La Vie privée de Sherlock Holmes : Détective
En introduction à son excellent one-man-show à la Cinémathèque, Friedkin
rappelait que Wilder se considérait comme un réalisateur commercial. Dans ce
film constamment drôle mais amputé d’une heure, l’autre Billy revisite avec
brio la mythologie holmesque (la danseuse des ballets russes s’étonne de la
taille réelle de Sherlock, on fera la même remarque à Snake Plissken chez Carpenter)
et la sienne propre : jeu sur les sexes en écho à Certains l’aiment chaud ;
défense et illustration d’une fausse misogynie encore plus manifeste dans Sept ans
de réflexion et Embrasse-moi, idiot ; renversement
jovial des idoles (la Reine Victoria en lieu et place de la mortifère Norma
Desmond dans Boulevard du crépuscule). Il fait
également des clins d’œil à des écrivains antithétiques de son style et de son
univers, puisque les espions se nomment von Hofmannsthal (comme Hugo) et
Ibbetson (comme Peter). Mais, plus cynique que Lubitsch, moins passionné que
Mankiewicz, bien loin de l’existentialisme de Cronenberg – trois cinéastes attachés
aux mots autant qu’aux images –, Wilder excelle avant tout dans la cruauté
réflexive et le portrait à charge de milieux qu’il connaît bien (Sunset
Boulevard
encore et aussi Spéciale Première). Si l’âme du détective
réside dans son violon, le cœur mélancolique du film bat dans la partition du
grand Miklós Rózsa, dont le romantisme exacerbé, frénétique, trouva meilleur
écrin chez Hitchcock, Mann, Wyler ou… Wilder (Assurance sur la mort et Fedora).
On pourra donc préférer une autre adaptation libre de Doyle, à son image, intense et sage à la fois, baroque et corsetée, celle du Chien des Baskerville, réalisé dix plus tôt, où Fisher et sa fidèle équipe peignaient le personnage (vite détesté par son géniteur, à l’instar de Poirot par Agatha Christie) façon Hammer Horror (chantait Kate Bush), cartographiant l’opposition très victorienne entre Raison & Passion, Esprit & Corps, Déduction & Désir, l’appartement de l’enquêteur dédié à l’ordre et à la lumière symboliquement encadré, menacé, par le prologue et l’épilogue situés dans la lande nocturne des instincts (dix ans après le Powell de La Renarde, déjà éclairé par Challis, avec Christopher Lee en trait d’union). Mention spéciale à Geneviève Page, belle de nuit dont l’accent délicieux résonne avec celui de Mylène Farmer dans Giorgino, autre cauchemar romantique à la Brontë, relecture maladive de La Fille de Ryan flanqué d’un infanticide métaphorique de la Grande Guerre, qui mérite sa redécouverte, notamment pour une scène dans un asile peuplé de freaks tout droit sortis de La Sentinelle des maudits, encore une belle œuvre dite déviante...
Commentaires
Enregistrer un commentaire