La Ferme de la terreur

 

Un métrage, une image : Beast No More (2019)

À moitié mélodrame, à moitié survival, Beast No More risque ainsi de faire perdre au spectateur domestique le nord, puisqu’on passe presque sans préavis d’une sourde démonstration de misandrie à un petit précis de misogynie. Obscur opus australien le valant assez bien, concocté puis exécuté par une équipe artistique et technique surtout issue de la TV, au vu du résultat, on n’en doutait pas, le premier long métrage en effet longuet du méconnu Aaron Warwick pourtant une poignée de lignes mérite, justement en raison de ce renversement, d’un double discours pétri de schizophrénie, de sa nature impure de psychodrame avec dames, placé sous le signe de notre modernité médiocre qui déprime, qui se délecte de l’abjecte et obsolète guerre des sexes, au ciné, en société, cf. le succès d’été du nuisible et louche La Nuit du 12 (Moll, 2022), pendant que l’unisexe capitalisme, riche en vagins et pénis, insiste et persiste, se frotte les mains au milieu du butin, pense dès à présent de façon stratégique et cynique le fameux et affreux réchauffement climatique, l’épuisement programmé de ressources de moins en moins maousses. Co-écrit selon des sœurs associées à un scénariste amateur, Beast No More plante le décor dès le générique en drone, désignons ceci du syndrome Shining (Kubrick, 1980). En pleine brousse, Mary Jane n’éprouve aucune frousse, en tout cas maintenant, au commencement, entomologie jolie. Que vient-elle foutre et a fortiori fuir ici ? La perte irréversible de son fils, renversé par une voiture à cause d’un ballon rond, d’un pseudo-cadeau d’anniversaire à la con, offert par un père « pas prêt » pour la paternité, un « trou du cul » pas si malvenu, car Jake aime de manière sincère la mère endeuillée, dépressive, « citadine », enceinte, faisons confiance à la foi de l’experte sœurette, aveugle voyant clair, complice dépourvue de malice. À proximité d’un clone à la gomme de Crocodile Dundee, dragueur de malheur à dégoûter Deneuve et ses pairs signataires du droit d’importuner, d’être importunée, le pompiste intrusif lui conseille d’accepter une carte, elle pourrait se perdre, « des gens disparaissent tout le temps », MJ ne s’en soucie, « point d’homme requis », indeed, rapidement installe son camp, son campement, ses caméras, un blanc et grand drap, vous découvrirez pourquoi. Mise en abyme, elle nous apprend que les femelles de l’espèce transmettent la « mutation génétique », chic, elle espère sauver certains juvéniles mâles, les (re)gardera, les relâchera, ne leur fera aucun mal. Hélas, la suite se rit de l’exposé didactique et ironique, L’Enfant sauvage (Truffaut, 1970) dévie vite vers Les Proies (Siegel, 1971), oui-da. La conductrice très stressée, à la recherche motorisée de son morpion par procuration, fiston défiguré sur le corned-beef porté, grâce à lui apprivoisé, sinon adopté, écrase une silhouette suspecte à tignasse, reliée à un autarcique et incestueux gynécée, où les mectons en prison, masculine soumission de féminine domination, servent seulement à la reproduction, simples étalons, parce que le paternel enterré exigeait un héritier. MJ à main armée, d’une faux, d’un fusil, d’un marteau illico, massacre la matriarche, assiste au viol de son alité, attaché, chevauché mari, à la jambe, pas l’entrejambes, plantée d’un couteau phallo. In extremis ressurgit l’intime némésis, sa face confondue avec celle du disparu. Le cou cassé de Jake, à l’instar du lapin précédent, la maman, conteuse occasionnelle de « vilain petit canard » contextuel, n’en demandait pas tant : une pierre parmi la poussière servira recta à commettre l’infanticide second, de conclusion. En résumé, à l’ouverture, il convenait de compatir, à la fin, il faut en finir, s’effrayer d’une affolante et affolée féminité, vénère et en sus meurtrière. 

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