The Boy + The Boy 2 : Greta + Jude
#MoiAussi et retour rassis…
Visionnés à la suite, soirée disons
de diptyque, The Boy (William Brent Bell, 2016) s’avère assez sympathique, The Boy 2 (William Brent Bell, 2020) se révèle vite anecdotique. Sans
verser dans le racisme anti-TV, adouber Dawson, critiquer Mentalist,
Katie Holmes & Owen Yeoman proviennent du petit écran, cela se voit, cela
se sent, à chaque instant, à chaque plan. Les voici en sus desservis par un script insipide, à base de commotionné trauma, de casse-toi loin de ça, de devil doll tu déterreras, voilà, voilà. The Boy nous faisait
frôler les confins de la folie ; The Boy 2 veut à tout prix établir
une généalogie pas si jolie. Il s’agit, pour résumer, d’une perspective
diamétralement modifiée : le premier film flirte avec le fantastique,
avant que le dénouement ne se détourne en direction du thriller – le second s’autorise à l’au-delà, à la malédiction,
d’ailleurs sous-titre explicite de l’intitulé français, amitiés au diabolique
Damien de Dick Donner (The Omen, 1976), à la maudite
transmission. Assorti du scénariste Stacey
Menear, le cinéaste (re)connaît ses classiques, le cinéphile aussi, alors le
blême tandem remémore, une fois
encore, Les Innocents (Jack Clayton, 1961), La Maison du diable (Robert
Wise, 1963), Phenomena (Dario Argento, 1985), Castle Freak (Stuart
Gordon, 1995), Toolbox Murders (Tobe Hooper, 2004) et Halloween (John
Carpenter, 1978), liste subjective, impressionniste, je laisse à autrui, si
l’envie vous dit, le soin de recenser à satiété, jusqu’à la nausée, tous les
innombrables items mettant en scène
les poupées polluées, les pantins malsains. Les objets inanimés, nos
possessions souvent sentimentales, posséderaient donc eux-mêmes une âme,
réponse de saison à la fameuse question du romantique Lamartine ? The
Boy 2 opine, tant pis, tandis que The Boy en donne l’abord
l’impression, la sensation, avant de basculer dans la (dé)négation,
l’éclaircissement-dessillement presque décevant à force de réalisme intrusif.
On trouve dans ce métrage débuté à
l’instar d’un rêve bien sage, héroïne ensommeillée, conduite à une demeure de
conte de fées défait, à travers un paysage arboré, son décolleté immaculé cependant
observé via le rétroviseur par un
chauffeur-mateur âgé, un moment tarkovskien, mine de rien. La nourrice US,
surprise par son sandwich préféré,
sur le seuil de sa porte déposé, attable Brahms à la cuisine, l’invite à se
mouvoir, à prouver sa supposée spiritualité, histoire ne pas devenir cinglée.
Elle veut croire, elle veut que se manifeste ce pouvoir, comme durant la
désarmante coda de Stalker (Andreï Tarkovski, 1979) et sa gamine désormais munie
d’une russe télékinésie à la Carrie (Brian De Palma, 1976). Plus
tard, cette fois-ci en compagnie du livreur dragueur, alias Rupert Evans, vu dans Agora (Alejandro Amenábar, 2009),
pas vu dans Charmed, sorry, chères sorcières, elle teste,
craie à la clé, le mouvement déroutant du minot en porcelaine, laissé seul,
aussitôt, en effet, déplacé derrière la porte, punaise. Rien de tel,
d’apparemment et matériellement inexplicable, dans la vraie-fausse suite, exit la ludique subtilité de la célèbre « suspension
d’incrédulité », pacte/principe esthétique, pas seulement de ciné estampillé spécialisé, car les maléfices sévissent, en série, depuis des décennies, eh
oui. Toutefois un « fil d’Ariane », idiomatisme idoine, Greta
terrasse herself son Minotaure,
dommage pour son tendre et compatissant Thésée, se débarrasse toute seule de
son Barbe-Bleue odieux, à barbe noire, ah, désespoir, traverse les deux œuvres,
celui de la violence sexuée. La première Américaine guère sereine espère
respirer en paix, merci à l’anglaise insularité. Hélas, un océan ne suffit à se
prémunir du colosse tueur de gosse, fauteur de fausse couche, venu la
tourmenter, la soumettre, la ramener à la maison, fais-toi une raison,
accessoirement exploser le crâne de Brahms, mal lui en prend, tu t’en doutes,
lecteur au courant.
La seconde Américaine, pas moins
blessée, lestée d’un sombre et récent passé, hom(m)e invasion
inversant le renversement de situation du premier épisode, lui-même insérable
au sein de ce sillage très étasunien, soucieux d’envahissement et de défense du
territoire, de la propriété, au propre, au figuré, de préférence à main armée,
doit affronter un dévoilé démon ressuscité par/pour l’éducation de son mutique
fiston (une pensée en reflet pour le Wesley de The Parts You Lose,
Christopher Cantwell, 2019, lisez-moi, vous saurez pourquoi). Face au féminisme
soft, jamais misandre, toujours
actif, réactif, de The Boy, où un homme aimable se fait in fine sauver, véhiculer, par une femme fréquentable, affranchie
de tout ce qui l’empêchait d’avancer, l’incitait à se terrer au milieu d’un
manoir victorien, de tournage canadien, pas si hanté, désolé, pour la
rassurante transcendance, vous repasserez, The Boy 2 boucle la boucle des atrocités
prématurées, accomplies par les petits. Auparavant empaleur de gros harceleur
de rousse sister, Jude se lève de son
lit, étranger au paradis domestique et londonien regagné, reprends de mon coq
au vin, mon enfant parlant enfin, ta maman va éditer son auteur favori, youpi,
se dirige vers le placard, cache de croque-mitaine à la King Stephen et se pare
du masque caché, endosse la sinistre personnalité verbalisée, c’est-à-dire
revisite à sa mesure impure l’ouverture de La Nuit des masques, en rappelle le
personnage de tueur infantile, de serineur de sa sœur, auquel fissa
s’identifier, en tout cas le temps d’un plan-séquence en POV, OK. Greta
maternait, histoire de mieux éventrer, au tournevis, oh hisse, admirez le
symbolisme anatomique ; Jude, davantage dissimulé, démontre le faciès
inexpressif, abrasif, au carrefour des Yeux sans visage (Georges Franju, 1960)
et de Bruiser (George A. Romero, 2000), de la part la plus
impardonnable, enténébrée, d’une certaine masculinité, dark side cristallisée en
contrepoint par un fétiche laiteux, aux allures d’albâtre, nettoyé
soigneusement par la maman bientôt sur le point de se battre.
Malgré ses limites, ses redites, The
Boy 2 propose un appel poignant, lorsque Jude, au bord des larmes,
affirme/confirme à sa mère que la créature nantie de règles à la Gremlins
(Joe Dante, 1984), en réalité déréglée au long des années, ne se laissera pas
faire, qu’elle le tient, qu’elle le guide sur un exécrable chemin. Construites
avec un classicisme estimable, soigné, ce couple de moralités endeuillées,
dérangées, dialogue ainsi à distance avec la kyrielle des Annabelle
(John R. Leonetti, 2014, David F. Sandberg, 2017, Gary Dauberman, 2019), son
pendant féminin, pas vraiment misogyne. N'en déplaise aux spectatrices
féministes, l’imagerie de la peur, y compris celle du slasher, Jamie Lee Curtis ne me contredira pas, sait mettre en
valeur des femmes fortes et fragiles, ni sacrifiées, ni stupides, incarnées,
conjointement, par des actrices de talent. La gracieuse, malicieuse, audacieuse
Lauren Cohan – surtout connue pour l’increvable The Walking Dead, sosie mainstream de la classée X Adriana Chechick – le prouve à nouveau, vraie découverte (de votre serviteur) en
grande partie responsable de la réussite modeste de The Boy. Signalons de
surcroît les apports des seniors Diana Hardcastle & Jim Norton, parents
prétendant, ensuite se noyant, à la Virginia Woolf, plouf, géniteurs de malheur
d’un ogre amateur, mangeur friqué de jeunes filles exilées, olé, du
gardien-gredin Ralph Ineson, à l’allemand berger naturellement, ou pas tant,
zigouillé. Et n’oublions pas de donner l’identité de Jude, convaincant Christopher
Convery. En définitive, confinement ou non, par-delà les différences, les
correspondances, par exemple ce doigt tendu, Michel-Ange s’en amuse, les
maisons ressemblent à des mausolées remplis de familiaux et familiers secrets,
ici terrains de jeux dangereux dont l’enjeu, pédagogique, psychologique,
dépasse la dynamique du « genre » et une épuisante-épuisée
pédophobie, cf. l’acmé de L’Exorciste (William Friedkin, 1973),
au grenier partagé.
Comment co-exister avec respect,
honnêteté, égalité ? Comment élever nos descendants, s’élever soi-même
au-dessus du tout-venant éreintant ? Comment guérir du pire, réapprendre à
prendre la parole, à dessiner ses hantises, acte adulte de catharsis
nécessaire, de beauté insoupçonnée ? Comment, au fond, au centre d’une
populaire production, faire de l’horreur dotée d’un cœur ? À sa manière
imparfaite, tout sauf suspecte, parfois simplette, le duo de The
Boy, opus cosmopolite à
succès, et The Boy 2, développement boudé par la critique, le public, répond
quasiment comme il faut, déploie ses qualités, ses défauts, un miroir explosé,
un survivant défiguré, un incendie qui servit, une chaudière d’enfer.
Verserez-vous une larme devant ces mélodrames maternels, surnaturels ? Vous
verrez plutôt que l’eau goutte du plafond, par conséquent que l’inconsolable et
redoutable Brahms paraît pleurer, exercice brechtien à la lisière du rien, CQFD de
ciné distancié.
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