Prédateur : Roar
« Où est son
bras ? » « Sûrement au même endroit que la tête de sa
femme. »
Un doublon de lions de 2 mètres de
long, sans la queue, précision de taille, pour ainsi dire, et 200 kilogrammes
transforme Amsterdam en garde-manger : l’argument assume son absurdité
tandis que le métrage presque d’un autre âge se suit avec sympathie. Immortel
auteur, au siècle dernier, des immarcescibles L’Ascenseur et Amsterdamned,
Dick Maas revient donc en 2016, après une absence d’indifférence, au moins en
France. Comme si l’imagerie horrifique, même drolatique, semblait bel et bien
figée au sein des années 80, nous revoici aussitôt, dès le générique, de retour
chez Wolfen,
avec son nocturne POV animalier. Au loin, la ville léonine brille dans la nuit.
Bientôt, elle se réveillera dans la terreur. Prédateur alterne
boucheries jolies et stratégies collégiales. Durant le prologue à la Poltergeist, une
gamine se réveille alors qu’une ombre massive, presque empruntée au tandem Tourneur & Lewton, traverse
ses stores ; au rez-de-chaussée, sur le seuil, sa sœur se fait ramener à
moto puis bouffer par le gros félin en compagnie de son amoureux. Lorsque le
père, very vénère, aperçoit sa
progéniture à genoux, au coin d’un mur, elle semble sucer son cher motard –
trop tard ! La voici envolée vers l’avant, avant ses parents et finalement
la survivante traumatisée de cinq années, olé. S’il cadre en Scope et compose
son propre score, nul ne prendra
l’homme des Pays-Bas pour un clone de
Carpenter et Prédateur pâtit de CGI à l’économie, pris sur un budget deviné
riquiqui. Tout sauf à la masse, Maas suggère, préfère la chasse au dégueulasse,
n’omettant pas cependant de répandre le sang au moment requis.
Une vétérinaire et un caméraman de
TV, couple séparé, retrouvé, occupent la case romance d’un titre multiple,
mixture aimablement impure de thriller,
de comédie, d’action, de survival, de
mélodrame aussi, puisque le chasseur londonien, en fauteuil roulant équipé de
chenilles de char, amputé d’une jambe,
de deux, clin d’œil inconscient à James Stewart selon Fenêtre sur cour,
succombe au souverain de la jungle
urbaine, de toutes manières déjà condamné par un cancer (du foie). Le chef des
policiers, possiblement enfui de Police Academy, sacrifie son
cousin zinzin + son grand fils à caprice sur l’autel de la sécurité publique,
proies d’un parc itou fréquenté par des skins
assurément racistes et des militaires tête en l’air. La plaisanterie assez
soignée, idéale pour être visionnée entre adolescents indulgents un samedi soir
à pizza/Coca, se termine à
l’intérieur idoine d’une morgue, s’achève sur un passage ferroviaire
incendiaire. Gentiment féministe, notre cinéaste sexagénaire, guère mercenaire,
se plaît à filmer son héroïne intrépide, lucide, magnanime, incarnée par la
svelte et honnête Sophie van Winden, à mettre à l’honneur et en valeur une cité
qu’il connaît, associant hédonisme et angoisse, certes superficiels. Du
cinématographe, tout ceci ? Pas exactement, plutôt du ciné sincère, du
divertissement souriant, y compris quand le tram
déraille, à cause d’un passager à poil(s) dépourvu de ticket. Modeste et amusant, mentions spéciales à la scène des
golfeurs désunis, à celle du livreur de rôtis, Prédateur ne rend pas fun l’infanticide mais fera frissonner
les enfants, distraira les adultes.
On peut et l’on doit demander
davantage au/du cinéma, surtout en amateur des films dits d’horreur. Néanmoins,
Maas mérite le respect pour son intégrité, pour proposer en indépendant pareil
produit éloigné du mépris, délesté de cynisme et d’amateurisme. Alentour, le
monde existe à peine, tenu à distance de la diégèse, retransmis par les médias,
éteint par la télécommande, mentionnons des vieillards prisonniers d’une cabine
d’immeuble, discret private joke, ou une émeute de foyer de réfugiés
à la frontière, indice de conscience sociale subliminale. À défaut de « rugir
de plaisir », on échappe au pire, de la part d’un scénariste-producteur
par conséquent capable de prétendre au statut d’auteur, tant pis pour le manque
de profondeur de sa prose et de ses plans, à l’instar de Simba, le clébard des
tourtereaux évidemment baptisé d’après Le Roi lion de Disney, joueur
innocent, inconscient du danger tapi en coda derrière le feuillage, n’en
déplaise à un écolo démago, à ombrage…
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