Diamonds
Rihanna & Sia ? De New York à Detroit…
Pour Patrick Peillon
Vous ne connaissez pas Shara Nova, ancienne Worden, un divorce, un gosse ?
Moi-même dans l’ignorance de son existence jusqu’à samedi, merci l’ami, elle me
séduisit aussitôt, j’écoutai ses cinq albums illico. En résumé, en subjectivité, tout ne me va, tout ne se vaut,
puisque les deux derniers opus
pâtissent autant d’une utilisation massive, pas assez incisive, de
l’électronique, du synthétique, que d’un appauvrissement des lyrics, a fortiori lorsque l’artiste se soucie de politique, de
fictionnaliser un fameux fait divers, Trayvon Martin l’affaire (You
Wanna See My Teeth), de repasser une couche d’antiracisme basique à
titre explicite (White Noise). Cependant on lui sait gré d’agréablement
revisiter, voire corriger, un poème de Mallarmé (Apparition), de réadouber
le blason d’adoration, érotisme de jadis, Marot and Co., relooké en féminisme soft
de catalogue à aimer (This Is My Hand), de délivrer
l’épuré, presque soul, Another
Chance, déclamé en regard caméra, oui-da, car la muse s’illustre en sus
via une poignée de clips
sympathiques, les premiers, ici aussi, les plus inventifs et singuliers. Sur
son dance floor, pas celui de Sophie Ellis-Bextor, elle apparaît
contre-éclairée, comme la Kate Bush de Babooshka, influence inconsciente
d’interprétation, sens duel, d’expérimentation. Si la géométrie jolie,
symbolique, triangle vaginal, cercle inside,
s’inverse, si le site officiel affiche des notices risibles à force d’être
laudatives et superlatives à la truelle, l’essentiel se situe ailleurs, associe
l’esprit et le cœur. Au creux d’un écrin de cordes, d’arrangements recherchés
et ravissants, la valeureuse voix de Shara déploie sa persona, sa poésie précise, sa tendre violence, en effet « beautiful
and terrible » (Something of an End). Instrumentiste, productrice, compositrice et parolière experte, la chanteuse
audacieuse ensorcelle l’auditeur, lui fait plaisir, lui fait peur, le caresse
d’ardeur, le cingle de douceur. Pop, rock, cabaret, classique, la trilogie
carbure aux courants, les croisant, les surclassant, à l’énergie, à la nostalgie, à la mélancolie, abonde en bestiaire doux-amer, métaphores en
or, envie de voler, instantanés d’un puéril ou adolescent passé, collection
d’évocateurs haïkus dotés de la clarté du vécu. Les chansons d’amour et de
désamour enchantent et déchantent, toujours stimulantes, parfois poignantes,
flanquées d’enfance, d’indépendance, de jouissance et de souffrance, de liesse
et de tristesse, à l’instar de celles d’une certaine contemporaine, appelée
Alison Goldfrapp. Parsemée de termes français (Black & Costaud), ponctuée d’un clin d’œil à Pierre Boulez, allez, cette tapisserie sonore scintille et
n’incite à la déprime, les diamants savamment et suavement brillants de My Brightest
Diamond, encore trop méconnus, méritent d’être reconnus. Issue d’un milieu
musicien et religieux, Nova ne cesse de s’y renouveler, d’affirmer sa foi dans
les puissances d’une expressivité à l’individualité tournée vers la collectivité,
cf. l’œcuménique High Low Middle. D’une délicatesse digne de Debussy, d’un
lyrisme rétif au cynisme, au défaitisme, les majeurs Bring Me the Workhorse, A Thousand Shark’s Teeth, All Things Will Unwind, les mineurs This Is My Hand, A Million and One constituent l’éclaté autoportrait d’une femme
fréquentable, entourée de mecs guère malhonnêtes. Entre-temps maman, on quitte
la créatrice authentique sur une superbe berceuse, I Have Never Loved Someone (the
Way I Love You), coda quasi a
capella, testament témoigné de fervente et réconfortante fidélité...
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