Biology 101 : Anatomie de l’enfer
Réservé aux membres ? Minoré par l’anémie.
Pourquoi passer/perdre sur PC
l’épuisant ensemble de ses nuits ? Parce que « la vraie vie, ça
craint », putain, pardi. Pourtant le père Pollard, pas si pervers ni
polaire, que ne laisse pas de bois la plastique impeccable de Noelle DuBois,
possède une planque, pardon, une place pépère, professeur universitaire +
directeur de département, une épouse compréhensive, au physique plaisant, abonnée
au sexe hebdomadaire, plutôt à son absence, à cause des connexions précitées,
une fille certes adolescente, donc un chouïa chiante, mais au fond fidèle à
l’innocence de son enfance pas tant à distance. Innocent, le bon Bill, victime immaculée
d’un chantage au viol, d’une extorsion de microscopes devant lesquels se pâma
son collègue dégarni, en blouse blanche ? Pas tout à fait, car il cache un
pistolet dans son placard, car il insulte sa muse maquée avec un autre (que
lui), car il s’en va trouver, armé, le couple soupçonné de corrompre sa petite
princesse. Contre toute attente, la coda ne propose pas un règlement de comptes
létal pour solde de tout compte trivial, elle (dé)cadre les deux mâles
immatures mis dehors par l’étudiante désarmante, littéralement, qui repasse sa
lingerie près du lit, qui collectionne sur un tableau les préférences de ses
clients, qui finira, in extremis, par changer de pseudonyme et
de persona, ancienne Dani Darling,
désormais Lovely Lisa, le doyen lui-même n’y résistera pas. Filmé sous valium,
interprété par un casting de MJC,
musicalisé de manière minable, Biology 101 (2013) ne passionne
point, euphémisme magnanime, il évite toutefois de pratiquer le puritanisme, de
macérer dans la misogynie ou la misandrie, il parvient à esquisser des
solitudes réunies par un scénario bateau, le cinéma indépendant US désargenté comme
déjà formaté par la TV.
En compagnie de sa compagne Liz
Bradley, aux postes de co-scénariste/productrice, directrice artistique, responsable du web design,
le méconnu Christopher R. Smith écrit, réalise, monte et ne se démonte pas à
l’occasion du portrait trop sage, privé de vrai dommage, pour le spectateur, pour
le protagoniste, d’un homme mis sous pression, au bord de l’implosion, en proie
à une obsession provoquant une masturbation de compulsion, à domicile ou en
cours, la boîte de kleenex ou le
rouleau de papier toilette compatissent, une pensée salissante pour le sopalin
du spécialiste John B. Root. À défaut de faire défaillir le cinéphile estival
ou la ménagère quinquagénaire, Biology 101 ne manque pas d’un
certain humour, items salaces de
copies hallucinées à la clé, ni d’ironie réflexive, Hannah contactée puis
rencontrée par Shawn grâce à son profil en ligne, la catégorie Sexe mentionnant
en français un amusant Femme Fatale, Diane en quête d’une recette pour épicer
sa sexualité, justement sur le site de DD (elle replacera la panoplie, elle
épargnera un pénis violet), et ne pousse pas la plaisanterie sociologique
au-delà de soixante-quinze minutes. Le titre peu priapique s’achève sur le
retour apparent à la réalité rassurante d’avant et cependant Bill Pollard
paraît une bombe à retardement, soumis à l’insomnie davantage qu’à l’amnésie,
toujours incapable d’accomplir son devoir conjugal, bien que sa chère
progéniture semble rentrée dans le droit chemin de la prochaine université.
Bill ne dort pas, il cogite, et la première scène, une fois le diaporama du
générique pudiquement lubrique bouclé, matérialise son idée fixe posée sur ses
traits, tempête sous un crâne et à l’intérieur d’un caleçon à l’unisson des
réflexions informatiques colorées, mobiles, juvéniles, à la surface de son
visage vaincu.
Si le réel déçoit autant, s’apparente
à un film en noir et blanc, si aucune relation digne de ce nom ne se vit
vraiment, à peine des simulacres de médiocres séries télévisées, si la mort,
sans effort, éteindra un jour tous les ordinateurs, abolira toutes les amours,
remercions le capitalisme d’avoir su réinventer la prostitution via la virtualité, d’en avoir conservé
les avantages aux dépens des inconvénients. Tel un avatar d’Aladin,
l’internaute ordonne au modèle on line, quasiment bressonien, ses désirs
désolants et l’image fait semblant, naturellement, elle déploie ad nauseam
les apparences de la jouissance, elle expose son intimité rémunérée, elle cède
à chaque show une part de son âme
vampirisée par la webcam. Le film
anonyme de Smith, patronyme passe-partout, pouvait s’engager sur ce terrain
dépressif, opter pour le mélodrame méta, pour le trouble au miroir. Hélas, il
laisse sa Marissa à son CV vide, à son statut stérile de maître-chanteuse guère
heureuse. Un film lucide, adulte, excitant,
émouvant, sur ces héroïnes de notre temps, amitiés à Lermontov, reste à
réaliser, voire à visionner, seul ou accompagné.
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