La Taverne de la Jamaïque : L’Auberge rouge
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre d’Alfred
Hitchcock.
À la mémoire d’Alan Parker
Après un naufrage à la Fog
(John Carpenter, 1980), une diligence à la Dracula, la nièce endeuillée
découvre donc le mal familial, à l’instar du gosse orphelin des Contrebandiers
de Moonfleet (Fritz Lang, 1955). Plutôt qu’à Byron, cité sur le seuil,
on pense à Corneille, à son fameux « dilemme ». Sauver les
siens ? Éclairer les marins ? Maritime mélodrame moral, adapté de
Daphne du Maurier, co-écrit par Joan Harrison, La Taverne de la Jamaïque
(Alfred Hitchcock, 1939) dessine deux portraits de femmes fréquentables,
remarquables, mémorables, interprétées par deux actrices assez admirables, la « débutante »,
douée, Maureen O’Hara, l’émouvante, « dévouée », Marie Ney, en sus de
poser la question cruciale supra. Du
côté des hommes de la côte, on (se) dissimule, son identité, ses desseins, on
joue au « juge de paix », au gentleman
endetté, au novice du vice, en officier de police impuissant, au figuré,
peut-être au propre. Aristocrate désargenté, « cerveau » dingo,
Charles Laughton à nouveau cartonne, ici co-produit, tandis que Leslie Banks
compose un oncle pas à la Tati, davantage à la L’Ombre d’un doute
(Hitchcock, 1943). Dans Sueurs froides (Hitchcock, 1958),
autre conte catho, d’apparences, de souffrances, d’illusions, de désillusions,
Judy aussi se jettera à l’eau, cette fois-ci à San Francisco, fausse Ophélie,
véritable Eurydice. Sorti de sa grotte acoustique, avatar de la célèbre « caverne »
de Platon, le « faux coupable » en fuite, à la flotte, s’étonne de
voir Mary à moitié immergée, de la savoir si bien nager. En vérité, elle le
sauva, pendu de plafond pénétré, motif freudien raccord avec l’orifice de la
crevasse, scène de renaissance, sinon de baptême.
Plus tard, l’héroïne héroïque
renversera une lanterne, se servira du feu en phare. Durant la coda, contre la « cavalerie »
enfin arrivée, elle recommandera la clémence pour son ravisseur cinglé,
déclarant en cabine, sur le cordage, un requiem
pour « l’âge de la chevalerie », à rendre jaloux John Woo (La
Dernière Chevalerie, 1979), pour « la gloire de l’Europe »,
sur le point d’être en effet « occupée » à se massacrer durant six
longues années, Hitch en attestera, montera les images de la Shoah. Film
climatique, britannique, La Taverne de la Jamaïque dialectise
les classes, leur lutte, leur tumulte, leur collusion, leurs bonnes, mauvaises
actions. Pas de place pour le manichéisme, ni le cynisme, pas le temps de
s’attarder, une romance commencer, puisque l’ouvrage poétique, politique, au
studio onirique, va vite. En écho à l’obsédé « Scottie », Sir
Humphrey veut déjà « jouer à la (juvénile) poupée », voire « au (vieux)
docteur », avec son irrésistible révoltée, en mode SM bâillonnée, de la « soie
vert pâle » sur votre « peau douce » de rousse, cela vous
conviendrait ? Le dernier plan, silencieux, éloquent, mental, hanté, reviendra
par conséquent au domestique sidéré, par l’improvisé suicide, par l’ancienne
insanité, touche naturaliste de tare héritée. On sait la suite :
Hitchcock se réinventera en réalisateur amerloque, revoilà Rebecca (1940), DDM idem, Selznick « en coulisse »,
la magnifique Maureen se transformera fissa en Esmeralda, Laughton relira Hugo
en Quasimodo
(William Dieterle, 1939). Film mal-aimé, y compris par le principal intéressé,
pas de caméo au menu, matelot, par la romancière dépitée, il mérite sa
(re)découverte guère suspecte.
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