Hamlet : Les Princes


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Svend Gade & Heinz Schall.


1

« Je ne suis pas un homme et je ne peux être une femme ! » : tout ceci, infini, très théâtral, ne saurait effacer l’émouvant souvenir androgyne de La Reine Christine, et star poussiéreuse alors maquillée comme Conrad déguisé en Cesare, Asta croisa d’ailleurs Greta dans une rue sans joie ; pour du saphisme, on repassera, pour du cinéma, aussi, tant pis ; déplorons la hideur de l’accompagnement musical. Plutôt seul/silencieux que mal accompagné, en effet…

2

« Ton cœur d’or était celui d’une femme ! » : le pauvre Horatio, un peu paupérisé du ciboulot, vient enfin de comprendre que l’étudiant (de Copenhague, pas de Prague) s’avère une étudiante, certes moins souriante que celle de Sophie Marceau. Lorsque Mademoiselle Nielsen, instigatrice de l’entreprise un brin narcissique, rabat désespérément sur sa gorge un pan de costume, un soupçon d’érotisme anime la momie. Touché par hasard, le sein émeut…

3

Avant elle, notre Sarah Bernhardt nationale s’y colla selon le similaire emploi. Si la transposition de Laurence Olivier n’usurpe pas (le trône d’Elseneur) son excellente réputation, grâce à sa réalisation inspirée, à la direction de la photographie évocatrice de Desmond Dickinson et, last but not least, à la présence de la suave Jean Simmons, Méliès s’y mit dès 1907 et Chabrol salua le dément danois en 1963. Verrons-nous un jour Alida Valli ?...

4

Mel en Hamlet, arme fatale de Franco Zeffirelli, se tourmentait sur du Ennio Morricone, tandis que Disney s’appropria la trame à l’occasion du Roi lion. Cosmopolite, l’argument dramatique britannique traversa les frontières, visita, par ordre chronologique, France, Italie, Allemagne, Inde, Australie, Japon (belle variation enragée de Kurosawa via Les salauds dorment en paix), Chine, USA, Danemark, Turquie, Canada, Finlande, Russie et même Iran…

5

Être ou ne pas être – résistant, rajouteraient Ernst Lubitsch puis Mel Brooks, quelle idée, me direz-vous, d’aller jouer Shakespeare en Pologne, en 1939, à proximité du pire. Il existe des études de littérature comparée, toutefois l’on se gardera d’élire le vainqueur du duel fraternel, pacifique, sur fond de guerre à (re)faire, car chacun des deux titres possède ses propres mérites. Mel 2 produisit Lynch & Cronenberg, épousa Anne Bancroft, CV à envier…

6

Au ciné, à la TV, de loin, de près, le faux fou ne cesse de se démultiplier. De 1900 à 2014, le corpus spécialisé comporte disons une cinquantaine d’items. Depuis 1603, pièce publiée, quelque chose de pourri (au royaume du Danemark et au-delà) rapporte. Asta Nielsen, consciente de ce capital culturel, double acception de l’expression, entendait, mutique, faire dans l’artistique. L’art funéraire et populaire ne supporte pas pareille prétention à dérision…

7

Pourquoi tout cela, cette pérennité centenaire, à l’exception des années 30, film d’horreur vécu à coup de Grande Dépression et d’élections teutonnes ? Parce que Hamlet s’y prête, parce que Bill écrirait désormais des scénarios, tel le Stendhal de La Chartreuse de Parme. Solitaire donc cinéphile, metteur en scène donc cinéaste, comédien donc acteur, trompeur épris de vérité, assassin par ricochet, ce mec mélancolique, sarcastique, tient un miroir méta.


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