Désir(s) : Les Hommes du feu
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Valeska
Grisebach.
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Mélodrame teuton triangulaire pas
déplaisant, au contraire, même si la réalisatrice se repose sur son beau trio
de serrurier, d’épouse, de serveuse. Annoncé dès le prologue en bagnole
fracassée, poursuivi via une
référence shakespearienne, le romantisme macabre de la fable rurale trouve sa
double acmé dans une chute de balcon, un suicide au fusil de chasse. Ici, pas
de pourri(e)s, juste des « petites gens », comme les désignent ceux
qui se croient grands, saisies à hauteur d’émotion, de destruction. Aimer blesse,
le sexe ne suffit pas, alors que faire, à part (se) fuir, faire ensuite parler
des enfants rassurants, chœur de coda ouvert sur la certitude de la survie,
l’incertitude de la femme d’une vie ? On retiendra deux danses, solo sur
du Robbie Williams, en couple à côté d’un bûcher surveillé ; une scène
sexuelle, physique, pudique, en forme de supplique ; l’angoisse
métaphysique d’un gamin ; le regard-repas d’un lapin – autant de riens,
autant de vies, autant d’envies ne rimant à rien, sinon à la division du
bonheur, des cœurs, des corps, sous le gris, la pluie, de l’amour à mort.
2
Demeure un mystère plus troublant que
l’adultère en terre étrangère. Sehnsucht – l’intitulé original,
clin d’œil disons inconscient à un Murnau perdu, se dispense du pluriel optionnel
de sa traduction française – date de 2006 et le dernier film de Valeska
Grisebach, Western, sortit l’an dernier. Carrière commencée en 1997,
constellée de quelques courts et documentaires, de collaborations d’occasion
outre-Rhin, en tant que script advisor : comment et de quoi vit-on
durant une dizaine d’années ? Joe Dante faisait récemment remarquer que
les blancs d’une filmographie correspondaient à des périodes non pas
d’inactivité mais de rédaction de scénarios, de soumission de projets, d’épuisantes
recherches de financement. Je ne cite pas ce cinéaste à l’opposé de
l’auteurisme européen, de ses moyens de production, diffusion, exploitation,
représentation, au hasard. Que l’on vive à Hollywood ou survive ailleurs, il
s’agit toujours du même contour, d’un processus
similaire et cependant différencié de fabrication des films, de leur naissance,
voire errance.
3
Au cours de la formation, Markus
explique à un collègue la rareté des interventions au village, puisque les
pompiers volontaires ne s’y investissent que sept ou huit fois par an. Et il
rajoute trouver ceci suffisant, tant le stress
l’oppresse, davantage existentiel que matériel. Laissons les cinéphiles
nostalgiques, naïfs, regretter le temps des studios US, de « l’usine
à rêves » industrielle, aux contrats syndicaux de sept ans, malheur
sonnant et trébuchant. Tu aspires à des appointements garantis, réguliers ?
Change de métier, malgré les particularités locales du système des « intermittents
du spectacle ». En dépit des conventions d’assurances, des certifications
de « bonne fin », des séries/déclinaisons cyniques, le cinéma
continue à perdurer, au moins en partie, en fabrique de prototypes, en
loterie aventureuse, hasardeuse, en artisanat de nababs et de désargentés,
riches de sacrifices offerts à une passion purement aléatoire. Pareillement
courageux, les hommes et femmes du feu des salles pas assez obscures, adultes,
démocratiques, s’affirment en fumée.
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