Incubus

 

Un métrage, une image : The Black Room (2017)

Voici une réponse ludique et lubrique au plus sérieux L’Emprise (Furie, 1982), une réflexion en action(s) sur le puritanisme US, son hypocrisie jolie, puisque premier producteur mondial de « film de fesse », jadis obsédé par un président adepte du « sexe oral », mensonger mélodrame. Un fils à papa et sa libraire sympa emménagent fissa au sein aussitôt malsain d’une belle baraque acquise pour une bouchée de pain, car décédée propriétaire, défigurée héritière, toutes les deux à cause d’une chaudière à la Lucifer, clin d’œil possible au brûlant Shining de King. L’Adversaire réside à la cave, pièce sombre du titre explicite, « continent noir de la sexualité (féminine) » pontifie Freud, il vide les occupants peu récalcitrants, vite consentants, de leur « énergie sexuelle », afin d’alimenter sa créature future, capable de plaire aux femmes comme aux hommes, accouchement dément de nouveau-né âgé, au simple couteau trucidé, ah, l’humaine et corporelle fragilité. Auparavant, l’incube s’occupe d’un réparateur reluqueur, d’une gothique petite sœur, pénétrée/perforée par sa double intimité, vaginale, buccale, ça doit faire mal, mise en image des ombres chinoises du similaire supplice surréaliste de Pervert!  (Yudis, 2005), pour une version plus adulte, éprouvante, cf. le médiocre Mother of Tears (2007) du gynéco Argento, déplace une poitrine, contemple un pompier sur la personne d’un plombier ; clou du spectacle peu phallocrate, en public, tu m’excites, le doigté à distance d’une serveuse radieuse, le bon démon se bornant à introduire son majeur farceur à l’intérieur d’une tasse immaculée de café forcément noir, jouir puis périr. Le « flick » sympathique de Rolfe Kanefsky mélange ainsi l’humour et l’horrifique, sa tonalité antithétique et son topo de libido à gogo peuvent évoquer la manière d’un Henenlotter, tandis que le cordon ombilical infernal, sectionné par l’épouse libératrice avec les dents, renvoie vers un cauchemar prémonitoire de Faux-semblants (Cronenberg, 1988). En coda et en regard caméra, le couple s’accouple, la dame demande à son amant rédimé de lui « faire un bébé », doit sans doute penser à celui de Polanski (Rosemary’s Baby, 1968), noir et blanc malaisant. Dominé par l’excellent Lukas Hassel, The Black Room donne à revoir la chère Natasha Henstridge, entre autres héroïne intrépide du sous-estimé Ghosts of Mars (Carpenter, 2001), apercevoir Mesdames Shaye & Shepis, découvrir la juvénile Augie Duke. Ni misogyne ni réactionnaire, il démontre que le désir débouche parfois sur l’Enfer, que l’esprit libertaire des seventies appartient bel et bien au passé, jeu dangereux à conjurer. Doté d’un thème de générique assez irrésistible, où reconnaître la signature de démesure du sieur Emerson, muni de mains rouges très tactiles, à l’instar de celles encore colorées, gantées, de Rêves de cuir (Leroi, 1992), il constitue en résumé un divertissement réussi, mets-y toute ton âme, oui, chéri(e)… 

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