Old Boy
Un métrage, une image : Black Phone (2022)
Comme les contes, les films
horrifiques carburent à la catharsis, purgation des passions, terreur + pitié
par procuration éprouvées. Ce Petit Poucet piégé du siècle dernier s’appelle
Finney, va devoir survivre, au sous-sol insonorisé, au tour atroce que lui joue un
magicien malsain, au van de
ravisseur, aux ballons d’ébène. S’il ne possède pas une once de suspense, on devine vite que le sportif
à batte, victime de violences scolaires, en compagnie d’un ami, de sa sister solidaire, s’en sortira, thérapie de choc
pour triple trauma, car en plus
orphelin de mère, pourvu d’un père démissionnaire, le jeu dangereux se suit
sans ennui, certes lesté de jump scares à la con, disons d’un gros quart
d’heure trop long. Produit par la redoutable Blumhouse, société spécialisée
dans la production de bouses maousses, Paranormal Activity et compagnie, hélas
à succès, le dernier essai de Scott Derrickson, himself natif de Denver, fichtre, réalisateur mineur capable de
l’estimable (L’Exorcisme d’Emily Rose, 2005) ou du
dispensable (Le Jour où la Terre s’arrêta, 2008, Doctor Strange, 2016), Black
Phone
ressuscite ainsi la figure de l’Ogre, le masque, merci à Tom Savini, le
démasque, suggère qu’il s’agit, lui aussi, d’un grand enfant perdu à la Peter
Pan, tortionnaire d’hier, puisque le récit se situe en 1978, l’année de sortie
d’un certain Halloween (Carpenter), similaire et différenciée cartographie
de l’enfer affreux, en banlieue, de la jeunesse US, hom(m)e invasion de Vietnam télévisé inversé,
vécu ici pour de vrai, le Vietcong malvenu devenu increvable croque-mitaine,
manque de veine, et monstre marié maltraité au passé. L’affrontement final entre les
impeccables Ethan Hawke & Mason Thames, modèle de chorégraphie enragée,
découpée, montée, mérite à lui seul le déplacement, au sein d’une salle quasi désertée, climatisée, peu pressée
de répondre à l’appel de détresse. Car le téléphone du gosse morose, courageux,
astucieux, sorte d’émule de MacGyver ne se laissant pas faire, ne cesse en
effet de sonner, ligne hors service de sévice(s), à voix d’outre-tombe
amnésiques, altruistes, celles des précédents disparus puis trépassés. Terre
battue à creuser, câble d’escalade, cadenas à code, combiné de crosse, les
moyens se multiplient, l’ingéniosité ne fait défaut, même si la sortie se voit
bloquée par la double porte fermée du congélo (la barbaque dégotée servira à se
débarrasser de l’attaché cerbère, super). Tandis que la proie reçoit des
astuces de l’au-delà, sa sœur croyante expérimente les rêves visionnaires de sa
maman classée cinglée, suicidaire, aux gars le pragmatisme, aux nanas
l’onirisme. En dépit d’un dédoublement de baraques patraques, cimetière du
frère achevé d’un coup de hache, détective amateur au chômage, qui grâce à un
rail de coco illico comprend et
descend vers l’insoupçonnable, l’impensable, rôle et acteur à la Jim Carrey,
allez, permission de sourire, de souffler, tombeau des ados, tout se termine
bien pour les bambins, retrouvailles sur fond de funérailles, au lyrisme rapide.
Rentré au collège, l’élève dévisagé, à « binôme » guère à la gomme,
revoilà la lucide et admirative Donna, ira sans doute voir en douce Massacre
à la tronçonneuse (Hooper, 1974), conseil cinéphile du Latino décédé,
boucle bouclée, fait divers fictionnalisé, satire hystérique à vous dégoûter du
Texas, vous rendre végétarien. Basé sur une nouvelle de Joe Hill, donc du fils
de Stephen King, le carton de Derrickson adresse des clins d’œil à Ça,
salut, Papa, ne saurait rivaliser avec l’éprouvant et portant amusant Michael
(Schleinzer, 2011), cependant divertit, donne raison à la déraison, au pardon,
à la solidarité ensanglantée, constitue de surcroît une autofiction, où déterrer,
enterrer, ses siens démons…
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