La Femme du dimanche : Enquête sur la sexualité
Un porc à balancer, sinon à occire ? Un dossier socio-sexuel, à
rouvrir.
Comédie policière adaptée d’un opus à succès de Fruttero & Lucentini,
sorte de tandem transalpin plus
taquin que son homologue Boileau & Narcejac, La Femme du dimanche
(Luigi Comencini, 1975) constitue quarante-cinq ans après l’instantané d’une
époque a priori enterrée,
accessoirement une visite guidée, inspirée, de la cité de Turin, où se croisent
et s’entrecroisent les classes, les espaces, les gestes salaces, les valeureux
visages. Jadis, y compris en Italie, territoire molto catho, mate-moi la grosse
croix du commissariat, alors sous l’emprise du terrorisme, des enlèvements
d’enfants, surtout friqués, ensuite en Suisse abrités, on pouvait donc
fréquenter une conférence sur la « masturbation infantile » sans
passer pour un pénible pédophile, polanskien ou point ; on pouvait en sus,
locution de saison, se vautrer dans la « boue sexuelle » vomie par le
Minos misogyne de Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975), parfait contemporain
et idem produit franco-italien. À
base d’obsédante libido, de cinéma
porno, de couple homo, de prostitution nocturne, arborée, en plein air, la
police rafle et ne laisse plus faire, de fabrication massive de phallus fissa transformé en ironique arme
du crime, de voyeurisme miroité, d’adultère consommé, La Femme du dimanche, sur
lequel j’écris aujourd’hui, parallélisme dominical, cartographie les mœurs
amusantes d’une bourgeoisie lestée d’un charme pas si discret, car Comencini,
jamais marxiste, encore moins manichéen, ne filme pas des pantins, plutôt des
putains, parées d’un imperméable aux allures de préservatif, d’une perruque à la
Pulsions
(Brian De Palma, 1980), des personnages d’un autre âge, avant tout déterminés
par leur désir, ludique ou économique, sentimental ou létal, par une sexualité
à la fois aimable, discutable et triviale.
Précédant de peu son confrère Scola,
je renvoie vers Une journée particulière (1977), Marcello en point commun, le
cinéaste humaniste, moraliste, précis, admirez le déroulement de la séquence
aux puces, carrefour des parcours, cristallisation des tensions, acmé de
mélodrame dépourvue de pathos et, last but
not least, leçon de réalisation, de montage, beau boulot du méconnu Antonio
Siciliano, de musique, ah, le piano psychotique d’Ennio Morricone, au passage
partenaire sur le Belmondo précité, décrit deux « tantes » avec une
modestie et une empathie largement préférables aux caricaturales fariboles de La
Cage
aux folles (Édouard Molinaro, 1978). Co-écrit par les incontournables
Age & Scarpelli, photographié de façon ouatée par Luciano Tovoli, à peine
sorti du Profession : reporter d’Antonioni (1975), déjà en train de
se soucier de Suspiria (Dario Argento, 1976), porté par une distribution
chorale remarquable, mentions spéciales à l’irrésistible Jacqueline Bisset, ici
frisée, fichtre, à l’émouvant Mastroianni, in
extremis esseulé sur son lit d’illettré, de prolétaire romain aux prises
avec sa manière de s’asseoir, de placer ses couverts, au souvent excellent
Jean-Louis Trintignant, à nouveau véhiculé, in
fine égaré au creux d’une ville vide, en vacances, comme en écho au Fanfaron
(Dino Risi, 1962), La Femme du dimanche repose par conséquent sur une lettre jetée
de souhait exaucé, transmise aux autorités par une domesticité licenciée, sur
un municipal et mortel projet immobilier, sur un jeu de mot dialectal et un
chantage fatal. Au cœur du Cluedo délocalisé, du petit théâtre de la cruauté,
explicite rideau rouge chez les sœurs assassines, où se moquer d’autrui, de ses
habits, en comité réduit d’oisifs complices, coupables d’inanité, de
discussions à la con au sujet de la juste prononciation de Boston, les usuals suspects nordistes, un brin racistes, a fortiori envers les sudistes, c’est-à-dire les Siciliens, accomplissent
leurs sévices au ralenti, ponctuations psychiques aux limites de l’onirique.
Cru et courtois, voire chevaleresque,
tout sauf homophobe, le flic finit par faire l’amour avec l’épouse callipyge d’insipide industriel
presque aussitôt partie, puisque les puissants, en définitive, finissent
toujours par vous baiser, au propre, au figuré, gaffe à l’allumette soufflée,
extinction de romantique illusion, d’autant plus affublé d’un patronyme en
effet prédestiné, Santamaria vous voilà, digne de la Démocratie chrétienne, yes indeed. Certes, tout ceci ne
saurait posséder la douleur de L’Incompris (1966), la vigueur du Grand
Embouteillage (1979), deux œuvres de valeur auparavant (re)visitées par
votre serviteur, mais La donna della domenica ne démérite
pas, loin de là, sait tamiser sa stimulante satire d’une mélancolie en mineur,
d’un double échec, professionnel et personnel, d’une duelle victoire à la
Pyrrhus. Doit-en demander plus, au cinéma en général et à l’estimable
Comencini en particulier ? Sans doute, sans pour autant se priver du
plaisir de (re)découvrir cet ouvrage sombre et solaire, fermé, ouvert, qui, en
nos temps désolants de confinement gouvernemental dû au mondialisé coronavirus, heureusement aère, suscite le sourire, séduit via sa sincérité, sa pudeur, sa
lucidité, son absence de tiédeur. Un film mineur ? Une étude dotée d’un
cœur.
Bel hommage,
RépondreSupprimerquestion gent féminine d'une autre époque,
et en mode mineur, fin d'année sombre oblige,
voilà un Trintignant jeune et fringant au milieu de ces dames
Club de femmes (1956) https://www.youtube.com/watch?v=LqHRZfdyZF4&list=PLywTchbX65ZmSe16eYNaBLqnKFYx4osu-&index=160
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2021/12/letudiante.html
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