paris après guerre, le commun des mortels disait que c'était l'oeuvre des communistes, la paix s'achetait au prix de la promesse du confort et Pierre Goldman "Je suis né de l'ombre, je suis né dans l'ombre et mon désir fut longtemps qu'on ne m'arrache pas à l'ombre où je suis." plus tard deviendra enragé du fait des anciennes chemises noires d'un seul coup politique devenues plus blanches qu'un linceul, j'ai connu l'un de ses amis qui était sur les barricades de 68 avec lui, selon lui il était le plus enragé de tous, allant au casse pipe sans hésiter, il en redemandait toujours, toujours selon cet ami de jeunesse, les pharmaciennes il les avaient bien visées et tuées, rien que pour faire un tour de cochon à la bien pensance de gauche, capable de mettre sous le tapis un meurtre au nom d'une idéologie...
RépondreSupprimerMerci pour ces réminiscences...
SupprimerDémonstration avec le terrorisme gauchiste, en France ou en Italie...
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2018/06/ensemble-cest-tout-solitudes.html