Confession d’un commissaire de police au procureur de la république : Laisse béton

 

« Quand le bâtiment va », rien ne va…

Si l’Amérique du Nord doit sa naissance à une mort, empire post-européen + « génocide » de natives = cimetière indien à la Shining de Stephen King, l’Italie assura sa survie à coup de collusion, de profane/profanatrice union, entre les partis politiques, surtout celui autoproclamé démocrate, chrétien, et les mafias pas très catholiques, parce qu’elles le valaient bien. Dialogue à distance, au-dessus de l’océan : dans Snake Eyes (De Palma, 1998), la guère sereine Serena finissait fissa par se faire dessouder, son rubis on retrouvait in extremis, au milieu d’un pilier du tout nouveau casino ; dans Confession d’un commissaire de police au procureur de la république (Damiani, 1971), une seconde et pourtant précédente Serena subit un sort similaire, sort de sa baignoire à la Marat, succombe aux malfrats, son pauvre cadavre dénudé, dépouillé, pas un soupçon de respect, vite recouvert de béton (à main) armé(e). Deux « féminicides » d’édifiants édifices, deux érections, sens duel, à l’unisson ? Davantage une création basée ici aussi sur la destruction, une sorte de sacrifice (de) complice(s). Si « Catherine D’occase », se marre Gainsbarre, appréciait, attachée, immaculée, la souillure, fausse et vraie, commise par des mecs amusés (Belle de jour, Buñuel, 1967), la tendue, perdue, éperdue Marilù Tolo émeut illico, incarne un fiasco. Commencé au sein d’un asile symbolique, emblématique d’un pays à la Poe, à la place de la plume et du goudron, du ciment et une explosion, par un panoramique de mains pas encore qualifiées de « propres », le film du caro Damiano carbure à la colère, celle du cinéaste, celle de ses personnages, par exemple du flic en titre, écœuré, machiavélique, qui instrumentalise un obsédé de la propreté, bis, et abat de sang-froid son meilleur ennemi en train de rire en réunion, sinistre bouffon en souvenir des frasques tragi-comiques du feu fascisme.

Le commissaire coriace croise la (dé)route d’un procureur discrètement sémite, une pensée pour Salomon le justicier, la sua mamma elle-même internée en Suisse, mince. Le promoteur à Palerme ne profite de son impunité, de son statut, le fonctionnaire incarcéré non plus, puisque poignardé in situ, tandis que les séides et le public se réjouissent à une séance divertissante de ciné en catharsis autorisée. Fusillade fatale, indicateur en camisole, apprenti terroriste d’église, assassinat passé de syndicaliste esseulé, infanticide à la suite, pas de témoin, non d’un (monde de) chien(s), enlèvement intimidant de minot bientôt à la (Aldo) Moro, écoutes téléphoniques, confession en action, l’accumulation des crimes s’accomplit sur fond d’affairisme, de gangstérisme, d’idéalisme, de cynisme. La coda se caractérise par son silence éloquent, « Quelque chose ne va pas ? » demande sur les marches du tribunal bancal le scélérat (haut) magistrat. En vérité, « rien n’est arrivé » lui répond d’outre-tombe le policier suriné, amère moralité du drame national. Servi par les excellents Martin Balsam & Franco Nero, par un thème mélancolique, entêtant et stimulant, du regretté Riz Ortolani, en outre primé à Moscou, ah, ces capitalistes transalpins si impies, si putains, Confessione di un commissario di polizia al procuratore della repubblica mérite donc largement sa découverte en ligne, même en version originale – un leurre au royaume du doublage souvent rétif au son direct – non sous-titrée en français, essayez, vous me direz. Déjà auteur, durant les années 60, du dépressif Les Femmes des autres (1962), le spécialiste, plutôt spécialisé, Damiano Damiani délivre un item toujours d’actualité, car la corruption ne se limite bien sûr à la Sicile ni aux seventies. En définitive, le dessillé, voire dépucelé, Traini va-t-il venger Bonavia & Serena ? Au spectateur d’interpréter le sien mutisme, son sourire de Joconde, en mode optimiste ou pessimiste. Demeure, nul doute, une œuvre de valeur.      

Commentaires

  1. Un film saisissant de vérité, vu au tournant des années 80 époque où je vivais souvent en Italie, la Sicile au coeur de l'action à mains sales de l'époque cadrait tellement au plus juste avec l'histoire narrée dans le film ! Loi du silence et paranoïa planaient comme oiseaux de proie sur les villes écrasées de soleil, un regard froid de réalisateur maestro (et prémonitoire )sur la cocotte minute des futures années plomb, très chers Falcone et Imposimato : "Décès subit du célèbre juge italien anti-mafia Imposimato alors qu’il prévoyait une action contre l’obligation vaccinale et la Ministre de la Santé. Il considérait que sa position envers l’industrie pharmaceutique relevait de la corruption."
    http://initiativecitoyenne.be/2018/01/deces-subit-du-celebre-juge-italien-anti-mafia-imposimato-alors-qu-il-prevoyait-une-action-contre-l-obligation-vaccinale.html

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