L’Ours en peluche
Un métrage, une image : La mort remonte à hier
soir (1970)
Aussitôt décédé, aussitôt
adapté : après Di Leo, lui-même auteur d’une trilogie (La
Jeunesse
du massacre, 1969, Milan calibre 9 + L’Empire
du crime, 1972), en simultané à Boisset (Cran d’arrêt, 1970), avant
Cozzi (L’assassino è costretto ad uccidere ancora, 1975) & Guerrieri
(Jeunes,
désespérés, violents, 1976), le réalisateur de L’Homme sans mémoire
(1974), Les Durs (idem), Zorro
(1975), titres anecdotiques et sympathiques, s’essaie aussi à la transposition
au ciné du souvent excellent Giorgio Scerbanenco, que traduit ici le scénariste
Biagio Proietti (Le Chat noir, Fulci, 1981). À moitié raté, à demi réussi, aujourd’hui disponible en ligne, en VA ou VO, La morte risale a ieri sera
souffre d’une absence de point de vue, au propre et au figuré, d’être mal
musiqué par le pourtant estimable Gianni Ferrio, puisque score désinvolte, à contretemps des événements, plus grave encore,
d’une célèbre suspension d’incrédulité réduite à rien, la faute à un défaut
rédhibitoire, au cœur et au creux de l’histoire. En effet, si Raf Vallone
impressionne, veuf flanqué d’une fillette « malade et nymphomane »,
grande enfant trop grande, au physique de mannequin puis de putain, à l’âge
mental immobilisé à trois ans, a priori
en raison du groupe sanguin de la morte maman, tu m’en diras tant, celle-ci
fait plutôt sourire que frémir, ses cris de « Papa !
Papa ! », désolé, pas une seule seconde on y croit. Difficile dès
lors d’être raccord avec ce mélodrame milanais, où un policier, à épouse
photographe qualifiée de « présomptueuse », héberge à domicile une prostituée
dépressive, où le papounet mène une enquête express,
au terme de laquelle il découvre, sidéré, qu’il faut toujours se méfier de
l’entourage effroyable, croisé au sein malsain d’une cité déshumanisée, à la
grisaille de funérailles, à la compassion de simulacre à la con. Fille à papa,
fille de son papa, l’adorable Donatella s’abreuve de vernis rubis, ceci servira
ensuite à l’identifier à la morgue immaculée, car assommée à la clé à molette, elle
finira enflammée, dommage, ultime outrage, « brûlée vive », hurle la
une, cramée à cause d’un pyromane infâme, comme jadis la maudite Barbara Steele
(Le
Masque du démon, Bava, 1960). De l’Inquisition à l’exploitation, de la
chasse aux sorcières au commerce de la chair, des violences faites aux femmes
selon des hommes ignobles, des complices féminines à vous filer la déprime, aux
images figées d’un monde immonde de toute éternité, l’item de Tessari consigne l’acte de décès embrasé, glacé, d’une
libéralisation de la sexualité fissa transformée en libéralisme structuré démuni
de la moindre pitié, en capitalisme assumé, faisceau de « pervers du
plastique », parents complaisants, « call-girls » pragmatiques. Il
demeure ainsi fidèle à l’esprit de colère et de mélancolie d’un romancier dont
le moralisme droitiste put démanger la sensibilité gauchiste. Dès le générique
de tourisme en tramway, perspective à
deux côtés, à montage alterné, animé d’un hymne irrésistible, presque
bondesque, que magnifie la voix de Mina, le cinéaste suit les rails du rapt (rape) et de la revanche (revenge),
du programme narratif parcouru en caméra portée, aux faux airs de documentaire,
de polar préoccupé de fait de société. Parfois poignant, cf. les affaires de la
disparue si chère à ramasser, emballer, jeter, sur fond d’orgue d’église,
lucide quant à l’insatisfaction que fournit la triviale extermination, laver
son linge sale en famille au pressing,
en parallèle à celle, davantage rurale, des Chiens de paille
(Peckinpah, 1971), pourvu d’un casting
choral impeccable, Gillian Bray ressemble un brin à la compatriote Diana Rigg,
la coproduction italo-teutonne cependant ne passionne, pas assez cruelle, trop
impersonnelle. Du gardien de maison prison en congé, on prend donc congé via l’avis mitigé.
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