Homo Sapiens : La Sagesse des crocodiles
Suite à son visionnage sur le service Médiathèque Numérique, retour sur
le titre de Nikolaus Geyrhalter.
« Oui, c’est le lieu. »
Shoah
Pas d’histoire(s).
Fin de l’Histoire.
Plus de témoins.
On ne saura rien.
Des plans fixes.
Une certaine idée fixe de l’avenir.
Des cadrages au cordeau.
Une science du cadre à la Kubrick.
Point commun de la praxis
photographique.
Des perspectives précises.
Des lignes de fuite vers nulle part.
Une géométrie dynamique et immobile.
Des rails de funérailles.
Des fours refroidis.
Le train en gare de La Ciotat et les
convois pour Auschwitz.
De Nagasaki à Fukushima.
D’une mosaïque fellinienne à une
neige de fondu au blanc naturel.
La soucoupe du PC attend pour
l’éternité.
Le stade circonscrit sa circularité.
Un bateau échoué sur la mer verte.
Des centrales à l’arrêt.
Des habitations ensablées.
Des immeubles fortifiés.
Bonifacio ma non troppo.
Un hôpital spectral.
Une église saccagée.
Des ordinateurs victimes d’une
inconnue fureur.
L’horizon jaunâtre au bout des arbres
et des poteaux gris.
La végétation amnésique du Japon.
Un centre commercial envahi par la
rocaille.
Des montagnes russes sur le point
d’être submergées.
On pourrait continuer ainsi longtemps.
La caméra Red continuerait à filmer
sans nous.
Une eschatologie en 4K et Dolby Atmos
à écouter avec un casque.
Un atlas du désastre.
La cartographie de la décrépitude.
Un acte de décès.
Un procès-verbal de disparition.
Un sound design exemplaire.
Un montage minuté.
Une location research inspirée.
Pas d’hypnose ni de sidération.
Rien qu’une sérénité viennoise.
Une ataraxie autrichienne.
L’espèce perçue en épiphénomène.
Ne reste qu’une trace inefficace.
Demeurent à la dernière demeure des
références ou des correspondances.
Des échos du chaos.
Andreï Tarkovski.
Chris Marker.
Christopher Nolan.
Michel Houellebecq.
Une fiction et pas un documentaire.
Un cinéma en effet du réel.
Un oxymoron de saison.
De l’écologie liée à l’archéologie.
Une évocation de bande-son.
Une recomposition de la
décomposition.
L’héritage du romantisme germanique.
Les ruines dans la nature et la
nature des ruines.
Une saturation d’humanité par son
évidement.
La belle présence-absence des
évanouis d’aujourd’hui.
Comme le contrechamp du courant
dominant.
Comme le reaction shot de
l’overdose de mouvements.
Des signes et des enseignes.
La poésie en énigme.
Le cinéma en sémiologie.
Des cuts et des écrans noirs.
Une scansion d’oraison.
L’exosquelette d’une structure
thématique.
Les animaux ne se taisent pas.
Le crapaud ne cesse de croasser.
Les insectes invisibles et les
oiseaux aperçus.
Le vent parfois présent.
Des jeux de lumière célestes.
Un Tchernobyl puissance mille.
Un jeu sérieux.
Un objet d’art contemporain et une
œuvre romanesque.
Quatre-vingt-dix minutes rythmées.
Une heure trente itérative.
De l’eau partout.
Tels un leitmotiv sonore et une
imagerie à la douceur hardcore.
De la pluie sur les vélos et les
autos.
Une salle de cinéma inondée.
Un grand rectangle virginal inviolé.
Un projecteur analogique en antiquité
antédiluvienne.
Les plantes vertes prolifèrent sur la
paperasse.
Nul ne se servira plus du bloc
opératoire.
Bye-bye aux
cobayes.
Un volet se referme tout seul au
soleil.
Une prison s’ouvre totalement à
l’abandon.
Une décharge pourrit gentiment en
plein air.
Une épave de voiture croupit dans un
canal phosphorescent.
Lascaux revisitée.
La carlingue éventrée de l’avion
d’outre-tombe de Robert Powell.
Un tank forestier.
Un bâtiment de guerre enfin pacifié.
Lac de conflits enfouis + abolition
des maladies.
Une plage de bunkers sans
débarquement.
L’océan surcadré tout autour d’une
île immobilière mortifère.
Un complexe touristique désormais
squatté par le vide.
Des sculptures de sel en bordure
maritime.
Un cimetière au désert dans un western phénoménologique.
Un bleu et un casque blanc d’ouvrier
pendus au mur.
Une station hivernale hantée à la
John Carpenter.
Le cinéma permet aussi cela.
Il s’agit d’une illusion parfaite.
Il convient de créditer cette copie
d’une possible immanence.
La mémoire de demain et le tourisme
noir à portée de main.
Le réalisateur redevient opérateur.
La prospective sociétale rejoint la
préhistoire esthétique.
Un regard en miroir offert à des
spectres de spectateurs.
Des yeux sans visage sondant le pur
paysage.
Une impureté des formes et une
rigueur d’écriture formelle.
Le plaisir de la collaboration.
L’immensité en solo de la création en
studio.
Le cosmos à lire dans la paume de
William Blake.
L’univers à doubler à partir d’un
film muet.
Un tour de force et de finesse.
Une once d’ennui.
Pourquoi pas et merci.
Comment écrire sur ce métrage.
Avec des phrases courtes uniquement.
Comment prolonger son envoûtement.
Par un entretien en anglais assez
intéressant.
Quel magnifique poème éloge du cinéma clairvoyant !
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