La Belle des belles : Super Mario Bros.


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Robert Z. Leonard.


Dio mio, dire qu’ils se mirent, sans rire, à neuf afin d’écrire cette vaine vieillerie, cette pâtisserie rassie, cette frangipane figée, à succès, ce vrai-faux Senso (Luchino Visconti, 1954) en écho assourdi au simultané Sissi (Ernst Marischka, 1955). En 1962, Franco Solinas signera le Salvatore Giuliano de Francesco Rosi, avant le Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey ; en 1963, Luciano Martino, frérot de Sergio, producteur estimable, scénarisera Le Corps et le Fouet de Mario Bava ; en 1958 sortira Le Pigeon de Mario Monicelli. On peut par conséquent pardonner à ces trois-là leur ersatz de Max Ophuls, débuté en mélodrame, terminé en psychodrame, poursuivi en comédie sentimentale pseudo-musicale, Renzo Rossellini, lui-même frangin de Roberto, assorti de Giacomo Puccini, voire l’inverse, + point commun du monteur Eraldo Da Roma, à l'ouvrage sur Rome, ville ouverte (1945) puis Allemagne année zéro (1948). Le générique le souligne, personne ne doubla Gina Lollobrigida, qui deux ans après un enregistrement réellement historique de Maria Callas chez EMI, osa reprendre des arias via sa véritable voix, écoutable et tout sauf comparable. Le mélomane Maleno Malenotti, auteur du sujet, produisit aussi Une nuit de folie à l’opéra (Mario Costa, 1948), Caruso, légende d’une voix (Giacomo Gentilomo, 1951), tandem avec déjà Gina, Mélodies immortelles (Gentilomo, 1952) ou Verdi (Rafaello Matarazzo, 1953), s’offrit pour l’occasion le concours de Mario Del Monaco, invisible doublure audio du ténor Gino Sinimberghi relooké en Mario Cavaradossi, vous suivez ? Si le film bénéficie de l’expertise des costumiers Veniero Colasanti & Vittorio Nino Novarese, auxquels on doit des participations à Trapèze (Carol Reed, 1956, Gina again), Le Cid (Anthony Mann, 1961), Fort Saganne (Alain Corneau, 1984), à Cléopâtre (Joseph L. Mankiewicz, 1963), de la direction artistique ad hoc d’Alberto Boccianti, Mario Bava, le revoilà, éclaire l’ensemble au moyen d’une lumière blanche à la fois surprenante et cohérente, éloignée de son idiosyncrasie colorée, hors une scène nocturne de balcon à fontaine, régalez-vous du bleu, du vert, du jaune, mais bel et bien à proximité de la lividité des cadavres.



Ici, rien ne vit, au niveau du topo, du studio de huis clos, pourtant les extérieurs ruraux, forestiers, de villa disons de convalescence, frémissent un peu de douce sensualité sudiste ensoleillée. Artisan transparent, sinon tâcheron hollywoodien, Robert Z. Leonard rappelle Richard Thorpe, similaire propriétaire de parades poussiéreuses, d’enluminures de demi-mesure, revoyez Ivanhoé ou Le Prisonnier de Zenda, diptyque de 1952. Tandis qu’Anne Vernon, bientôt Madame Emery de Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, 1964) incarne une guitariste de Venise, que Vittorio Gassman se grime en prince moscovite amateur de chevaux davantage que de bel canto, la Lollobrigida, désignation définie à la façon transalpine, héritage de tradition opératique, se déguise en fifille adoptive de chanteuse de music-hall aussitôt emportée par une « bronchite », en réalité diégétique une crise cardiaque, autant que par les quolibets de la populace vite matée par l’aristo Vittorio. La Parisienne d’adoption, formée par un maestro trop pressant, très méprisant, ensuite assassin par procuration, crève un brin la faim, se fait une amie pour la vie, se fait fissa un nom à la suite d’un duel entre femelles conflictuelles, filmé-chorégraphié à la truelle, le George Sidney de Scaramouche (1952) se marre, le spectateur contemporain, moins. Gassman, cavalier de ciné, semble assez s’emmerder au sein de la russerie transie, chœur masculin de carte militaire inclus, train anna karéninien compris, au contact d’une Lina Cavalieri guère cavalière et néanmoins jamais soumise, petite pouliche à parier parmi des amis bourrés, olé. Robert Alda, aperçu dans Mirage de la vie (Douglas Sirk, 1959), croisé dans La Maison de l’exorcisme (Bava retravaillé en mode William Friedkin par Alfredo Leone, 1974), s’en sort avec les honneurs en Scarpia de pacotille, en chef d’orchestre traumatisé, in extremis démasqué par une représentation au carré, sous le regard du tsar, quel bazar.



Rassurons le lecteur : pas de couac en coda de l’opus patraque, juste la jalousie terrassée, les malentendus dissipés, le je t’aime moi non plus enfin conjuré, ouf. La plaisanterie spéculaire s’étire sur cent cinq minutes, remémore Le Carrosse d’or (Jean Renoir, 1952, sa Tosca mussolinienne de 1941 achevée par son ami et collaborateur Carl Koch, d’ailleurs mari de Lotte Reiniger), pratique une mise en abyme cacochyme, romantise le CV de l’intéressée, populaire soprano courtisée par un certain Benito. Doté d’un tel emboîtement digne de celui des poupées en effet russes, La Belle des belles (1955) pouvait envisager le cinéma méta, la réflexion réflexive sur la persona de Mademoiselle Lollobrigida, le divertissement virevoltant à la Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), Gérard Philipe à son tour flanqué de Gina. Hélas, il se limite à du parasitisme mal inspiré, l’excellence du modèle, n’en déplaise à un Jacques Drillon, rabaissant le rejeton à la con, le remettant à sa place d’impasse, il se cantonne à une tapisserie monotone, à une pièce montée insipide, à un métrage d’un autre âge, d’une autre galaxie, de piètre après-midi de pluie. Demeure une actrice sombre et solaire, de surface et singulière, encore largement et injustement sous-estimée, en dépit de plusieurs prix à domicile. Son érotisme presque romain corseté par le conventionnel, le consensuel, le pittoresque, le touristique, Leonard en émule du carton-pâte pâteux de Vincente Minnelli, alors embourbé dans le dispensable Un Américain à Paris (1951), par un corset d’épée au décolleté pudique, immaculé, Gina Lollobrigida parvient à peine à capter l’attention, à la maintenir, sur le point d’interpréter de mémorables héroïnes, fortes et fragiles, pour Notre-Dame de Paris (Jean Delannoy, 1956), idem production poussive-pasteurisée franco-italienne, ou Salomon et la Reine de Saba (King Vidor, 1959), péplum prosélyte, ou Ce merveilleux automne (Mauro Bolognini, 1969), sorte de Un été 42 (Robert Mulligan, 1971) à la sauce incestueuse, ou, à la TV, en fée Turquoise, truquée, perruquée des Aventures de Pinocchio (Luigi Comencini, 1972).


Expurgé de Gina, tout cela, bluette simplette, ne vaut pas tripette, grâce à sa présence, se suit sans partance. Peut-être pas La donna più bella del mondo, intitulé local hyperbolique, Gina Lollobrigida reste une femme, une photographe, à redécouvrir, car belle et talentueuse, volontaire et fiévreuse, notamment suivant le davantage réaliste et réussi La Marchande d’amour (1953) de Mario Soldati, relisez-moi ou pas. En vérité elle méritait ainsi une heure quarante-cinq de cinéphilie en ligne, en sus de ce texte subjectif et entiché.

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