Embryo : Dobermann
« Apprenti sorcier » à
L.A. + bouillabaisse presque marseillaise.
Ce téléfilm de luxe millésimé 1975
constitue un sommet de ciné réactionnaire. Résumons : le généticien veuf,
sa moitié décédée à la suite d’un accident où il tenait le volant, parvient à
sauver le troisième membre d’une portée, la femelle hélas renversée, rate
perforée, par ses soins nocturnes et pluvieux. Grâce à des injections de
« galactogène placentaire » et d’une hormone secondaire, le clébard
croît et notre toubib n’en croit pas ses yeux, stupéfait par les progrès
cognitifs du canidé. Il ignore, le pauvre, que le doberman trucida aussi sec un
roquet le menaçant de ses aboiements d’inconscient. Peu après, enhardi par son
succès, le voici en train de reproduire un processus
similaire sur un fœtus humain,
récupéré auprès d’un confrère complaisant. Manque de chance, le rejeton de la suicidaire
anonyme grandit aussi vite, brille en société, expérimente le sexe avec le
scientifique, avant de découvrir son addiction à la con et son vieillissement express. La lutte contre la progéria
prendra la forme d’une lutte de territoire et la belle-sœur/assistante rancunière-jalouse
du pygmalion y passera, comme son fiston (rescapé de fausses couches en série) dans
sa tentative de délivrer sa propre épouse enceinte, elle-même délestée fissa du
« fruit de ses entrailles » (mais la kidnappeuse se déculpabilise
avec ses prochaines grossesses). Victoria, pas vraiment victorieuse, finira
momifiée, manquera d’être noyée par le prêteur de serment altruiste reconverti
à la vitesse grand V – au cours d’une centaine de minutes, quand même – en ironique partisan de l’avortement. Le film et la fable s’achèvent sur son cri à la
Rocky, son corps maintenu par des policiers, peine perdue puisque sur la bande-son
résonne le hurlement du futur garnement, triple punition (quadruple si l’on
compte la prostituée parturiente, payée-opérée de manière mortelle) en
conclusion de malédiction.
Moralité : tu ne te prendras pas
pour Dieu, même si ton labo s’orne de la reproduction d’un célèbre plafond de chapelle
au Vatican. Oublie la Création et paie l’addition, ravale tes avortons. On le
voit, tout cela ne brille guère par son progressisme ni par son féminisme, et Embryo
semble de facto à contre-courant de
son temps, en sus de présager d’autres joyeusetés autour d’une terrifiante
maternité, par exemple Inseminoid ou Xtro. Ici, point de
fécondation stellaire, de viol extra-terrestre, plutôt une tentative de nous
refourguer La Fiancée de Frankenstein en anticipant La Promise. L’acmé bien
nommée du récit se déroule d’ailleurs par une nuit d’orage réprobateur à la
James Whale ou Franc Roddam, la consommation de l’inceste par procuration à
gauche du cadre et les portraits de famille, dont celui de la Nicole occise sur la route, à
droite (du Seigneur). Outre posséder quelques soupçons d’humour involontaire,
quoique, cf. l’alliance tripotée avant de faire passer la Galatée sous OGM, instruite durant son sommeil, « à la casserole » et, histoire de
rester dans la délicate métaphore culinaire, avec ou sans adjonction de sérum
issu de la « glande pituitaire », une réplique drolatique due à la VF
à propos de la spécialité poissonnière méditerranéenne mentionnée supra, de quoi égayer disons une soirée d’oisiveté
de scribe sudiste, Embryo vaut surtout pour sa distribution. Sans Rock Hudson
& Barbara Carrera, sans Diane Ladd dans une moindre mesure, tout ça ne
tiendrait pas (debout), ne retiendrait pas notre attention, et même avec ce
beau trio, le métrage respire à peine, organisme anémié à transformer le conte
pour adultes désenchanté de Mary Shelley en dangereux pamphlet transgressif.
Rock, solide dans tous les sens, l’un des acteurs les plus sous-estimés de sa
génération, bouleversant évidemment chez Douglas Sirk, (re)matez Tout
ce que le ciel permet muni(e) d’un mouchoir, porte l’ouvrage sur ses
épaules « intègres » et tragiques.
Barbara, qui ne connut pas non plus
la carrière qu’elle méritait (risquez-vous à l’improbable Condorman) au vu de la
crédibilité de sa juvénilité, séduit par sa grâce, sa beauté, son talent, ses
tourments. Quant à Diane, elle fait la gueule ou lance quelques piques avec une
conviction de saison, bien avant de jouer une mémorable hystérique maternelle de
small town pour le Sailor
et Lula de Lynch. N’oublions pas de mentionner le délicieux caméo de
Roddy McDowall en jouer d’échecs mis en échec, ulcéré d’être battu par une
inconnue, une « femme », la prochaine fois, Cornélius démasqué,
essaie le jeu de dames. Je badine et je taquine, mais le scénario de Embryo,
co-écrit et co-produit par une représentante du « deuxième sexe », Anita
Doohan, pouvait donner naissance à un grand film troublant, dérangeant,
poignant, notamment avec son générique décalqué de celui de Sœurs
de sang, précieuse parabole laïque et horrifique des joies (en tandem) de l’enfantement. En dépit de
connaître le « plus beau jour de sa vie », le spectateur cinéphile,
passionné ou non d’obstétrique, s’amusera avec la caution médicale et se
montrera indulgent avec l’ensemble à soigner en raison des actrices et de
l’acteur précités, car il s’avère au final bien inutile de quêter sa pitance scopique
(remarquez les miroirs et saluez Piaget) ailleurs, au-delà, mettons dans la
musique (Gil Mellé signa la partition du Mystère Andromède de Wise), la
direction de la photographie (Fred Koenekamp éclaira Patton + Papillon
de Schaffner et Amityville de Rosenberg) à la « même enseigne »
impersonnelle, sinon famélique, que la réalisation du mollasson Ralph Nelson
(auteur d’une adaptation de l’émouvant Des fleurs pour Algernon devenu Charly
en 1968 puis de Soldat bleu, western « révisionniste »
assez renommé sorti en 1970).
Ne vagissons pas sur le nouveau-né
très daté, malformé, incapable de se développer dans notre conscience, mémoire,
article, moins encore de rimer avec Chromosome 3 ou L’Enfant sauvage. Il
suffit parfois d’un filigrane de trame et de comédien(nes) attachant(e)s pour
éviter le naufrage complet. Allez, à la niche et oublions la leçon de mormon
sur le vil « instinct de survie » et les ravages d’un autre âge d’une
« science sans conscience », amen,
tant pis pour les monstrueuses merveilles de l’eugénisme 2.0 de notre
capitaliste modernité, olé.
PS : opus visionné sur le site sympathique d’un généreux
« dénicheur de bis », CQFD.
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