Mademoiselle Julie

 

Un métrage, une image : La Comtesse (2009)

En surface, vous voici vite face à un téléfilm féministe, au révisionnisme assumé, au doute adoubé, car l’histoire, avec ou sans la grande « hache » du père Perec, appartient bel et bien aux « vainqueurs », aux menteurs, aux rédacteurs, aux imposteurs, le psychodrame pseudo-pandémique en (é)preuve pathétique, dissipé comme par magie, supplanté par le réel énorme du conflit Ukraine/Russie, à partir du 14 mars, plus de « passe », « suspension », pas suppression, calmons les moutons, conduisons-les aux élections, ce simulacre de démocratie, légitimé au moyen du repoussoir de la très autoritaire autorité de Russie, bis. La scénariste lacunaire, la réalisatrice scolaire, la compositrice pépère, peut cependant s’appuyer sur des hommes estimables, au talent évident, citons donc les noms des tandems amènes Daniel Brühl (Good Bye, Lenin! ou Moi et Kaminski, 2003 + 2015 = Becker au carré) & William Hurt (entre A History of Violence, Cronenberg, 2005 et Robin des Bois, Scott, 2010), Martin Ruhe (le dirlo photo de Control, Corbijn, 2007 ou Harry Brown, Barber, 2009) & Pierre-Yves Gayraud (chef costumier sur Le Parfum, Tykwer, 2006 ou La Belle et la Bête, Gans, 2014). Co-production franco-allemande et indépendante tournée en anglais, La Comtesse carbure à l’éducation exécutée, au propre, au figuré, aux Turcs délocalisés, au décès sexualisé – mari au lit, « catin » au lointain –, au souverain mesquin et endetté, au coup de foudre contrarié, car classes secouées, à l’insanité ensanglantée, à la réclusion dédoublée, au complot parachevé en partial procès, au suicide glacé, à la nécrophilie évitée. Malgré tout ceci, d’un soupçon de saphisme en dépit, The Countess se démarque de Countess Dracula (Sasdy, 1971), idem du Portrait de Dorian Gray, puisqu’il ne s’agit, en subjective vérité, d’un opus vampirique, d’un ouvrage allégorique, d’un biopic véridique, la réhabilitation de saison installée via d’une romance de malchance l’avouée invention. Si le spectateur, ainsi, n’apprend rien de précis, à propos de l’insaisissable Élisabeth Báthory, matrice à fantasmes, légende toujours vivante, il assiste à l’esquisse symbolique de l’actrice Julie Delpy. Croisée dans Mauvais sang (Leos Carax, 1986), justement, dans Trois Couleurs : Blanc (Kieślowski, 1994), Le Loup-garou de Paris (Waller, 1997) ou Broken Flowers (Jarmusch, 2005), la comédienne décidée, sereine, se met à nu, alitée, topless, en plongée, se dévoile à fond, sous la forme d’une autofiction, d’un autoportrait diffracté. Film à montrer à toutes les aspirantes, à toutes les débutantes, La Comtesse manie le méta, met en scène des mises en scène, donne à voir un miroir mouroir, image(s) d’hommage(s), d’outrage(s), aux explicites personnages, celui de Brühl tel le public, « bonté », « pureté », de l’amour duquel ne pas pouvoir se (tré)passer, celui de Hurt à l’instar d’un cinéaste machiavélique et noir, ses habits « démodés » aussi, déterminé à dompter sa star au désespoir, en proie à la détresse, la vieillesse, la solitude, la finitude. Ni Jeanne d’Arc ni Gilles de Rais, ni « Vierge de Nuremberg » ni Elizabeth Short, mais emmurée vivante à la Poe, cannibale en coda (écho inconscient à Anthropophagous, D’Amato, 1980), la Báthory de Delpy désarme in extremis, en raison de sa sincérité racée, radicalisée, de femme forte et folle à lier, lucide et maladive.      

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir