Le Train des épouvantes

 

Un métrage, une image : Terreur dans le Shanghaï express (1972)

« Moscou demande d’arrêter l’Express quand il passera l’aiguillage. Je pense que c’est la guerre » : ce type de réplique, presque prophétique, la profère un télégraphiste, demeure d’actualité, cinquante ans après, même si le prêtre orthodoxe, guère orthodoxe, ressemble plus à Raspoutine qu’à Poutine, le Cosaque à Kojak, que l’ami Cacavas musique aussi. Décalque pirate de la célèbre nouvelle de Campbell, co-écrit + co-produit par un duo de cocos, Arnaud d’Usseau & Bernard Gordon (Les 55 Jours de Pékin, Ray, 1963), d’où, sans doute, le regard rouge de l’extra-terrestre peu perplexe, illico hors frigo, n’omettons un troisième larron, nommé Julian Zimet (Le Plus Grand Cirque du monde, Hathaway, 1964), Horror Express évoque l’économie riquiqui de Nyby (The Thing from Another World, 1951), plutôt que la paranoïaque eschatologie du père Carpenter (The Thing, 1982). Il s’agit, ainsi, d’un huis clos de loco, comme si le Cluedo à la (Agatha) Christie (Le Crime de l’Orient-Express) croisait, in extremis, le survival envahi de zombies, cf. l’idem ferroviaire, davantage vénère, darwiniste, marxiste, Dernier train pour Busan (Yeon, 2016). Avec son casting choral impeccable, Cushing & Lee, Liné & Tortosa, de Mendoza & Savalas ; avec ses maquettes jamais suspectes, obsolètes, (re)pensez au fiasco de celles, très en plastique, du Melville de Un flic (1972) ; avec le beau boulot du dirlo photo Alejandro Ulloa (Photo interdite d’une bourgeoise, Ercoli, 1970 ou El ojo del huracán, Forqué, 1971), l’expertise du spécialiste, puisque directeur artistique/production designer, en sus set decorator, d’accord, Ramiro Gómez (La Résidence, Les Révoltés de l’an 2000, Serrador, 1969, 1976), cette collaboration hispanico-britannique ne manque de charme, un chouia d’âme, sinon de rythme. Dans Shanghaï Express (Sternberg, 1932), Marlene Dietrich immortalisait une (Marie) Madeleine à la Maupassant, une guerre civile asiatique, fantasmatique, traversant. Ici, l’amorale anthropologie s’assortit de décès en série, d’identités volées, dévorées, aspirées par les yeux révulsés, tels ceux du poisson servi, à l’instar des victimes « cuit ». Soigné divertissement souvent amusant, dialogues ad hoc, opus européen, latin, en train, moins croisement culturel, néanmoins, que La Légende des sept vampires d’or (Baker, 1974), Horror Express attache puis détache les wagons de l’évolution, de la civilisation, de la vision, de la destruction. Ni miroitement de la moribonde Hammer, ni en mode Le Monstre du train (Spottiswoode, 1980) illusoire slasher, la relecture impure de Compartiment tueurs (Costa-Gavras, 1965) associe l’acier à Satan, Wells & Kazan, comtesse curieuse, neige miséricordieuse, autopsie à la scie, repas pris en charmante compagnie, espionnage et sauvetage. On découvre, en outre, motif stupide, sublime, photosensible, la capacité de l’accidenté de voie lactée à emprisonner, sur son « humeur vitrée », la police complice, le bestiaire spectaculaire, la protohistoire de l’(in)humaine histoire. « Le Diable est parmi nous. Le Diable est en nous » résume le mystique, à présent apostat, peut-être damné, moralité d’altérité intériorisée, d’assiégés Ukrainiens, d’Adversaire poutinien, de l’anonyme Martín…  

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