Les Femmes de l’ombre
Un métrage, une image : La Chatte sort ses
griffes (1960)
Decoin ? Darrieux, pas que. On
connaissait celle, sexuelle, de Selena Steele (Curse of
the
Catwoman,
Leslie, 1991) ; voici celle, presque confidentielle, de Françoise Arnoul, cool. Dessoudée au terme de la première
partie du diptyque (La Chatte, Decoin, 1958), trépas repris pour l’orée d’icelui,
succès donc suite, et vite, l’héroïne ressuscite grâce aux bons soins aryens, ah, la
fameuse efficacité allemande… Pygmalion d’Occupation, nazi de service, Gestapo
ma non troppo, l’incontournable Horst Frank ne supporte la « torture »,
la collaboration à l’usure, il préfère les piqûres, la méthode douce, le
conditionnement à plein temps. S’il ne salue tel les séides, il sait aussi, en
ce mois d’avril 1944, le Reich éternel très patraque, il se félicite à
l’infirmière de la perte de la guerre, on le laisse aux prises avec un
supérieur à faire peur, « tribunal militaire » d’exécution sommaire.
Pas encore mort, le major nerveux, amoureux,
de « sentiments » muni à ne se déclarer entre « ennemis »,
pardi, « brise la résistance » de l’Eurydice de la Résistance. La
Chatte sort ses griffes commence ainsi par une mise en abyme, où un
public de types en uniformes, fumée interdite, assiste séduit au film dans le
film de ses exploits de réalisateur manipulateur. Le son-et-lumière délétère,
présenté néanmoins comme plus humain, semble a priori apprivoiser Cora
Massimier. Von Hollwitz utilise une emprise d’impératif(s), déshabille-toi,
couche-toi, décroise les jambes, mon ange (pas bleu, roux, sorry, Marlene). Ça sent Sueurs froides (Hitchcock, 1958)
associé à Un crime dans la tête (Frankenheimer, 1962), sur fond de
bataille du rail moins documentaire et documentée que l’homonyme de Clément
(1943). Toutefois le métrage de son âge, façonné selon le style de la célèbre
qualité française concassée par Truffaut, s’apprécie en sourdine, à sa modeste
mesure, en raison de sa féministe dimension. Poitrine en proue, sourcils
ciselés, l’actrice de French Cancan (Renoir, 1955) ou Ronde
de
nuit
(Missiaen, 1984) interprète une femme en transe, sous influence, devant sa
liberté, sa lucidité, en partie à la stroboscopie, amitiés à Noé, aux cachets
recrachés, ne pas s’endormir, le parachutiste prévenir. En coda, on croit
qu’elle succombera en mode Anna Karenina, suicidaire,
ferroviaire, train au nom alpin, Edelweiss, cinq ans avant l’homonyme, bis, de La Mélodie du bonheur
(Wise, 1965), encore un conte contre, de rencontre. Mais les cheminots
plastiquent le convoi illico,
explosions de conclusion. Écrit par Jacques Rémy, collaborateur régulier, terme
connoté, de Decoin, de surcroît de Delannoy, Le Chanois, Autant-Lara, Audry,
Lautner, Christian-Jaque et Vadim en prime, en sus le père des frères Assayas, La
Chatte sort ses griffes, sous ses allures de pécuniaire imposture, de
capitalisation à la con, constitue un hommage aux femmes martiales du temps et de
l’écran, guerrières à l’arrière, muses insoumises. Alors que Maud, l’épouse de
Louis, le traître guère malhonnête, tout et trop dévoué à sa prisonnière
moitié, sommé de se supprimer, hystérise soudain parmi les bras de la blonde walkyrie,
Cora ne craque pas, plus féline que félonne, plus esprit souple qu’agent
double. Arnoul paraît subir le script,
via son absence présence, se le
(ré)approprie in extremis, dément par l’exemple, sinon le sacrifice, le sexisme du « sudiste »
et gras Gustave, dont on se demande comment il se procura, durant toute la
durée des années de combat, de la réelle nourriture, à la place du pitoyable ou
hors de prix ersatz, en rime au restaurateur collaborateur, bis, obséquieux, joyeux, fourni en « fraises »
des champs, épais « chateaubriand ». « Saccharinée » à
l’instar du café, codé « Pernod » KO, de vrais-faux amants à la gare
plutôt, « Ça, c’est la France », philosophent les soldats d’Adolf en
substance, l’évocation du serein Decoin demeure à la fois anecdotique et
sympathique…
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