L’Ivresse du kangourou et autres histoires du bush : Des souris et des hommes
Come-back dans l’outback, Kenneth à l’aise…
Avant de succomber à la cinquantaine à
une crise cardiaque, Kenneth Cook écrivit Frill-Necked Frenzy, recueil de
textes courts paru l’année de son décès, en 1987. Devenu en français L’Ivresse du kangourou et autres histoires du bush, tant pis pour l’allitération
évocatrice en VO, le clin d’œil à la « frénésie à collerette » du
lézard homonyme, sorte de gremlin à
la George Miller (La Quatrième Dimension, 1983), de la nouvelle liminaire, dans
les airs, cet ouvrage dépaysant et divertissant mérite d’être recommandé,
surtout en cas de fichu confinement prolongé, many thanks again à l’amie britannique jouant les factrices
fidèles. Je ne reviens pas ici sur ce que j’écrivis à propos de Réveil
dans la terreur (Ted Kotcheff, 1971), relisez-moi ou pas, mais bien sûr
l’opus pour ainsi dire présent
possède plusieurs points partagés avec le roman passé, adapté, à succès, en
tout cas sa transposition de renom, sinon de malentendu sa réception. On sourit
souvent à ces récits à la première personne, narrés avec un style économe, précis,
constamment humoristique, un peu comme si Hemingway délaissait le nostalgique,
le symbolique, donnait dans le drolatique, l’exotique. Composé de quatorze
contes moraux, à la masculinité gentiment moquée, au féminisme soft, L’Ivresse du kangourou et autres
histoires du bush comporte de surcroît un bestiaire tout sauf
bêta. Outre le kangourou alcoolisé à la bière le baptisant dorénavant, voici
donc, par ordre d’apparition, un chien chiant, détaché au bord de l’océan ;
un gros clébard furibard, un chat monstrueux et pas peureux ; un rat rusé,
lui-même un brin aviné, dévoreur de sandwich
et pourquoi pas de ton doigt, un salut à feu George Pan Cosmatos (D’origine
inconnue, 1983) et au vivant Bret Easton Ellis de American Psycho ; un
cheval de poche, qu’il faut monter, c’est-à-dire sur lequel monter, droit tel
un i, remporté pari ; des taupes souterraines, des souris voraces ;
une autruche très revêche, très paternelle.
Tout ce petit monde animal en
rappelle évidemment un autre, d’ailleurs à moitié décalqué de ses antiques
prédécesseurs, celui de La Fontaine, of
course, toutefois Cook déploie sa propre voie/voix, et ses
fables affables, dotées d’une discrète virtuosité, séduisent via leur moralité animée. L’estimable Kenneth, porté
sur les lépidoptères, observe aussi, avec une saine et stimulante malice,
l’espèce bipède, (in)humaine, esquisse des silhouettes jamais suspectes, à
la fois ridicules et candides, voire l’inverse. Un pilote pleutre, plutôt
phobique qu’héroïque ; un « voleur » de voiture distrait, menacé, par un canidé sauvé ;
un vieillard esseulé, par son marsupial maltraité ; un millionnaire instantané, merci au cricket ; des secouristes face
auxquels crier « Au secours ! » ; un chef aborigène âgé,
stratégique et machiavélique ; un conteur idem « ethnique », aux pieds expressifs ; un troisième préoccupé de renouveau chrétien, davantage que de fortune facile, ne reposant
sur rien, pile, face, prends ça dans ta face et ensuite philosophe, sans
oublier des Blancs à « restaurant tournant » démoralisant, assez
hilarant ou à blague fatale, fin de voyage en forme de bras de fer presque à la
Sylvester (Over the Top, Menahem Golan, 1987 itou), cf. mon article
récent, puisque tout, au fond, correspond, chacun participe du parcours
picaresque et plaisant. Écrivain invisible, auto-ironique et ludique, Kenneth
Cook relie toutes les trames entre elles, traverse les paysages de son pays,
les visages de ses personnages éloignés, familiers. Satirique, pas sarcastique,
comique, pas démagogique, lucide, pas cynique, le bouquin du type
polyvalent, journaliste par accident, se
lit vite et constitue un remède immobile au marasme de maintenant. L’art,
écrit, filmé, servirait, s’il vous plaît, à rassurer, réconforter, consoler, en temps de guerre (sanitaire) ou de paix (capitalisée) ? Pas
une seconde, pas selon votre serviteur cinéphile/lecteur. Raison supplémentaire
pour se distraire, sans se détourner du sien chemin, a fortiori en Australie, en bonne compagnie, ou non muni de local
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