Pas très catholique

 

Un métrage, une image : The Rosary Murders (1987)

Huit années après son titre le plus emblématique, Terreur sur la ligne (1979), Walton signe donc son ultime film, avant de se transférer définitivement vers la TV, pour laquelle il dirigea déjà des épisodes des séries Alfred Hitchcock présente et Deux flics à Miami. Ce requiem à base d’inceste et de meurtres sériels inspirés par le Décalogue représente par conséquent un double adieu, adressé à une adolescente abusée, suicidée, à une éphémère carrière sur grand écran. Tourné à Detroit, ça se sent, ça se voit, en avril de vendredi saint malsain, ne te découvre d’un fil, ma fille, The Rosary Murders, intitulé explicite, ici aussi connu comme Confession criminelle, met en images un roman de William X. Kienzle, ex-prêtre et journaliste ensuite passé par l’université puis l’écriture de bouquins policiers, le premier consacré au récurrent curé Robert Koesler. Flanqué du fameux Elmore Leonard, lui-même de là-bas, diplômé d’une faculté jésuite, fichtre, souvent associé au ciné, citons par exemple le diptyque choc et chic Jackie Brown (Tarantino, 1997) et Hors d’atteinte (Soderbergh, 1998), le réalisateur guère amateur, récompensé en doublé, à sa santé, à Cognac, topographie la paroisse, pose sur la bande-son, en conclusion, une chanson comportant un sample du symphonique Brahms, réplique classique à Un jour au cirque (Buzzell, 1939), « tout s’harmonise », philosophe le Stephen King de 22/11/63, himself admirateur avoué du polardeux précité. En dépit de la ponctuelle présence de l’impeccable Charles Durning, The Rosary Murders ne ressemble à Sanglantes confessions (Grosbard, 1981), ni à La Loi du silence (Hitchcock, 1953), ni à Léon Morin, prêtre (Melville, 1961), ne prophétise a fortiori Twin Peaks: Fire Walk with Me (Lynch, 1992). Cependant il dialogue à distance avec la quasi trinité d’items plus ou moins célèbres, salués, il en partage quelques thématiques et problématiques, à propos du péché, du secret, de la profanation, de la rédemption. Tandis que le massacre sévit en autarcie, à l’hôpital, au confessionnal, gare à la baignoire, accident à la casse, communion d’oraison, cuisinière de cimetière, flics intervenus, fissa descendus, le père doux-amer reçoit un aveu amoureux, une explication sous autorisation. Dans cet univers austère, où le confrère in fine menacé refuse de baptiser un enfant né hors mariage, dommage, la complicité, la tendresse et le sourire résistent, la parole possède un pouvoir supérieur, provoque la « honte », se voit dévaluée à un mensonge, s’écrit sur du papier immaculé, puisque vœu de (sur)vivre en recluse silencieuse, procède du jeu de mots de tombeau, homophones de commandements, patronymes sans testament, met à nu autant la culpabilité que la vulnérabilité, exprime une violence familiale plus banale, triviale, insoutenable, que celle mise en scène au carré, à main armée. Si le Verbe se trouve au commencement, au dénouement, le cœur et le corps expérimentent la douleur encore. Opus dépressif mais muni d’une forme d’optimisme, châtiment immanent, dilemme à la limite et à l’écoute de l’obscène, The Rosary Murders transforme l’humain, trop humain, Donald Sutherland en vrai-faux sosie de David Cronenberg, accorde à la brève Belinda Bauer (Flashdance, Lyne, 1983, RoboCop 2, Kershner, 1990, Necronomicon, Gans, 1993) un second rôle triste et drôle, rédactrice d’article, soft féministe, fumeuse amoureuse et malheureuse, dont la confession paraît enterrer les sexuels excès, la déréliction de saison, des possédées seventies, Friedkin opine. Cette femme-là affirme avoir perdu la foi, ne plus reconnaître le calvaire christique, toutefois le cinéaste modeste et précis ne manque de foi dans les puissances du cinéma, sa capacité à matérialiser, immortaliser, des âmes tourmentées, damnées ou pardonnées. Le chemin de croix se termine ainsi sur une missive définitive, lettre d’amour et d’absolution d’outre-tombe, que conserve le père pervers, cadavre remis à la divine merci, avec la persévérance et l’importance d’une pascalienne relique d’épiphanie fatidique cousue au creux du pardessus, via une voix off fantomatique accompagnée d’un panoramique mélancolique de chambre intacte et patraque. Koesler ne lève les yeux au ciel, majuscule optionnelle, lève la tête, avise le visage de la pas conne Pat Lennon, disons revenue d’entre les mortes, fragile et forte, Marie Madeleine de fin ouverte…     

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