Petits meurtres entre amis

 

Un métrage, une image : Assassinats en tous genres (1969)

Comédie carrément comique, divertissement vraiment divertissant, The Assassination Bureau doit beaucoup au couple impeccable de Diana Rigg & Oliver Reed, à un casting choral irréprochable, mentions spéciales à Curd Jürgens, Philippe Noiret, Telly Savalas, à la bella Annabella Incontrera, à une direction artistique très soignée, digne d’être saluée, au même titre que le script, modèle de rythme et d’humour ironique. Ceux-ci reviennent en vérité à un seul type, à savoir le production designer et scénariste Michael Relph, qui produit aussi, qui réalisa quelquefois. Collaborateur régulier et partenaire privilégié du réalisateur concerné, l’homme de talent polyvalent adapte donc un roman commencé par Jack London puis terminé par Robert L. Fish, polardeux dont le Mute Witness publié la même année, en 1963, devint Bullitt (Yates) en 1968. Relph transforme le matériau d’origine, limité à l’Amérique nordiste, en film friand de cosmopolitisme, en satire jamais touristique, en réflexion en action(s) sur les puissances occultes, surtout celles de la presse, plus discutable et redoutable que la guéguerre des sexes. On voyage via l’ouvrage, on visite Venise, cartographie la Tchéquie, on fait escale en France, en Autriche, en Suisse, on laisse derrière l’Angleterre et les plateaux de Pinewood. Tandis que le fameux Geoffrey Unsworth, à peine sorti de 2001, l’Odyssée de l’espace (Kubrick, 1968), s’occupe d’éclairer, que l’estimable Ron Grainer (Le Survivant, Sagal, 1971 ou Evil Baby, Sasdy, 1975) de musiquer, que le discret Wolf Mankowitz, ami d’un certain Cubby Broccoli, qu’il présenta au dénommé Harry Saltzman, nul n’ignore la suite, création de Eon Productions, Dr. No (Young, 1962) and Co., donne dans le « dialogue additionnel », le sous-estimé, sinon mésestimé, Basil Dearden, cependant adoubé par son compatriote et collègue aux Ealing Studios, c’est-à-dire du directeur de la photographie Douglas Slocombe (Le Bal des vampires, Polanski, 1967, Une fille nommée Fathom, Martinson, idem ou L’or se barre, Collinson, 1969), ne démérite, se presse sans succomber – le terme surrender, susurré par Miss Rigg, autorise un aphorisme assez exquis, formulé au lit, au sujet de « défaite » sexuée – à la paresse, accumule les zooms avant et arrière, les transparences de prestance, au bord de nocturne mer ou au sein malsain des airs. Le cinéaste de La Femme de paille (1964), apprécié par votre serviteur, je vous renvoie vers ce que j’en écrivis parmi la prose transalpine de l’article intitulé L’Affaire Mattei, eh oui, pas un instant ni un plan ne déraille. Il mêle les hymnes, les couleurs sourdes ou vives aux vraies-fausses images d’archives, « l’épique » au politique, le cynisme au romantisme, il carbure aux clichés nationaux, « dépravation » parisienne, sentimentalisme russe, « efficacité suisse », afin de s’en amuser, de mieux les désamorcer, vocable idoine, car les bombes ne chôment. Si le capitalisme fera toujours du moralisme l’économie, tant pis pour Nicolas Sarkozy, le meurtre « limited », de société spécialisée, possède une relative moralité, a fortiori face aux exécutions d’autorisations, aux massacres de(s) masse(s), de jadis ou d’aujourd’hui. Ce conte de compétition, amoureuse rédemption, féminisme soft, se souvient de la matrice de 14-18, d’une Europe en compote, annonce L’Odyssée du Hindenburg (Wise, 1975), séduit en jeu sérieux fini pacifié, coda sympa, en regard(s) caméra.

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